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05/04/2024 | FRANCE | N°21/09215

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 05 avril 2024, 21/09215


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me TAVARES
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me LAVERNAUX




8ème chambre
3ème section

N° RG 21/09215
N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

N° MINUTE :

Assignation du :
29 juin 2021









JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [L] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Dorothée TAVARES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #P

N336


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic le CABINET JUFFORGUES
S.A.S. CABINET JUFFORGUES
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentés par Maître Céline...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me TAVARES
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me LAVERNAUX

8ème chambre
3ème section

N° RG 21/09215
N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

N° MINUTE :

Assignation du :
29 juin 2021

JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [L] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Dorothée TAVARES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #PN336

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic le CABINET JUFFORGUES
S.A.S. CABINET JUFFORGUES
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentés par Maître Céline LAVERNAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A544

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Léa GALLIEN, greffier,

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

DÉBATS

A l’audience du 09 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [C] est propriétaire du lot n°20, correspondant à un appartement en duplex situé au rez-de-chaussée et premier étage du bâtiment B de l'immeuble du [Adresse 4], soumis au statut de la copropriété et géré par la SAS Cabinet Jufforgues en qualité de syndic.

Lors de l'assemblée générale du 26 mai 2021, ont été soumises au vote des copropriétaires des résolutions n°24 à 27, portant sur la réfection de la oiture des courettes (résolution n°24), la souscription d'une assurance dommages-ouvrage (résolution n°25), les honoraires du syndic (résolution n°26) et les modalités de financement de ces travaux (résolution n°27).

Ces quatre résolutions ont été adoptées à l'unanimité des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.

Ont également été soumises au vote, à la demande de M. [C], la résolution n°40 portant sur le déplacement d'une porte palière de son appartement, et la résolution n°41, portant sur la transformation d'une fenêtre de son logement en porte-fenêtre.

Le procès-verbal mentionne que ces deux résolutions ont été refusées « à la majorité de tous les copropriétaires (présents, représentés, absents ou ayant voté par correspondance) ».

Par acte délivré le 29 juin 2021, M. [C] a fait assigner devant la présente juridiction le syndicat des copropriétaires et le syndic aux fins d'annulation des résolutions n°24 à 27, 40 et 41, de condamnation, sous astreinte, du syndic à convoquer une nouvelle assemblée générale ainsi qu'à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2, notifiées par voie électronique le 11 avril 2023, M. [C] demande au tribunal, au visa de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et notamment ses articles 3, 6-2, 6-4, 10-1, 14-1, 18 et 42, de l'article 17 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 et des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
« ANNULER les résolutions n°40 et n°41 de l'assemblée générale ordinaire du 26 mai 2021;
ANNULER les résolutions n°24 à n°27 de l'assemblée générale ordinaire du 26 mai 2021 comme ayant été adoptées suite aux manœuvres dolosives du Syndic et comme étant contraires aux dispositions du règlement de copropriété d'origine et ses modificatifs ainsi qu'aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 ;
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

DIRE ET JUGER que le cabinet JUFFORGUES, es qualité de Syndic, a commis des fautes engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur [C] ;
CONDAMNER le cabinet JUFFORGUES à payer à Monsieur [C] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
ASSORTIR la somme allouée à Monsieur [C] des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de la présente assignation ;
ORDONNER la capitalisation desdits intérêts ;
CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 4], représenté par son syndic le cabinet JUFFORGUES et le Cabinet JUFFORGUES es-qualité, à payer à Monsieur [C] la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DIRE ET JUGER que Monsieur [C] sera dispensé de toute participation au paiement des frais de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ainsi qu'à tous autres frais de procédure qui seront supportés par le Syndicat des copropriétaires et dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires ;
CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 4], représenté par son syndic le cabinet JUFFORGUES et le Cabinet JUFFORGUES es-qualité, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Dorothée TAVARES, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir en vertu des dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile ».

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 07 avril 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la SAS Cabinet Jufforgues demandent au tribunal, au visa de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 de :
« DEBOUTER M.[C] de l'ensemble de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
CONDAMNER M.[C] à régler au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- Le condamner aux entiers dépens ».

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2023 et la date de plaidoirie a été fixée au 09 février 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 05 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de « dire et juger »

En application des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile, « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

En l'espèce, le dispositif des conclusions de M. [C] comporte une demande qui ne consiste en réalité qu'en une reprise de simples moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions qu'il formule et ne constitue donc pas une prétention au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile, en ce qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert.

Par conséquent, le tribunal ne statuera pas sur la demande ainsi formulée au dispositif :
« DIRE ET JUGER que le cabinet JUFFORGUES, es qualité de Syndic, a commis des fautes engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur [C] ; ».

Sur la recevabilité de l'action en annulation des résolutions n°24 à 27

Aux termes de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale ».

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que M. [C] a voté en faveur de ces résolutions dont il sollicite l'annulation de telle sorte que sa demande est irrecevable, peu important qu'il ait préjugé du sens des votes concernant sa propre demande d'autorisation de travaux.

M. [C] explique en effet avoir attiré l'attention du syndic sur le fait qu'une erreur avait été commise dans la mise au vote de cette résolution puisque seuls les copropriétaires du bâtiment B ont été appelés à se prononcer sur les travaux de réfection de la toiture d'une partie de la cour, alors qu'il s'agit de parties communes à l'ensemble de la copropriété et que la résolution devait donc être soumise à l'ensemble des copropriétaires.

Il ne conteste pas avoir voté en faveur de ces résolutions mais explique que « devant l'insistance du syndic, professionnel chargé de faire respecter les dispositions du règlement de copropriété », il « s'est laissé tromper et a finalement voté pour la résolution ».

Il précise également que s'il a voté pour cette résolution, « ce n'est que s'agissant des travaux de réfection proprement dit et du fait qu'il acceptait de prendre à sa charge avec Monsieur [K] la différence de prix existant entre la toiture en polycarbonate et la toiture en verre, cette dernière permettant d'apporter plus de luminosité à son logement dont les fenêtres donnent sur un mur construit à moins d'un mètre de distance !
En revanche, Monsieur [C] refuse bien évidemment de payer plus du fait de la faute équipollente au dol du Syndic qui s'obstine à appliquer une mauvaise clé de répartition des charges en considérant sans aucun fondement qu'il s'agit d'une charge du bâtiment B et non d'une charge commune générale ».

Il ajoute que les défendeurs se bornent à indiquer qu'il est irrecevable à demander l'annulation de ces résolutions pour avoir voté favorablement, mais ne donnent aucune explication sur les raisons ayant conduit le syndic à n'appeler à voter qu'une partie des copropriétaires alors qu'il est évident qu'il a ainsi commis une faute.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

Il ressort de la lecture du procès-verbal d'assemblée générale qu'aucun copropriétaire ne s'est opposé aux résolutions contestées qui ont toutes été adoptées à l'unanimité des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.

Or, l'article 42 précité n'ouvre l'action en contestation des décisions d'assemblée générale qu'aux seuls copropriétaires opposants ou défaillants.

Les copropriétaires opposants à une résolution sont ainsi ceux qui ont participé à l'assemblée, à la différence des copropriétaires défaillants, mais qui ont voté dans le sens contraire de celui de la majorité, en votant contre une résolution adoptée ou en faveur d'une résolution rejetée.

M. [C], qui a voté en faveur de ces résolutions qui ont toutes été adoptées, n'est par conséquent ni opposant ni défaillant et ne remplit pas les conditions fixées par l'article 42 pour pouvoir les contester.

Sa demande d'annulation est donc irrecevable, peu important les raisons pour lesquelles il a voté en faveur de ces résolutions.

Sur la demande d'annulation des résolutions n°40 et n°41

M. [C] sollicite l'annulation de ces résolutions en ce qu'elles ont été soumises au vote de l'ensemble des copropriétaires alors que seuls les copropriétaires du bâtiment B auraient dû selon lui se prononcer, puisque les travaux envisagés ne concerneraient que les parties communes de ce bâtiment.

Il explique en effet que tant le règlement de copropriété d'origine que ses modificatifs prévoient bien l'existence de parties communes spéciales et de charges spéciales au bâtiment B et que, dans la mesure où le règlement de copropriété distingue, s'agissant des parties communes, les parties communes générales et les parties communes spéciales, il en résulte nécessairement, par application des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, que seuls les copropriétaires ayant des droits indivis sur les parties communes concernées par les travaux peuvent voter en assemblée sur cette question.

Il conteste l'argumentation des parties en défense selon laquelle d'une part, la résolution n°40 n'aurait pas obtenu un vote positif même si elle avait été soumise aux seuls copropriétaires du bâtiment B et, d'autre part, la résolution n°41 nécessitait le vote de l'ensemble des copropriétaires puisque la demande portait sur l'aspect extérieur de l'immeuble.

Il fait en effet valoir que la fenêtre, pour laquelle l'autorisation était sollicitée, n'est pas visible de l'extérieur puisqu'il s'agit de celle qui ouvre sur la courette et non d'une fenêtre de façade du bâtiment donnant sur la cour commune. Il conteste toute nuisance à l'harmonie et l'uniformité de l'immeuble, relevant qu'une autorisation de la sorte a précédemment été accordée à un autre copropriétaire.

Enfin, il fait valoir que contrairement à ce que soutiennent les parties en défense, la demande d'annulation n'est pas dépourvue d'objet puisque les nouvelles résolutions n°11 et 12 devant être portées à l'ordre du jour de l'assemblée du 24 avril 2023 ne sont pas identiques et qu'au surplus, le fait que le syndic leur applique une clé de répartition différente de celle appliquée lors de l'assemblée de 2021 démontre bien qu'il avait alors commis une faute, ce qui suffit à justifier l'annulation sollicitée.

Le syndicat des copropriétaires et le syndic soutiennent, pour leur part, que le résultat du vote de la résolution n°40, qu'il soit pris sur la totalité des millièmes de la copropriété ou uniquement sur ceux composant le bâtiment B, aurait été similaire.

S'agissant de la résolution n°41, ils font valoir qu'elle implique une modification de l'aspect extérieur de l'immeuble nécessitant ainsi le vote de l'ensemble des copropriétaires.

Ils soutiennent de plus que si le règlement de copropriété comprend bien des parties communes spéciales, pour autant s'agissant d'une copropriété unique et indivisible, la loi répute partie commune l'ensemble du bâti, et l'harmonie ou l'aspect extérieur de l'immeuble relèvent par définition des parties communes telles que visées par l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, de telle sorte que toutes les modifications doivent être votées par l'ensemble des copropriétaires.

Ils considèrent enfin que ces demandes sont dépourvues d'objet puisque ces questions ont été portées à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 24 avril 2023, avec application d'une clé de répartition par bâtiment.

-sur la résolution n°40

La résolution est ainsi formulée :
« demande de M. [C] de déplacer la porte palière du lot n°20 au 1er étage (art 25)
Après avoir entendu les explications de Monsieur [L] [C] et étudié les documents joints à la convocation, l'assemblée générale des copropriétaires donne l'autorisation à Monsieur [L] [C] de déplacer la porte palière du 1er étage du lot n°20 (nouveau lot n°36).

Se sont abstenus : néant
Ont voté contre : 549/1060 tantièmes.
En conséquence de quoi cette résolution est refusée à la majorité de tous les copropriétaires (présents, représentés, absents ou ayant voté par correspondance). »

Il n'est pas contesté que la résolution a été mise au vote de l'ensemble des copropriétaires représentant 1060 tantièmes, ce qui ressort au surplus des mentions portées sur la première page du procès-verbal.

Le règlement de copropriété, établi le 27 avril 1956, ainsi que les modificatifs ultérieurs mentionnent que l'immeuble comprend :
« - en façade sur rue, un immeuble couvert en tuiles, construit en briques et vitrage, élevé de un rez-de-chaussée où est installé un atelier de menuiserie et un logement de un étage où sont à droite un logement et à gauche un atelier de montage,
-sur cour, un immeuble construit en briques apparentes, couvert en tuiles, élevé de un rez-de-chaussée et de deux étages, le tout à usage d'hôtel meublé
-sous-sol sous l'ensemble des constructions.
Cour entre ces bâtiments. »

Aux termes du règlement d'origine, l'immeuble a été divisé en six lots, le bâtiment A correspondant à l'immeuble en façade sur rue, étant ainsi composé des lots n°1 à 3, le bâtiment B correspondant à l'immeuble sur cour, constituant à lui seul le lot n°4, et les lots n°5 et 6 étant chacun constitué d'une cave (cave n°1 pour le lot n°5 et cave n°2 pour le lot n°6).
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

Aux termes du modificatif en date du 04 juillet 1969, le lot n°5 a été supprimé et subdivisé en deux lots, le lot n°7 et le lot n°8.
Par ailleurs, tous les lots ont été supprimés et remplacés par les lots n°11 à 19.
Le bâtiment A, correspondant à l'immeuble en façade sur rue, a ainsi désormais été composé des lots n°11 à 13 et le bâtiment B, correspondant à l'immeuble sur cour, du lot n°14.
Les lots n°15 à 17 correspondaient chacun à une cave (cave n°1 en sous-sol aménagé pour service de magasin à bois pour le lot n°15, cave n°1 bis faisant suite à la cave n°2 dont elle est séparée par un mur pour le lot n°16 et cave n°2 sous la partie à l'angle nord-est de l'hôtel et utilisée pour le chauffage central de l'hôtel pour le lot n°17) et le lot n°18 correspondait, pour sa part, à un escalier de descente au sous-sol.

Afin de pouvoir procéder à la vente du lot n°14 par appartements, le règlement de copropriété a ensuite été modifié par acte en date du 29 mai 1986, de la manière suivante :
- le lot n°14 (bâtiment B) a été subdivisé en sept nouveaux lots, numérotés 19 à 25,
- les lots n°15 à 17 ont été supprimés et cinq nouveaux lots ont été créés, numérotés 26 (ancien lot n°15), 27 (partie des anciens lots n°16 et 17), 28 (partie des anciens lots n°16 et 17), 29 (partie des anciens lots n°16 et 17) et 30 (partie des anciens lots n°16 et 17).

Le règlement de copropriété, ainsi modifié, définit en ces termes en page 8 les parties communes du bâtiment B :
« Les gros murs de façade de pignon ; de refend, les combles, les charpentes, les poutres maîtresses et solives des planchers et des plafonds, la toiture, les coffres gaines et conduits de fumée, les têtes et souches de cheminée, les ornements extérieurs de façade et fenêtres et barres d'appui des fenêtres, les fenêtres persiennes et les cloisons séparatives des passages communs, les canalisations d'eau, de gaz et d'électricité (sauf les parties situées à l'intérieur des fractions divises et affectées à l'usage exclusif et particulier de ces fractions divises), les tuyaux d'écoulement des eaux usées et pluviales, les tuyaux d'écoulement des eaux pluviales et ceux conduisant les eaux ménagères au tout à l'égout, les tuyaux et canalisation du tout à l'égout (sauf les parties intérieures et à l'usage exclusif et particulier de chaque propriétaire), les cages d'escalier, les couloirs de desserte d'étage.

Enfin sont communes toutes les parties non affectées à l'usage exclusif et particulier d'un seul propriétaire ou qui seront communes selon la loi et l'usage, l'énumération ci-dessus ne pouvant être considérée comme limitative.

Les parties communes resteront toujours affectées à leur usage actuel et appartiendront aux acquéreurs dans la proportion ci-dessus indiquée. »

Enfin, le modificatif établi le 09 janvier 2015 prévoit :
-la création, par prélèvement sur les parties communes, d'un nouveau lot numéroté 31, à usage de partie de circulation, situé au sous-sol du bâtiment B,
-l'échange entre la SCI LIENE et le syndicat des copropriétaires des lots n°18, appartenant à la SCI, et 31, partie commune,
-l'annulation des lots n°11, 12, 13, 26, 27 et 31 et leur remplacement par le lot n°32, ainsi désigné : « en façade sur la rue Barrault, le bâtiment A élevé de deux étages sur rez-de-chaussée et d'un sous-sol, le tout à usage de bureaux et d'activités », totalisant 696/1011èmes tantièmes,
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

-la suppression du lot n°32 et son remplacement par deux nouveaux lots, n°33 (« au rez-de-chaussée du bâtiment A un ensemble de locaux à usage de bureaux et d'activités sur trois niveaux » totalisant 417/1011èmes tantièmes) et n°34 (« au rez-de-chaussée du bâtiment A un ensemble de locaux à usage de bureaux et d'activités sur quatre niveaux » totalisant 279/1011èmes tantièmes),
-la modification de la destination du lot n°34 pour lui donner l'affection d'un local d'activité à usage de bureaux, au rez-de-chaussée donnant sur rue et quatre logements aux premier et deuxième étages.

Il est de plus indiqué que l'assemblée générale réunie le 31 juillet 2014 a approuvé cette modification ainsi que la nouvelle répartition des charges et que, par suite, les charges communes générales sont exprimées en 1060èmes et sont rattachés au lot n°34 les 328/1060èmes de la propriété du sol et des parties communes générales.

Il est enfin mentionné, en page 15, s'agissant des charges communes spéciales :
« -Charges communes spéciales à chaque bâtiment
Répartition
Les charges spéciales à chaque bâtiment seront réparties entre les copropriétaires des lots :
-numéros 33 et 34 pour le bâtiment A
-numéros 18 à 25, 28 à 30 et 33 pour le bâtiment B ».

Aux termes d'un acte notarié en date du 18 mars 2019, M. [C] a acquis la propriété du lot n°20, issu de la division de l'ancien lot n°14 et situé dans le bâtiment B.

Il ressort ainsi de cette chronologie que les copropriétaires du bâtiment B, dont fait partie le lot n°20, s'acquittent de charges communes spéciales, au vu des parties communes spéciales dont il dispose et qui sont listées dans le modificatif du 29 mai 1986.

Le règlement de copropriété d'origine qualifie de parties privatives les portes palières, les fenêtres sur rue et sur cour ainsi que leurs volets mais les travaux envisagés par M. [C] portent toutefois sur le déplacement de la porte palière du premier étage au rez-de-chaussée et sur la transformation d'une fenêtre existante en porte-fenêtre, nécessitant par conséquent le percement du mur de façade du bâtiment B, expressément qualifié de partie commune spéciale au bâtiment B aux termes du modificatif du 29 mai 1986 précédemment rappelé.

Par conséquent, si ces résolutions pouvaient être évoquées en assemblée générale réunissant l'ensemble des copropriétaires, elles ne devaient toutefois être soumises au vote que des seuls copropriétaires du bâtiment B et non à l'ensemble de la copropriété.

C'est ainsi à tort que le syndicat des copropriétaires soutient que « s'agissant d'une copropriété unique et indivisible, la loi répute partie commune l'ensemble du bâti » et en veut pour preuve le passage du règlement de copropriété d'origine listant les parties communes à l'ensemble des copropriétaires, alors que le modificatif du 29 mai 1986 a expressément créé des parties communes spéciales au bâtiment B.

Par ailleurs, l'argument selon lequel le résultat du vote aurait été similaire, quand bien même seuls les copropriétaires du bâtiment B auraient été consultés importe peu dans la mesure où l'assemblée générale n'a pas le pouvoir de prendre des décisions intéressant les parties communes spéciales.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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De la même façon, le fait de mettre à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 24 avril 2023 de nouvelles résolutions portant sur les travaux sollicités ne suffit pas à rendre les résolutions attaquées sans objet dans la mesure où il ne peut être préjugé de leur adoption.

Enfin, le syndicat des copropriétaires se contente d'indiquer que « l'harmonie de l'immeuble ou l'aspect extérieur de l'immeuble relève par définition des parties communes telles que visées par l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui implique que toutes les modifications concernant ce bâtiment relèvent du vote de l'ensemble des copropriétaires », sans toutefois démontrer ni même indiquer quelles seraient les atteintes portées à l'harmonie ou l'aspect extérieur de l'immeuble.

Les résolutions n°40 et 41 doivent par conséquent être annulées.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

M. [C] reproche au syndic d'avoir commis une faute en soumettant les résolutions contestées au vote de l'ensemble des copropriétaires, alors même qu'il avait attiré son attention à de nombreuses reprises sur cette difficulté.

Il ajoute qu'il ne pouvait ignorer l'existence de ces parties communes spéciales, et que son attitude est ainsi d'autant plus surprenante, puisqu'il a bien soumis au vote des seuls copropriétaires du bâtiment B d'autres résolutions ne portant que sur ces parties communes spéciales, telles que les résolutions n°18 à 20 concernant la réparation de la porte d'entrée du bâtiment B, et n°32 à 34 portant sur les travaux de réfection de la cage d'escalier du même bâtiment.

Or, il indique que sa demande de travaux a été refusée alors qu'elle aurait été acceptée si elle n'avait été soumise qu'au vote des copropriétaires concernés, le rejet n'ayant en effet été causé que par le vote d'un copropriétaire du bâtiment A.

Il relève que le précédent syndic avait, au contraire, justement appliqué les dispositions du règlement de copropriété lorsqu'il avait, pour la première fois, sollicité en assemblée générale cette autorisation, de telle sorte qu'il s'interroge sur l'intention du syndic de lui nuire.

Il indique de plus que le syndic n'a pas respecté ses obligations légales puisqu'il n'a pas inscrit les réserves formulées par ses soins lors de l'assemblée générale du 26 mai 2021, pas plus qu'il n'a mentionné le nom et le nombre de voix des copropriétaires opposants, en contradiction avec les dispositions de l'article 17 alinéas 4 et 3 du décret du 17 mars 1967.

Il considère qu'il a ainsi été privé de la possibilité d'effectuer les travaux qu'il sollicitait afin de bénéficier de plus de luminosité dans son logement, la fenêtre objet de la transformation donnant en effet sur un mur construit sans autorisation à moins d'un mètre de distance. Il considère donc qu'il subit un préjudice du fait de ne pouvoir réaliser ces travaux tout comme de devoir attendre de pouvoir le faire, en raison de la faute du syndic.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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Il indique en effet que le syndic a envoyé les convocations pour l'assemblée générale de 2022, tenue le 13 janvier 2023, durant les vacances de Noël, sans l'informer en amont de la date, ce qui ne lui a pas permis de demander une nouvelle fois l'inscription de ses demandes à l'ordre du jour, alors même que l'article 9 alinéa 3 du décret du 17 mars 1967 prévoit que le syndic indique aux copropriétaires, par voie d'affichage, la date de la prochaine assemblée générale et la possibilité de demander l'inscription d'une question à l'ordre du jour. Il réclame par conséquent la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Le syndic conteste toute volonté de nuire, en indiquant que lors des assemblées générales de 2020 et 2021 d'autres copropriétaires se sont vus refuser une autorisation et que M. [C] a, pour sa part, été autorisé à poser un velux sur la toiture de la courette du bâtiment B, au même titre qu'un autre copropriétaire. Il fait valoir que M. [C] n'est pas privé de la possibilité de présenter de nouveau sa demande en assemblée générale et que l'erreur sur le quorum de la résolution n°40 n'entraîne aucun préjudice dans la mesure où, en tout état de cause, la résolution n'aurait pas été adoptée.

Il rappelle enfin que l'assemblée générale du 24 avril 2023 est appelée à voter sur les autorisations sollicitées selon les clés de répartition idoines, de telle sorte que ses demandes sont sans objet, et qu'il est même ajouté à l'ordre du jour une nouvelle demande de sa part relative à l'installation d'un nouveau compteur électrique. Enfin, il relève qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de telle sorte qu'il n'est pas fondé à solliciter des dommages et intérêts.

La mise en jeu de la responsabilité du syndic sur un fondement délictuel nécessite que soient caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

En l'espèce, il n'est pas justifié que M. [C] ait attiré l'attention du syndic sur la difficulté tenant à la clé de répartition, aucun courrier en ce sens n'étant produit et le procès-verbal de l'assemblée générale ne portant aucune mention de la sorte.

De plus, il n'est pas possible de vérifier, comme le soutient M. [C], que la résolution n°40 n'a été refusée qu'en raison du vote d'un copropriétaire du bâtiment A, le procès-verbal n'indiquant pas le nom associé aux tantièmes détenus des copropriétaires opposants, les dispositions de l'article 17 alinéa 3 du décret du 17 mars 1967 n'ayant ainsi pas été respectées.

Toutefois, aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est notamment chargé d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété.

Or, il a été précédemment démontré que le syndic n'avait pas appliqué la bonne clé de répartition s'agissant des demandes d'autorisation formulées par M. [C] alors même qu'il ressort effectivement du procès-verbal que la résolution n°32, portant sur la réfection de la cage d'escalier du bâtiment B, a bien été soumise au seul vote de ces copropriétaires, le procès-verbal portant mention d'un nombre total de tantièmes retenus de 877 alors que l'ensemble des copropriétaires représente 1060 tantièmes.

Cette méconnaissance des dispositions du règlement de copropriété, portant sur l'existence de parties communes spéciales et de charges spéciales, constitue ainsi une faute.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09215 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZAP

Il n'est pas contestable que le rejet de ses demandes empêche la réalisation des travaux souhaités et que l'erreur commise par le syndic l'a privé de la possibilité de voir ces dernières acceptées.

Pour les raisons précédemment évoquées, tenant à l'absence de mention des copropriétaires opposants, il n'est en effet pas possible d'affirmer que les résolutions contestées auraient en tout état de cause été acceptées si elles n'avaient été soumises qu'au vote des seuls copropriétaires concernés.

Ce faisant, le syndic a également commis une faute, le procès-verbal n'étant pas correctement rédigé et ne permettant donc pas d'établir un éventuel lien de causalité entre l'application erronée de la clé de répartition et le préjudice subi par M. [C] du fait du rejet de ses demandes.

Il convient par conséquent d'indemniser M. [C] à hauteur de 2 000 euros, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, que la SAS cabinet Jufforgues est condamné à lui régler.

Conformément à sa demande, la capitalisation des intérêts est ordonnée.

Sur les autres demandes

Parties perdantes, le syndicat des copropriétaires et le syndic sont condamnés in solidum aux dépens de l'instance.

Maître Dorothée Tavares, avocat qui en fait la demande, est autorisée à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Tenus aux dépens, ils sont également condamnés in solidum à régler à M. [C] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le sens de la décision conduit à débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande formulée à ce titre, le syndic n'ayant pour sa part formé aucune demande de la sorte.

M. [C] est dispensé de toute participation au paiement des frais de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.

L'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DÉCLARE irrecevable la demande d'annulation des résolutions n°24 à 27 adoptées lors de l'assemblée générale du 26 mai 2021 ;

ANNULE les résolutions n°40 et 41 adoptées lors de l'assemblée générale du 26 mai 2021 ;

CONDAMNE la SAS Cabinet Jufforgues à payer à M. [L] [C] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la SAS Cabinet Jufforgues aux entiers dépens ;

AUTORISE Maître Dorothée Tavares à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la SAS Cabinet Jufforgues à régler à M. [L] [C] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de sa demande formulée à ce titre ;

DISPENSE M. [L] [C] du paiement des frais de procédure dont la charge sera répartie sur les autres copropriétaires ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 05 avril 2024

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 21/09215
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;21.09215 ?
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