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05/04/2024 | FRANCE | N°22/10850

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 05 avril 2024, 22/10850


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies exécutoires
délivrées le:
à Me TABUTIAUX
Copies certifiées conformes
délivrées le:
à Me FOUGERAT




8ème chambre
3ème section

N° RG 22/10850
N° Portalis 352J-W-B7G-CXYQV

N° MINUTE :

Assignation du :
02 septembre 2022









JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [F]-[C] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Gilles FOUGERAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0

039


DÉFENDERESSE

Madame [V] dite [G] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Aurélie TABUTIAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1416


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Fréd...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies exécutoires
délivrées le:
à Me TABUTIAUX
Copies certifiées conformes
délivrées le:
à Me FOUGERAT

8ème chambre
3ème section

N° RG 22/10850
N° Portalis 352J-W-B7G-CXYQV

N° MINUTE :

Assignation du :
02 septembre 2022

JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [F]-[C] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Gilles FOUGERAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0039

DÉFENDERESSE

Madame [V] dite [G] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Aurélie TABUTIAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1416

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Madame Léa GALLIEN, greffier,

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/10850 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXYQV

DÉBATS

A l’audience du 09 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F]-[C] [R] est voisin de Mme [G] [U] et tous deux sont propriétaires d'un pavillon faisant partie d'une enfilade de neuf autres situés au [Adresse 1] [Localité 3], et soumis au statut de la copropriété.

En 2019, Mme [U] a souhaité faire installer une cheminée à foyer fermé dans son pavillon.

Par de nombreux courriers, adressés tant à Mme [U] qu'au syndic ou encore à l'installateur, M. [R] a manifesté son opposition à ces travaux en faisant état du risque de propagation des fumées dans son jardin et son logement.

Les travaux ont été réalisés par la société Flamiro et M. [R] n'a alors cessé de se plaindre auprès de Mme [U], mais également du syndic et des autres copropriétaires, des nuisances subies du fait de l'installation de cette cheminée.

Par acte en date du 02 juin 2020, M. [R] a fait assigner Mme [U] devant le juge des contentieux et de la protection statuant en référé, afin d'obtenir la dépose et la suppression de la cheminée, l'interdiction pour Mme [U] de provoquer et libérer des fumées sous astreinte de 1000 euros par jour à compter du prononcé de la décision, à titre subsidiaire, la réalisation d'une mesure d'expertise et dans cette hypothèse l'interdiction faite à Mme [U] de libérer des fumées sous astreinte de 1000 euros par jour.

La procédure de conciliation diligentée n'a pas abouti.

Par ordonnance de référé en date du 06 juillet 2020, le juge des contentieux de la protection a débouté M. [R] de sa demande de dépose et de suppression de la cheminée ainsi que de celle visant à faire interdiction à Mme [U] de provoquer et libérer des fumées. Il a, en revanche, ordonné une expertise confiée à M. [S] [T].

Par acte délivré le 14 octobre 2020, Mme [U] a fait assigner en intervention forcée la société Flamiro afin de lui rendre commune l'ordonnance rendue le 06 juillet 2020. M. et Mme [Z], voisins, sont intervenus volontairement à l'audience afin de solliciter que cette ordonnance leur soit également rendue commune et que la mission de l'expert soit étendue à leur logement et à leurs préjudices.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/10850 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXYQV

Par ordonnance en date du 1er décembre 2020, le juge des contentieux de la protection a reçu l'intervention forcée de la société Flamiro et déclaré irrecevable celle des époux [Z]. Il a ainsi rendu communes et opposables à la société la mission et les opérations d'expertise.

Par actes délivrés les 15 et 16 décembre 2020, M. et Mme [Z] ont fait assigner Mme [U], M. [R] et la société Flamiro afin de se voir rendre commune l'ordonnance de référé rendue le 06 juillet 2020 et que la mission de l'expert soit étendue à leur logement et à leurs préjudices.

Par ordonnance de référé en date du 08 mars 2021, il a été fait droit à leur demande.

Par acte délivré le 13 juillet 2021, M. [R] a de nouveau fait assigner Mme [U] afin de voir ordonner à la défenderesse de cesser tout usage de la cheminée de son logement jusqu'à l'issue du litige, soit jusqu'à ce qu'une éventuelle solution transactionnelle soit trouvée entre les parties ou à défaut jusqu'à ce que le tribunal ait tranché le litige au fond, la décision à intervenir devant être assortie d'une pénalité de 1000 euros pour toute infraction constatée.

M. et Mme [Z] sont de nouveau intervenus volontairement à l'instance afin d'obtenir la condamnation de Mme [U].

Par ordonnance de référé en date du 07 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection a déclaré recevable l'intervention volontaire des époux [Z]. Il a en revanche déclaré irrecevables les demandes formulées par M. [R] en l'absence de circonstances nouvelles depuis le prononcé de l'ordonnance du 06 juillet 2020.

Le rapport d'expertise a été déposé le 21 juin 2022.

En l'absence de toute solution amiable au litige, M. [R] a, par acte délivré le 02 septembre 2022, fait assigner Mme [U] devant la présente juridiction, aux fins d'obtenir qu'elle cesse tout usage de sa cheminée dès le prononcé du jugement, outre la dépose du conduit métallique dans les 10 jours, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard constaté, et dont elle devra justifier par la production d'un constat d'huissier, qu'elle soit condamnée à lui régler la somme de 88 000 euros à titre de provision en réparation de son préjudice de jouissance, celle de 100 000 euros en réparation de ses préjudices physique et moral et enfin celle de 2750 euros par mois à compter du mois d'octobre 2022 jusqu'à la dépose effective de la cheminée.

Par acte délivré le 23 mai 2023, Mme [U] a fait assigner en intervention forcée la société Flamiro et a sollicité la jonction des deux procédures, demande à laquelle il n'a pas été fait droit.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, M. [R] demande au tribunal, au visa des articles 651 et 674 du code civil, de l'arrêté du 23/11/1979 portant règlement sanitaire de la ville de Paris, et de la norme « NF DTU 24.1 », de :
« Recevoir Monsieur [F]-[C] [R] en ses écritures et l'y déclarer bien fondé ;
En conséquence :
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8ème chambre 3ème section
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- ordonner à Madame [G] [U] de cesser tout usage de sa cheminée à feu de bois dès le prononcer du jugement et à déposer le conduit métallique dans les 10 jours et cela sous astreinte de 1 000 € par jour de retard constaté ;
- ordonner à Madame [G] [U] de justifier de la dépose effective de sa cheminée par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier qu'elle devra faire établir à ses frais et qu'elle devra dénoncer également par huissier à ses frais à Monsieur [R] ;
- condamner Madame [G] [U] à verser à Monsieur [R] la somme de 88 000 € à titre de provision en réparation de son préjudice de jouissance et la somme de 100 000 € en réparation de ses préjudices moral et physique ;
- dire que la réparation du préjudice de jouissance de Monsieur [R] sera complétée d'une indemnité de 2 750 € par mois à compter du mois d'octobre 2022 jusqu'à la dépose effective de la cheminée ;
- condamner Madame [G] [U] au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise et le coût des constats d'huissiers des 12/03/2020, 19/03/2021, 15/05/2021 et de la dénonciation du 25/03/2020 ».

Dans ses conclusions en réponse, notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, Mme [U] demande au tribunal au visa des articles 651 et 674 du code civil, 698, 699 et 700 du code de procédure civile, de l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire de la Ville de Paris et de la norme « NF DTU 24.1, » de (sic) :
« A TITRE PRINCIPAL,
-DECLARER Madame [U], recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- DEBOUTER Monsieur [R] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions du fait de l'autorité de la chose jugée au provisoire,
- ENTERINER et ORDONNER l'intervention forcée de la société FLAMIRO en sa qualité d'installateur de la cheminée litigieuse, ainsi que son liquidateur ès qualité, la SCP ANGEL-[J] prise en la personne de Me [J], et leur assureur dommages-ouvrages, la société AXA France IARD, au regard des conclusions du rapport d'expertise déposé par Monsieur [T] le 5 juillet 2022.
En conséquence,
- CONDAMNER solidairement la société FLAMIRO en sa qualité d'installateur de la cheminée litigieuse, ainsi que son liquidateur ès qualité, la SCP ANGEL-[J] prise en la personne de Me [J], et la société AXA France IARD, à garantir Madame [U] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
-DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande de dépose de la cheminée sous astreinte de 1000 euros par jour de retard,
-DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande de justification de la dépose effective de sa cheminée par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier et de dénonciation,
-DEBOUTER Monsieur [R] de ses demandes de condamnation de Madame [U] à lui verser une indemnisation au titre de son préjudice moral, physique et de jouissance,
-REJETER les conclusions du rapport d'expertise consistant à affirmer que la cheminée de Madame [U] a été installée à une distance non conforme aux règles de l'art et aux normes en vigueur, et qu'elle rejette des fumées toxiques,
-REJETER la pièce 59 de Monsieur [R] car dépourvue de force probante et établie pour les besoins de la cause,
ET DONC,
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8ème chambre 3ème section
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-PRONONCER que la cheminée de Madame [U] est conforme à la législation en vigueur et ORDONNER son maintien en l'état, A TITRE SUBSIDIAIRE, si la juridiction de céans considérait que les demandes de Monsieur [R] étaient recevables,
-DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande de dépose de la cheminée sous astreinte de 1000 euros par jour de retard,
-DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande de justification de la dépose effective de sa cheminée par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier et de dénonciation,
-DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande non justifié de réparation de son prétendu préjudice de jouissance ainsi que physique et moral,
-ENTERINER le fait que l'expert a retenu une responsabilité de Madame [U] à hauteur de 5%,
En conséquence,
-ORDONNER que Madame [U] n'est responsable qu'à hauteur de 5%
-REDUIRE les demandes d'indemnisation de Monsieur [R] dirigées à l'encontre de Madame [U] à de justes proportions et en tenant compte des conclusions de l'expert considérant que Madame [U] n'est responsable qu'à hauteur de 5% des nuisances potentiellement provoquées par l'installation de sa cheminée,
-CONDAMNER solidairement la société FLAMIRO en sa qualité d'installateur de la cheminée litigieuse, ainsi que son liquidateur ès qualité, la SCP ANGEL-[J] prise en la personne de Me [J], et la société AXA France IARD, à garantir Madame [U] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
-ORDONNER la jonction de cette instance à la procédure diligentée par Monsieur [R] et enrôlée sous le numéro RG 22/10850 devant la 8 e chambre civile-3 e section du Tribunal Judiciaire de PARIS selon assignation en date du 2 septembre 2022,
-CONDAMNER solidairement la société FLAMIRO en sa qualité d'installateur de la cheminée litigieuse, ainsi que son liquidateur ès qualité, la SCP ANGEL-[J] prise en la personne de Me [J], et la société AXA France IARD à verser à Madame [U] une somme d'un montant de 10.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
-CONDAMNER Monsieur [F]-[C] [R] à verser à Madame [U] la somme d'un montant de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
-CONDAMNER Monsieur [F]-[C] [R] à verser à Madame [U] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
-CONDAMNER solidairement Monsieur [R], la société FLAMIRO en sa qualité d'installateur de la cheminée litigieuse, ainsi que son liquidateur ès qualité, la SCP ANGEL-[J] prise en la personne de Me [J], et la société AXA France IARD aux entiers dépens de la présente instance et celles des procédures susmentionnées devant le Juge des Contentieux et de la Protection de PARIS, dont distraction au profit de Me Aurélie TABUTIAUX, Avocat à la Cour (D1416), conformément aux dispositions des articles 698 et 699 du Code de Procédure Civile. »

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2023 et la date de plaidoirie a été fixée au 09 février 2024, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 05 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes formulées par Mme [U]

En application des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile, « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».

En l'espèce, le dispositif des conclusions de Mme [U] comporte plusieurs demandes qui ne consistent en réalité qu'en une reprise de simples moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions qu'ils formulent et ne constituent donc pas une prétention au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile, en ce qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert.

Par conséquent, le tribunal ne statuera pas sur les demandes ainsi formulées au dispositif :

« -REJETER les conclusions du rapport d'expertise consistant à affirmer que la cheminée de Madame [U] a été installée à une distance non conforme aux règles de l'art et aux normes en vigueur, et qu'elle rejette des fumées toxiques »

« -PRONONCER que la cheminée de Madame [U] est conforme à la législation en vigueur »

« -ENTERINER le fait que l'expert a retenu une responsabilité de Madame [U] à hauteur de 5%,
En conséquence,
-ORDONNER que Madame [U] n'est responsable qu'à hauteur de 5%
-REDUIRE les demandes d'indemnisation de Monsieur [R] dirigées à l'encontre de Madame [U] à de justes proportions et en tenant compte des conclusions de l'expert considérant que Madame [U] n'est responsable qu'à hauteur de 5% des nuisances potentiellement provoquées par l'installation de sa cheminée »

Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la société Flamiro, de la SCP Angel-[J], en qualité de liquidateur, et de la société Axa France IARD

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, Mme [U] formule des demandes à l'encontre de la société Flamiro, de la SCP Angel-[J] et de la société Axa France IARD, qui ne peuvent toutefois qu'être déclarées irrecevables, ces dernières n'étant pas parties à la présente instance.

Sur la demande de jonction avec la procédure RG 22/10850 et l'intervention forcée de la société Flamiro

Mme [U] sollicite que soit « entérinée et ordonnée » l'intervention forcée de la société Flamiro en sa qualité d'installateur de la cheminée litigieuse, ainsi que de son liquidateur ès-qualités, la SCP ANGEL-[J] prise en la personne de Me [J], et de leur assureur dommages-ouvrages, la société AXA France IARD. Elle sollicite également la jonction de la présente instance avec celle introduite à l'encontre de la société Flamiro, de la SCP Angel-[J] et de la société Axa France IARD.

Il convient de rejeter ces demandes, déjà refusées par le juge de la mise en état, qui ne peuvent qu'aboutir à un allongement des délais alors que la présente procédure est achevée et que les appels en garantie ainsi formulés par Mme [U] peuvent être traités après l'issue du présent litige.

Sur le rejet de la pièce n°59

Mme [U] sollicite le rejet de la pièce n°59 produite par M. [R] en soutenant qu'elle a été établie pour les besoins de la cause et ne possède aucune force probante car établie de manière unilatérale sans preuve.

M. [R] ne dit mot sur cette demande.

Cette pièce correspond à une liste dactylographiée de périodes durant lesquelles des feux de cheminées auraient été réalisés. Elle constitue un élément de preuve, au même titre que l'ensemble des pièces produites par les parties et le fait qu'elle ait été établie par M. [R] est un élément qui sera apprécié par le juge afin d'en déterminer sa force probante dans le cadre de l'examen du bien-fondé des demandes formulées par M. [R], sans qu'il n'y ait lieu de la rejeter d'emblée des débats de ce seul fait.

Il convient par conséquent de débouter Mme [U] de sa demande.

Sur la demande de débouté du fait de l'autorité de la chose jugée au provisoire

Mme [U] formule, dans son dispositif, la demande suivante : « DEBOUTER Monsieur [R] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions du fait de l'autorité de la chose jugée au provisoire, », nullement expliquée et développée dans le corps de ses conclusions, de telle sorte que le tribunal ne peut apprécier l'autorité de chose jugée invoquée.

Sur les troubles anormaux du voisinage

L'article 544 du code civil dispose que : « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Il s'en déduit ainsi que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et il appartient à celui qui l'invoque d'établir le caractère excessif du trouble allégué par rapport aux inconvénients normaux du voisinage.

Pour ce faire, aucune preuve de la faute du voisin n'est à rapporter, s'agissant d'un mécanisme de responsabilité objective, tout voisin « occasionnel » occupant matériellement ou pas le fonds étant présumé responsable.

Cette action suppose ainsi la réunion de deux conditions : une relation de voisinage et un trouble anormal en lien direct avec le fait du voisin, ce dernier pouvant s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve de l'absence de lien direct entre le trouble et son fait.

En l'espèce, M. [R] explique que depuis que sa voisine, Mme [U], a fait installer une cheminée dans son pavillon, il subit les fumées et émanations toxiques qui sortent du conduit d'évacuation et se répandent directement vers son logement, envahissant ainsi tout son espace de vie, y compris lorsque ses portes et fenêtres sont closes et calfeutrées, et qu'il vit ainsi « un véritable enfer ».
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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Il indique en effet que l'air de son pavillon est, de ce fait, irrespirable et son logement inhabitable et ce quelle que soit la saison, dans la mesure où Mme [U] utilise sa cheminée y compris l'été et que, nonobstant la présente procédure, elle a poursuivi cette utilisation puisqu'elle s'est fait livrer, en novembre 2020, puis en mars 2021 et enfin le 22 décembre 2022, d'importantes quantités de bois.

Il fait valoir que, bien que Mme [U] les conteste, les conclusions de l'expertise judiciaire attestent cependant bien de l'existence du trouble dénoncé, l'expert ayant relevé la non-conformité de la construction de la cheminée, la dangerosité des fumées de feux de bois ainsi que leur dispersion dans son logement et ayant conclu que l'installation du conduit litigieux provoquait une pollution sérieuse de son habitation et qu'en l'absence de solution corrective acceptable, il proposait l'arrêt rapide de l'utilisation de cet insert.

M. [R] indique que ces feux de cheminée persistants depuis janvier 2020, et notamment durant les périodes de confinement, ont généré un stress et détérioré sa santé, gravement menacée compte tenu de sa grande précarité physique, à tel point qu'il a dû quitter son logement dès le mois de février 2020 et que les rares fois où il est revenu à [Localité 4], il a dû repartir immédiatement pour se protéger en évitant les émanations toxiques envahissant son logement.

Il précise avoir subi de plein fouet l'hostilité persistante de Mme [U] et avoir fait deux crises cardiaques consécutives en mars 2022 avant d'être hospitalisé et de subir, le 19 mars 2022, une très lourde intervention chirurgicale avec un quadruple pontage aorto-coronarien.

Mme [U] explique pour sa part que tous les pavillons de l'allée disposent de conduits de cheminées, fonctionnant régulièrement et depuis a minima 33 ans sans poser problème, mais que depuis son arrivée, en l'an 2000, M. [R] n'a cessé de créer des conflits avec ses différents voisins.

Elle indique ainsi qu'alors que les travaux n'avaient pas encore débuté, il lui avait déjà indiqué qu'il allait subir les fumées et faire le nécessaire pour stopper cette installation.

Elle ajoute qu'elle a subi le harcèlement de M. [R], en raison des réclamations constantes formulées à son encontre mais également adressées au syndic ou à la société ayant installé la cheminée, et en raison de son comportement menaçant alors qu'elle n'a eu de cesse d'essayer d'apaiser la situation et de se conformer à toutes les demandes qui lui étaient formulées.

Elle précise que, contrairement à ce que soutient M. [R], elle a accepté durant de longs mois de ne pas utiliser sa cheminée et en a fait un usage modéré lorsqu'elle s'en est servie, sans pour autant que sa virulence à son encontre ne cesse, ce dernier ayant régulièrement affirmé que les feux persistaient alors même qu'il mentionnait des dates auxquelles elle était absente de son domicile ou durant lesquelles la cheminée ne fonctionnait pas, d'autres pavillons voisins utilisant également cet équipement.
Elle soutient ainsi que M. [R] fait une « fixation » et s'énerve après elle, tapant sur le mur mitoyen de leurs logements et hurlant, dès qu'il sent une odeur de feu de bois dans son environnement, peu important sa provenance.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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Elle conteste la réalisation des opérations d'expertise en faisant valoir que l'expert s'est contenté, afin de vérifier l'étanchéité du tubage de sa cheminée, d'un seul test fumigène avec une capacité équivalente à un entrepôt, et qu'il en est ressorti qu'il était bien conforme, l'expert n'ayant conclu à l'existence d'une nuisance qu'en raison des fumées émises par ce fumigène et retombées en grande quantité sur la terrasse illégale de M. [R].

Or, elle indique qu'il s'agit là du propre des fumigènes qui, du fait de l'absence de chaleur, retombent directement au lieu de s'échapper par le haut et elle relève de plus que leur objectif n'est nullement de voir où s'évacue la fumée ni d'évaluer sa toxicité mais uniquement de vérifier l'étanchéité des conduits.

Elle précise que l'expert a refusé d'effectuer les tests avec le bois réglementaire qu'elle avait acquis, de telle sorte qu'elle a été contrainte de faire constater par huissier que les fumées de sa cheminée ne se dispersaient pas, même avec le foyer ouvert au maximum, même avec une quantité de bois plus importante qu'à l'accoutumée et, ce, malgré les conditions climatiques changeantes durant le constat.

Elle relève de plus que, contrairement aux constatations effectuées le jour de l'expertise, l'expert a ensuite indiqué dans son rapport la présence d'une odeur de fumée dans le logement de M. [R], ce que son conseil a contesté à de nombreuses reprises dans les dires communiqués.

Elle indique également que l'expert, qui a conclu à un non-respect des distances exigées par l'arrêté du 23 novembre 1979, portant règlement sanitaire du département de [Localité 4], a commis une erreur d'interprétation dudit règlement. Elle fait en effet valoir qu'il a indiqué que le conduit de cheminée devait être situé à 40 centimètres au-dessus du faîtage et à une distance de 8 mètres alors que le DTU 24.1 n'exige pas la réunion de ces deux conditions mais indique simplement qu'il est nécessaire, lorsque la distance est inférieure à 8 mètres, que le débouché de la cheminée soit situé au minimum à 40 centimètres au-dessus du faîtage du toit, ce qui est au surplus confirmé par plusieurs spécialistes consultés sur ce point.

Elle conteste enfin tout lien entre sa cheminée et les problèmes de santé de M. [R], indiquant que sa pathologie cardiaque pré-existait à l'installation de cet équipement et que M. [R] s'est régulièrement absenté de [Localité 4] en raison de l'épidémie de covid-19 et non de sa cheminée, relevant ainsi qu'il était absent de son domicile durant l'année 2020 de telle sorte qu'il ne peut faire état d'un quelconque préjudice sur cette période.

M. [R] justifie des nuisances subies liées à la diffusion de fumées de cheminées, en produisant les constats d'huissier qu'il a fait établir les 12 mars 2020 et 19 mars 2021.

Il y est ainsi mentionné, dans le prolongement de la propriété de M. [R], sur le toit d'un bâtiment dont l'accès se fait par la quatrième porte, la présence d'une cheminée d'évacuation en tube métallique de facture récente, tenue par un ensemble de tendeurs métalliques, fumant abondamment - la fumée blanche se répandant directement dans les espaces avoisinants et notamment dans l'allée de desserte ainsi qu'au niveau de la copropriété voisine.

L'huissier relève ainsi dans le patio, mais également dans le logement de M. [R], la présence de fumées acres, présentant une forte odeur de bois, piquant le nez et provoquant une sensation d'irritation, l'huissier ayant constaté que l'occupation de la terrasse était de ce fait impossible et que la chambre à l'étage, située immédiatement à proximité de la tubulure de la cheminée installée sur la maison de Mme [U], présentait un air irrespirable rendant son usage impossible.

Dans le constat établi le 15 mai 2020, l'huissier indique que la situation est en tous points identique à celle existant lors de ses précédentes interventions, expliquant : « l'air extérieur présente une forte odeur de fumée dans les deux cours et je constate que la cheminée tubée installée fume abondamment.
Je constate que les fumées stagnent et descendent vers les cours.
Cette fumée est acre et pique les yeux.
En pénétrant dans la demeure du requérant, je constate qu'une forte odeur de fumée est présente.
Je constate que la chambre du haut, située immédiatement à proximité de la tubulure de la cheminée, installée sur la propriété de Mme [U], présente un air irrespirable, brûlant les yeux et irritant le nez.
En ouvrant la porte-fenêtre, je constate que la fumée provenant de la cheminée voisine stagne sous la descente de toit ainsi qu'au niveau de la terrasse rendant l'usage de cette chambre totalement impossible. »

Par ailleurs, M. [R] produit plusieurs courriers ou courriels de voisins ou de personnes de passage chez lui, établis au mois de février 2020, août 2020, septembre 2020, décembre 2020, juillet 2021 et décembre 2021 faisant état des désagréments causés par des fumées de cheminée.

Il justifie enfin, au moyen de certificats médicaux établis le 11 février 2020 et le 23 février 2020, avoir souffert d'un état de stress, d'une irritation conjonctivale et d'une tension artérielle plus élevée qu'à l'accoutumée, le certificat établi par son cardiologue traitant le 30 mars 2020 expliquant que son état de santé justifiait, du fait de sa pathologie cardiaque coronaire chronique, qu'il vive dans un environnement sain sans exposition à des vapeurs toxiques ou des fumées.

Il ressort de la configuration des lieux, telle que décrite par l'expert judiciaire dans son rapport, que l'habitation de M. [R] est desservie par une cour intérieure et que le logement, mitoyen à celui de Mme [U], dispose au premier étage d'une terrasse donnant directement sur le toit où est installé le conduit de cheminée litigieux.

Aux termes de ses opérations d'expertise, l'expert judiciaire a conclu que le conduit de la cheminée de Mme [U] avait été installé en infraction à l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire de la ville de [Localité 4], qu'il envoyait des fumées vers le logement de M. [R] et que la position de la cheminée et le fonctionnement de l'insert provoquaient ainsi une gêne réelle dans le logement et sur la terrasse de ce dernier, ajoutant que ces fumées étaient dangereuses pour la santé.

L'expert a en effet expliqué que la distance entre le débouché du conduit et la fenêtre du premier étage est de 6,45 mètres, celle avec la porte du rez-de-chaussée de 5,68 mètres et enfin celle avec la terrasse privative de 3,77 mètres.
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Il indique ainsi qu'aucune de ces distances ne respecte l'arrêté du 23 novembre 1979 qui impose, dans son article 63-1, que dans les locaux dits à « pollution spécifique », à savoir ceux où existent des émissions de produits nocifs ou gênants autres que ceux liés à la seule présence humaine, l'air extrait des locaux soit rejeté à au moins huit mètres de toute fenêtre.

En réponse à un dire du conseil de Mme [U], lui faisant observer qu'il n'est pas nécessaire de placer le conduit à plus de 8 mètres s'il est situé 0,40 mètre au-dessus de la construction voisine et que ceci n'est pas exigé par les textes, l'expert a répondu que « l'argumentation des 8 mètres est bien exigée par les textes », expliquant avoir rappelé à plusieurs reprises les réglementations applicables aux conduits de fumée, à savoir l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire de la ville de [Localité 4], la norme NF DTU 24.1, document normatif de référence dans le domaine de l'installation des conduits de fumées, et l'arrêté du 22 octobre 1969.

Ainsi, aux termes de l'article 63-1 de l'arrêté du 20 novembre 1979, portant règlement sanitaire du département de [Localité 4], dans les locaux dits à « pollution spécifique », « les prises d'air neuf et les ouvrants doivent être placés en principe à huit mètres au moins de toute source éventuelle de pollution, notamment véhicules, débouchés de conduits de fumée, sortie d'air extrait, ou comporter des aménagements tels qu'une reprise d'air pollué ne soit pas possible. »

Toutefois, aux termes de l'article 18 de l'arrêté du 22 octobre 1969 relatif aux conduits de fumées desservant des logements, « les orifices extérieurs des conduits à tirages naturels, individuels ou collectifs doivent être situés à 0,40 mètre au moins au-dessus de toute partie de construction distante de moins de 8 mètres sauf si, du fait de la faible dimension de cette partie de construction, il n'y a pas de risque que l'orifice extérieur du conduit se trouve dans une zone de surpression. »

Cette disposition est reprise dans la norme NF DTU 24.1, dont l'article 6.4 énonce que le « débouché du conduit doit être situé à 0,40m au moins au-dessus de toute partie de construction distante de moins de 8m sauf si, du fait de la faible dimension de cette partie de construction, il n'y a pas de risque que l'orifice extérieur du conduit se trouve dans une zone de surpression. »

Il est donc exact, comme l'indique l'expert, que la distance de 8 mètres est bien posée par les textes et il ressort des mesures prises qu'en l'espèce, la distance est effectivement inférieure à ces 8 mètres.
Toutefois, les textes n'indiquent nullement que cette distance doit se cumuler avec l'installation du débouché à 0,40 mètre, mais uniquement que dans l'hypothèse d'une construction située à moins de 8 mètres, le débouché du conduit de cheminée doit alors se situer à 0,40m au moins au-dessus de cette construction.

Or, en l'espèce, il ressort tant du courriel établi par la société Flamiro le 18 juin 2020 que des plans établis par le maître d'œuvre pour la déclaration préalable de travaux, ou encore du courrier établi le 24 mars 2023 par M. [K] [L], architecte, que le conduit dépasse bien de 40 centimètres le faîtage de la maison de M. [R].

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La réglementation en matière de conduit de fumée est donc bien respectée, ce qui a également été constaté tant par M. [L], qui indique que le conduit respecte la réglementation fixée par la norme DTU 24.1, que par M. [X], architecte DPLG.

Ce dernier explique en effet, dans son courrier du 13 septembre 2023, avoir procédé aux différents relevés concernant l'implantation du conduit existant et indique qu'il « respecte en tous points les règles de l'art et la législation en vigueur pour ce type d'ouvrage », précisant qu' « après vérification, le conduit qui est implanté à une distance de 6.23 m du premier ouvrant de la maison de M. [R] (le plus proche), mesure 2.72 m de hauteur (et non 1.70m) ». Il précise ainsi qu'il « dépasse donc le faîtage de 40 cm, comme l'exige la norme NF DTU 24.1 pour les conduits distants de moins de 8m de tout ouvrant des constructions alentour ».

S'agissant plus particulièrement du fonctionnement de la cheminée, l'expert a indiqué, à l'issue de la réunion du 27 janvier 2021, avoir « examiné le fonctionnement de cette cheminée et constaté que ses fumées se dissipaient dans l'appartement de M. [R] », précisant que « la fumée venant de l'insert installé chez Mme [U] par Flamiro se diffuse dans l'appartement de M. [R] au 2ème étage et sur sa terrasse communicante mais également dans la cour de son premier logement.
Ce préjudice provient de la cheminée de l'insert installé chez Mme [U] qui est installé à une distance non conforme aux règles de l'art et aux normes en vigueur. »

Il a abouti à cette conclusion après avoir réalisé un test fumigène grand débit, à l'issue duquel il a indiqué « je constate une odeur de fumée au premier étage du logement de M. [R] et sur sa terrasse donnant vers le pavillon N°3. Cette fumée se dissipe également vers la cour du pavillon n°2 ».

Les photographies, jointes à son rapport, montrent effectivement la présence d'une fumée blanche et opaque sortant du conduit de cheminée.

Toutefois, comme relevé par Mme [U], alors qu'il était demandé dans la mission confiée à l'expert d' « examiner le fonctionnement de ladite cheminée et les modalités d'extraction des fumées et indiquer dans quelle mesure cette cheminée peut ou non provoquer un trouble de jouissance dans le domicile et sur la terrasse de M. [R] », le test n'a pas été réalisé dans les conditions réelles d'utilisation de la cheminée, mais avec l'emploi de fumigènes d'un fort volume, l'expert ayant ainsi précisé, en réponse à un dire du conseil de Mme [U] du 07 mars 2022, que « au vu des 400m3 du fumigène, il est évident que les essais étaient impressionnants et ne représentaient pas la réalité d'un feu de cheminée classique ».

En réponse à un dire du conseil de Mme [U] sur ce choix, il a indiqué que les moyens à mettre en œuvre pour assurer sa mission n'étaient pas décrits dans l'ordonnance et relevaient de ses compétences et appréciations, et qu'il considère ainsi qu'un seul test lui paraissait suffisant pour qualifier ce désordre.

Il a ainsi justifié son choix : « un fumigène est le produit adapté à la recherche du désordre allégué par les demandeurs. Je n'ai pas choisi d'allumer un feu dans l'insert car je suis dans l'impossibilité de reproduire les conditions exactes par lesquelles Mme [U] procède (quantité de bois utilisée et mode d'allumage) ».

Aucune pièce produite ne démontre pourtant l'impossibilité de reproduire les conditions exactes dans lesquelles Mme [U] utilise sa cheminée, dans la mesure où d'une part, cette dernière était présente lors des opérations d'expertise, et donc à même de fournir toutes indications utiles sur la quantité de bois utilisée et le mode d'allumage et, d'autre part, disposait du bois nécessaire au fonctionnement, tel que cela ressort de la facture d'achat du 20 décembre 2019 et du dire n°7 de son conseil, en date du 10 décembre 2020, indiquant que lors des opérations d'expertise du 16 septembre 2020 il avait été constaté qu'une « importante quantité de bois était déjà stockée dans le local appartenant à Mme [U]. », de telle sorte qu'elle était « loin d'avoir épuisé son stock de bois commandé en décembre 2019 ».

De plus, il ressort des pièces produites par Mme [U], et notamment des explications extraites du site de la société AER Ramonage, que le test par fumigène a pour but de tester l'étanchéité de l'installation de tubage des conduits de cheminée et « consiste à brûler une cartouche fumigène (de 300 M3) dans le conduit et à rechercher les fuites de fumée à travers ce dernier ».

Or, l'expert a répondu par l'affirmative au dire du conseil de Mme [U] mentionnant que : « il échet de constater que le conduit de cheminée est étanche puisqu'aucun dégagement de fumée n'est sorti du tubage ».

Il a cependant précisé que ce n'était pas l'objet de son test par fumigène et expliqué que « ce test n'a absolument pas objectif de valider la vacuité du conduit de fumée mais seulement de vérifier la dispersion de la fumée de la cartouche fumigène ».

Or, aucune pièce n'atteste que la dispersion de la fumée d'une cartouche fumigène est similaire à celle de feux de cheminée. Au contraire, le gérant de la société Flamiro, absent lors des opérations d'expertise pour raisons médicales, a cependant fourni, dans un courriel adressé le 26 mars 2021 à l'expert et aux parties à l'expertise, les explications suivantes :

« testé positif au Covid 19, j'étais cloué au lit le jour des essais fumigènes (…) mais je voulais vous éclairer à ce sujet et notamment quant aux essais fumigènes qui ont été réalisés lors de cette réunion.

La fumée n'est pas un gaz, mais un ensemble de particules solides, il n'y a donc pas de dilatation avec la chaleur, car c'est l'air ambiant provenant du foyer avoisinant les 800°c, qui lorsqu'il est chaud, se dilate, et donc va vers le haut, et entraîne avec lui les particules solides de fumée, qui sont très légères et se dispersent à la verticale.
En cas de vents latéraux, les fumées peuvent être balayées, mais rapidement dissipées par ces mêmes vents, du fait de leur légèreté.

Pour un fumigène en revanche c'est tout le contraire, ainsi, même si un dispositif de combution est nécessaire à son déclenchement, il n'y a aucune chaleur dégagée par rapport à un véritable feu de cheminée. En effet, lors de sa combustion, la composition fumigène génère une fumée blanche opaque constituée de particules liquides et solides d'une taille comprise entre environ 0,4µm et environ 0,7 µm.

En se refroidissant, les particules liquides se cristallisent donc s'alourdissent et retombent beaucoup plus vite que les particules de fumée provenant d'un feu de cheminée.
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A mon sens, l'utilisation d'un fumigène est valable pour le contrôle de l'étanchéité d'un conduit mais pas pour tester les trajectoires des fumées.
Pour ce genre d'expérience, un feu de bois est plus adéquat.

Par ailleurs, vous ne précisez pas dans votre note aux parties, la puissance du fumigène que vous avez utilisé ce qui a pour conséquence d'augmenter la production de fumée par rapport à la normale. »

Le gérant de la société Flamiro a ensuite sollicité que soient proposées plusieurs dates pour la tenue d'une réunion d'expertise et qu'un essai soit réalisé avec un véritable feu de cheminée en présence de toutes les parties, demandant à l'expert de bien vouloir prendre en considération ce courriel comme un dire au sens de l'article 276 du code de procédure civile.

L'expert a, en réponse à un dire du conseil de Mme [H], précisé la puissance du fumigène utilisé mais n'a en revanche apporté aucune réponse à l'analyse faite par le gérant de la société Flamiro sur les différences entre les fumées de fumigène et de feux de cheminée ni donné suite aux demandes d'organisation d'un test avec réalisation d'un feu de cheminée.

De la même façon, s'agissant de l'odeur de fumée mentionnée par l'expert, le conseil de Mme [U] a contesté, dans son dire du 07 mars 2022, toute odeur dégagée par le fumigène, soutenant qu'il était inodore dans le logement de M. [R] et qu'il était donc incompréhensible d'affirmer qu'il y avait une odeur de fumée, ce qui ressort également du courriel précité du gérant de la société Flamiro qui indique « Pour terminer, je suis surpris que vous évoquiez sentir une odeur de fumée chez Monsieur [R] suite à l'essai fumigène, puisque les fumigènes n'ont pas sauf erreur de ma part d'odeurs ».

En tout état de cause, quand bien même le fumigène dégagerait une odeur, celle-ci n'apparaît pas probante dans la mesure où elle est causée par l'utilisation d'un fumigène ne traduisant pas les conditions normales d'utilisation de la cheminée. Le gérant de la société Flamiro a indiqué à cet égard, dans son courriel précité : « sur place nous avons effectué des essais quant à ces diffusions de fumée provenant de l'insert.
Nous avons constaté qu'aucune fumée se dégageait de l'insert et que ce dernier était parfaitement étanche et répondait aux normes RT 201.
Mme [U] aurait été la première intoxiquée en cas d'émanations de fumée provenant de l'appareil. »

Afin de faire constater le fonctionnement de sa cheminée lorsqu'un feu est allumé, Mme [U] a fait appel, le 04 juin 2021, aux services d'un huissier qui a ainsi fait les constatations suivantes, accompagnées de photographies illustrant ses propos :
« A 10h05 Madame [U] allume un feu de cheminée.
Pour cela, elle installe trois grosses bûches de bois dans le foyer de la cheminée.
Madme [U] me précise : « l'allée est composée de neuf maisons. Il y a sept propriétaires différents. L'allée contient six cheminées qui fonctionnent l'hiver. »
A 10 h 13, le feu est bien démarré.
A 10h 16, Madame [V] [U] ajoute une nouvelle bûche et place le tirage du foyer sur la position maximale.
A cette heure, à l'extérieur, le ciel légèrement voilé s'accompagne d'un petit vent.
A 10h21 une légère odeur de feu de bois se fait sentir dans la cour arrière de la copropriété et dans la petite allée.
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A 10h23 l'odeur de feu de bois est un peu plus prononcée devant la porte de la maison numéro 3 et au pied du conduit de cheminée de Madame [U].
Le ciel s'assombrit et s'accompagne d'un léger vent.
A 10h26 je monte dans la salle de bains de Madame [U] située au premier étage de la maison . La fenêtre de la salle de bains donne directement sur la toiture et le conduit de cheminée.
Depuis cette fenêtre, j'observe que de légères fumées blanches et grises s'échappent du conduit. Les fumées tournent autour de la partie haute du conduit d'extraction. Le vent pousse les fumées vers la droite de la toiture, lesquelles fumées s'évaporent rapidement dans l'air.
Quand le vent ne souffle plus, les fumées s'échappent également vers la gauche du conduit d'extraction.
A 10h36, l'odeur du feu de bois est toujours légèrement présente dans la cour de la résidence.
Madame [V] [U] rajoute une nouvelle bûche dans le foyer.
Elle me précise : « en temps normal, je ne mets jamais autant de bûches dans le foyer. Je positionne toujours le tirage sur le minimum. »
Le foyer de la cheminée compte actuellement 5 bûches en combustion. »

L'huissier s'est ensuite rendu chez une amie de Mme [U], habitant dans la résidence voisine, le balcon de son logement disposant d'une vue directe sur la toiture de son logement et sur le conduit d'extraction de la cheminée.
Il a ainsi indiqué :
« A 10h37 nous nous transportons au [Adresse 2] [Localité 3], au deuxième étage dans l'appartement de Madame [E] [I].
Sur le chemin, une légère odeur de feu de bois se fait sentir.
(…)
Depuis son balcon, le conduit d'extraction de la cheminée de Madame [U] est visible ;
A partir de 10h40 le ciel est voilé et s'accompagne d'un vent léger.
Quelques petites fumées grisâtres s'échappent du conduit et montent dans les airs. Les fumées sont difficilement perceptibles à l'œil nu.
Le vent fait tournoyer la fumée autour du conduit.
Les fumées disparaissent rapidement dans les airs.
L'air est brouillé au pourtour du conduit de cheminée en partie haute.
Au-dessus des toitures voisines de la maison de Mme [U], côté gauche, il n'y a pas de fumée visible. »

De retour dans le logement de Mme [U], il a indiqué :
« sur le chemin du retour, une odeur de feu de bois plus prononcée se dégage dans l'allée.
A 10h55 de retour dans la maison de Madame [V] [U], une grosse flambée est toujours visible dans la cheminée.
Je retourne dans la salle de bains du premier étage pour observer le conduit d'extraction de la cheminée depuis la fenêtre de cette pièce.
Quelques petits nuages de fumées blanches et grises s'échappent encore du conduit. Les fumées tournent autour de la partie haute du conduit d'extraction.
Ce jour, lors de mes constatations, les fumées s'évaporent rapidement dans l'air au-dessus de la toiture de Madame [U].
A 10h57 il commence à pleuvoir. »

L'huissier s'est ensuite rendu dans une autre habitation voisine, au numéro 1 de l'allée et a indiqué :
« depuis la terrasse située à l'avant de la maison, je perçois une odeur de feu de bois.
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La cheminée de Mme [U] n'est pas visible depuis cette terrasse.
Sur les toitures environnantes, les fumées sortant de la cheminée ne sont pas visibles. »

Il est ainsi établi que, contrairement à l'expert judiciaire, l'huissier n'a pas été confronté à l'impossibilité de reproduire les conditions exactes d'utilisation de la cheminée par Mme [U] et qu'il a pu, au contraire, tester son mode de fonctionnement, dans des conditions réelles de feu.

L'huissier a ainsi pu faire le constat de l'évolution des fumées, dans l'environnement proche et plus éloigné de la maison de Mme [U], par des temps divers, les constatations ayant été réalisées alors que le ciel était légèrement voilé, puis assombri, accompagné par moments d'un léger vent et même alors qu'il se mettait à pleuvoir.

Or, s'il a bien relevé de « légères fumées blanches et grises » s'échappant du conduit, il a cependant, dans tous les cas, constaté une dispersion rapide des fumées dans l'air, quelles que soient les conditions climatiques observées, ces fumées n'étant ainsi pas visibles depuis le logement situé dans la résidence face à l'habitation de Mme [U].

S'agissant de l'odeur, il ressort de ces constatations que même dans le cadre d'une utilisation poussée au maximum, 16 minutes après la mise en service de la cheminée, seule « une légère odeur de feu de bois » est perceptible dans la cour arrière de la copropriété et dans la petite allée et que deux minutes plus tard, il est fait état d'une odeur « un peu plus prononcée devant la porte de la maison numéro 3 et au pied du conduit de cheminée de Madame [U] ».

L'existence d'une odeur de feu de bois n'a ainsi été constatée que faiblement, alors même que la cheminée ne fonctionnait pas dans le cadre d'une utilisation normale, puisqu'elle était poussée au maximum et qu'il est établi qu'elle ne constitue qu'un chauffage d'appoint et d'agrément, le logement étant en effet chauffé au gaz.

Or, pour incontestable que soit l'existence de ces fumées et odeurs, la responsabilité de Mme [U] ne peut toutefois être engagée sur le fondement du trouble anormal de voisinage que si M. [R] caractérise le caractère excessif du trouble allégué par rapport aux inconvénients normaux du voisinage, en lien direct avec le fait de Mme [U], cette appréciation se faisant nécessairement in concreto.

Le trouble n'est en effet qualifié d'anormal et n'ouvre droit à réparation que pour autant qu'il dépasse ce que le demandeur est tenu de supporter en termes de conséquences générées par l'utilisation de cette cheminée, dans la mesure où il ne peut être attendu d'une cheminée à bois qu'elle ne produise ni odeurs ni fumées.

Il n'est pas contestable que l'analyse de l'ensemble des pièces produites par les parties atteste d'une incompatibilité de l'état de santé de M. [R] aux fumées et autres vapeurs et ainsi d'une vigilance toute particulière et d'une sensibilisation accrue de sa part sur ce point.

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Toutefois, le constat d'huissier, bien que non contradictoire mais toutefois soumis à la libre discussion des parties et appuyé par la documentation produite par Mme [U] ainsi que par les explications techniques fournies par la société Flamiro, auxquelles l'expert n'a pas répondu, vient utilement contredire les conclusions du rapport d'expertise, basées uniquement sur l'utilisation de fumigènes dans la cheminée, sans réalisation d'un feu de cheminée, alors que les désordres dénoncés sont imputés à la diffusion précisément de fumées et d'odeurs de feux de bois.

Il n'est donc pas établi que les fumées et odeurs dégagées par cet équipement excédent, par leur intensité, leur persistance et leur caractère désagréable, ce que tout voisin est tenu de supporter en termes d'inconvénients de voisinage, la simple diffusion de fumées et d'odeurs de feux de bois, inévitables car inhérentes à toute utilisation normale d'une cheminée, n'étant en effet pas en soi constitutive d'un trouble anormal de voisinage.

Aucun trouble anormal de voisinage ne peut ainsi être reproché à Mme [U] et il convient par conséquent de débouter M. [R] de l'ensemble des demandes qu'il formule à son encontre.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [U]

Mme [U] explique subir depuis trois ans et demi, et avant même l'installation de la cheminée, des pressions psychologiques et physiques de la part de son voisin, qui n'a de cesse de multiplier les procédures et de tenir des propos mensongers à son encontre alors qu'elle lui a toujours répondu favorablement en produisant les justificatifs nécessaires et en acceptant de cesser d'utiliser sa cheminée.

Elle indique ainsi que depuis le 02 décembre 2022, M. [R] a repris son harcèlement en tambourinant dans les murs et les portes dès qu'il est présent dans sa maison, son comportement étant à ce point imprévisible qu'elle craint de le croiser et qu'il ne l'agresse physiquement. Elle indique que ces accusations erronées et sans fondement l'affectent et ont un retentissement important sur sa santé, expliquant en effet être cardiaque et souffrir d'hypertension. Elle sollicite par conséquent la condamnation de M. [R] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

M. [R] ne dit mot sur cette demande.

Bien qu'elle ne vise aucun fondement juridique, il est constant que Mme [U] recherche la responsabilité délictuelle de M. [R] en raison de son comportement fautif à son encontre et qu'elle agit dès lors sur le fondement de l'article 1240 du code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Il lui appartient donc de caractériser une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que le présent litige s'inscrit dans un contexte de relations conflictuelles entre M. [R] et Mme [U].

Les pièces produites démontrent en effet l'existence de relations empreintes de tensions dès lors que Mme [U] a entrepris de faire installer une cheminée, M. [R] lui ayant ainsi indiqué, dans son courriel du 16 décembre 2019 :
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« je constate que ce jour des ouvriers installent un conduit de cheminée sur le versant donnant sur mon jardin.
Je vous informe que je suis contre ces travaux qui risquent d'envoyer les fumées autant dans mon jardin mais surtout vers ma terrasse et donc ma chambre !
Je vous demande d'arrêter ces travaux et de m'informer de votre projet. »

Il a ensuite indiqué à la société Flamiro, chargée de l'installation, par courriel adressé le 09 janvier 2020, qu'en tant que voisin il subirait des nuisances, expliquant qu'il serait très attentif à cette installation et qu'il n'hésiterait pas, dans le cas où il estimerait l'installation hors normes « à porter cette affaire sur un plan juridique ».

La société lui a alors expliqué le cadre et les modalités de son intervention, afin de le rassurer sur cette installation. Mme [U] lui a également rappelé les précautions prises dans un courriel du 28 janvier 2020 en réponse à celui reçu le 17 janvier 2020, dans lequel il la sollicitait pour obtenir un retour à sa demande d'abandon du projet et de suppression du conduit, formulée dans un précédent courriel du 15 janvier 2020.

Il ressort des pièces produites que M. [R] s'est également plaint de l'installation de cette cheminée auprès du syndic, ce dernier ayant ainsi demandé à Mme [U], par courriel en date du 10 février 2020, de faire le nécessaire pour mettre un terme aux nuisances dénoncées.

Par courriel en date du 11 février 2020, Mme [U] lui a expliqué ne pouvoir supprimer des nuisances qui n'existent pas et indiqué (sic) : « mon voisin, dont un certain nombre de copropriétaires déplorent le comportement, a fait venir les pompiers samedi dernier à 11 heures du soir sous prétexte que « ça sentait le gaz » (je cite) et que cela venait de chez moi.
7 pompiers ont envahi ma maison...
ils étaient fort embarrassés quand ils ont vu l'installation CONFORME de ma cheminée, et se sont excusés de m'avoir dérangée.
Ils m'ont dit que pour calmer mon voisin, ils lui ont conseillé d'installer un détecteur de monoxyde de carbone... ».

Le 08 avril 2020, elle a adressé au syndic un nouveau courriel expliquant, dans les termes suivants, être victime de harcèlement de la part de M. [R] depuis le 25 mars 2020 :
« le 25 mars, vers 20 heures, Monsieur [D] [P], huissier, à la demande de Monsieur [R], est venu frapper fortement à la porte de mon jardin, en me disant que j'avais l'obligation de lui ouvrir ma porte, pour me remettre une sommation « de cesser immédiatement et sans délai d'utiliser ma cheminée et de dégager des fumées ». Il était très agressif, en me disant que c'était un ordre, et qu'il avait rendez-vous le lendemain matin avec « le juge à mon sujet ».
J'étais au téléphone avec une amie qui a tout entendu et qui pourra en témoigner.

Une demi heure plus tard, Monsieur [R] a cogné sur ma porte avec une très grande violence.
J'ai eu tellement peur que j'ai fait un malaise.
J'ai 75 ans et je suis affaiblie par des problèmes de santé.
Le lendemain (26 mars) toujours entre 20H30 et 21 heures, il a recommencé en cognant sur ma porte avec encore plus de force.
J'étais tellement terrorisée et mal en point que j'ai appelé le 17.
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J'ai eu en ligne un policier qui m'a dit qu'il fallait que j'aille porter plainte après le confinement et que la visite d'un huissier à 20 heures en période de confinement n'était pas normale et que je prévienne le syndic.
J'ai demandé à ma sœur de venir s'installer chez moi pour ne pas rester seule. Elle a pris le risque de venir le 27 mars malgré le confinement.
Le soir même, M. [R] est monté sur la toiture de mon salon ou je me trouvais et il a aspergé la toiture et le conduit de cheminée avec un jet d'une grande violence !
Il a recommencé le lendemain.
Depuis, certains soirs, il a frappé encore sur ma porte.
J'étais tellement mal en point que mon médecin a accepté de me recevoir.
Il m'a prescrit des anxiolytiques et des antidépresseurs... ».

Mme [U] produit ainsi l'ordonnance établie le 30 mars 2020 lui prescrivant du lexomil et du seroplex, la main courante déposée le 15 juin 2020 ainsi que l'attestation de sa sœur relatant ces mêmes faits.

Entre temps, par acte délivré le 02 juin 2020, M. [R] a fait assigner en référé Mme [U] devant le juge des contentieux et de la protection afin qu'il lui soit ordonné de déposer et supprimer sa cheminée, de lui faire interdiction de provoquer et libérer des fumées, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et subsidiairement de désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance en date du 06 juillet 2020, M. [R] a été débouté de sa demande de dépose et suppression de la cheminée et de celle visant à interdire à Mme [U] de provoquer et libérer des fumées et une expertise a été ordonnée.

M. [R] a de nouveau fait assigner Mme [U], par acte délivré le 13 juillet 2021, pour lui ordonner de cesser tout usage de sa cheminée jusqu'à l'issue du litige, sous astreinte de 1000 euros pour toute infraction constatée. Ses demandes ont toutefois été jugées irrecevables au regard de l'autorité de chose jugée, M. [R] ne justifiant pas de circonstances nouvelles depuis le prononcé de la dernière décision le 06 juillet 2020.

Mme [U] verse aux débats plusieurs attestations d'amis présents à son domicile les 06, 14 et 18 décembre 2022, 30 janvier 2023 et 23 mars 2023 relatant le comportement de M. [R] lorsqu'elle a allumé un feu de cheminée, se traduisant par des coups continus portés de façon violente dans le mur mitoyen, ainsi que la main courante déposée le 21 mars 2023, dans laquelle elle expose le conflit de voisinage existant et le comportement de M. [R] à son égard et explique ainsi que lorsqu'elle allume sa cheminée le soir, il tape dans le mur mitoyen, prétextant qu'il ne supporte pas la fumée.

Le fait de se méprendre sur l'étendue de ses droits n'est pas en soi constitutif d'une faute et il ne saurait ainsi être reproché à M. [R] d'avoir fait assigner Mme [U] devant la présente juridiction afin de faire valoir ses droits, d'autant plus que les conclusions du rapport d'expertise lui étaient favorables.

Il n'est pour autant pas contestable que le litige opposant M. [R] à Mme [U], ayant donné lieu à une succession de procédures judiciaires, au nombre de trois en trois ans, ainsi que la détérioration de leur relation de voisinage ont affecté à tout le moins le moral de Mme [U], âgée de 78 ans, et contraint cette dernière d'endurer les tracas, inquiétudes, contrariétés et pertes de temps liés à l'expertise et aux procédures judiciaires mises en œuvre.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/10850 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXYQV

Il convient par conséquent de condamner M. [R] à l'indemniser à hauteur de 2000 euros.

Sur les autres demandes

Mme [U] sollicite que la condamnation aux dépens comprenne non seulement ceux de la présente instance mais également ceux des procédures susmentionnées introduites devant le juge des contentieux et de la protection.

Il ressort toutefois des ordonnances de référé rendues par le juge des contentieux et de la protection les 06 juillet 2020, 01 décembre 2020, 08 mars 2021 et 07 octobre 2021 que le juge a déjà statué sur la charge des dépens de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer à nouveau.

Aux termes de l'ordonnance de référé du 13 août 2021, également rendue par le juge des contentieux et de la protection, les dépens ont en revanche été réservés. Dans la mesure où elle fait suite à l'assignation délivrée par Mme [U] au mandataire judiciaire de la société Flamiro, afin de lui rendre communes les opérations d'expertise, il s'agit donc d'une instance ayant préparé celle dont la présente juridiction est saisie.

Par conséquent, la condamnation aux dépens prononcée dans le cadre de la présente affaire peut également porter sur ceux relatifs à cette instance.

M. [R], qui succombe au litige, est donc condamné aux dépens de la présente instance, ainsi qu'à ceux de la procédure introduite devant le juge des contentieux et de la protection et ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 13 août 2021.

Maître Aurélie Tabutiaux, avocat qui en fait la demande, est autorisée à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Tenu aux dépens, M. [R] est également condamné à régler à Mme [U] la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le sens de la décision conduit à débouter M. [R] de sa demande formulée à ce titre.

L'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevables les demandes formées par Mme [G] [U] à l'encontre de la société Flamiro, de la SCP Angel-[J] et de la société Axa France IARD ;

DÉBOUTE Mme [G] [U] de sa demande d'intervention forcée de la société Flamiro, de la SCP Angel-[J] et de la société Axa France IARD et de sa demande de jonction avec la procédure RG 22/10850 ;

DÉBOUTE Mme [G] [U] de sa demande de rejet de la pièce n°59 produite par M. [F] [R] ;

DÉBOUTE M. [F] [R] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de Mme [G] [U] ;

CONDAMNE M. [F] [R] à régler la somme de 2000 euros à Mme [G] [U] au titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE M. [F] [R] aux dépens de la présente instance ainsi qu'à ceux de la procédure introduite devant le juge des contentieux et de la protection et ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 13 août 2021 ;

AUTORISE Maître Aurélie Tabutiaux recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

CONDAMNE M. [F] [R] à régler à Mme [G] [U] la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE M. [F] [R] de sa demande formulée à ce titre ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 05 avril 2024

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 22/10850
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;22.10850 ?
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