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30/04/2024 | FRANCE | N°21/02687

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 30 avril 2024, 21/02687


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition
exécutoire
délivrée le :
à Maître SAIDJI

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître REGOLI








8ème chambre
1ère section


N° RG 21/02687
N° Portalis 352J-W-B7F-CT3AM


N° MINUTE :


Assignation du :
22 Décembre 2020








JUGEMENT
rendu le 30 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [U] [J]
Madame [Z] [J]
demeurant ensemble [Adresse 1]
[Localité 4]

tous deux

représentés par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J076


DÉFENDERESSES

Société CABINET L ROUX
[Adresse 6]
[Localité 7]

non représentée


Décision du 30 Avril 2024
8ème ch...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition
exécutoire
délivrée le :
à Maître SAIDJI

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître REGOLI

8ème chambre
1ère section

N° RG 21/02687
N° Portalis 352J-W-B7F-CT3AM

N° MINUTE :

Assignation du :
22 Décembre 2020

JUGEMENT
rendu le 30 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [U] [J]
Madame [Z] [J]
demeurant ensemble [Adresse 1]
[Localité 4]

tous deux représentés par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J076

DÉFENDERESSES

Société CABINET L ROUX
[Adresse 6]
[Localité 7]

non représentée

Décision du 30 Avril 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 21/02687 - N° Portalis 352J-W-B7F-CT3AM

S.A. GMF ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0564

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Madame Elyda MEY, Juge

assistées de Madame Lucie RAGOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 17 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Muriel JOSSELIN-GALL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [J] et Mme [Z] [J] sont propriétaires non occupants d'un appartement au 2ème étage d'un immeuble sis [Adresse 3], soumis au statut de la copropriété des immeuble bâtis.

Le syndic de la copropriété est le cabinet Roux ; l'immeuble est assuré auprès la compagnie Axa France Iard, et les époux [J] ont contracté une assurance multirisques habitation auprès de la société GMF.

Après avoir refait à neuf leur appartement en 2011, les époux [J] ont donné à bail leur appartement à M. et Mme [V] le 30 juin 2012.
Plusieurs dégâts des eaux ont été constatés dans l'appartement des époux [J] :

- en août 2012, une première fuite a provoqué la dégradation des peintures au plafond du séjour côté cour ;
- en février 2013, le mur de façade a été endommagé en totalité par la descente eaux pluviales / eaux usées, s'infiltrant ensuite dans le plafond de l'appartement ;

-en octobre 2013, une troisième fuite en provenance de l'appartement de Mme [O], au 3ème étage, a endommagé la salle d'eau ;
- en février 2018, des coulures d'eau ont été constatées dans la salle d'eau, le long de la chute des eaux vannes.

Par ordonnance en date du 2 octobre 2014, à la demande des époux [J], le juge des référés près le tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise confiée à M. [C] [I].

Le 13 avril 2015 et par lettre recommandée avec accusé de réception, la direction du logement et de l'habitat de la mairie de [Localité 7] a fait injonction au syndic de procéder aux travaux nécessaires pour :

- élucider l'origine des infiltrations se manifestant sur le mur en façade rue et notamment en plafond des logements des 2ème et 3ème étage droite au niveau de la descente des eaux pluviales et du vide sanitaire ;
- remettre en état le mur de façade pour éviter toute nouvelle infiltration ;
- supprimer les raccordements existants sur la descente des eaux pluviales située sur rue ;
- rétablir les raccordements des eaux ménagères et d'eaux vannes sur les canalisations d'eaux usées du bâtiment (...).

Les époux [V] ont quitté l'appartement le 31 décembre 2015, l'appartement étant devenu insalubre et impropre à l'habitation.

Lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] en date du 24 mai 2016, les demandes de M. et Mme [J] portant, d'une part, sur la mise en œuvre de travaux sollicités par la mairie de [Localité 7] et, d'autre part, sur l'installation d'une nouvelle colonne d'évacuation d'eaux usées dans l'appartement et sur rue, ainsi qu'au remplacement des alimentations d'eau froide en plomb ont été rejetées.

Par exploit en date du 2 août 2016, M. et Mme [J] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] aux fins d'annuler les résolutions 20 et 21 de l'assemblée générale du 24 mai 2015 et de condamner le syndicat des copropriétaires à effectuer, sous astreinte, les travaux requis par l'injonction de la maire de [Localité 7] en date du 13 avril 2015.

Le 25 juin 2018, l'expert judiciaire, M. [I], a rendu son rapport d'expertise définitif .

Lors de l'assemblée générale en date du 17 septembre 2019, il a été voté un accord de principe quant à la résolution amiable du litige, conformément aux responsabilités retenues par l'expert judiciaire, à hauteur du préjudice évalué par les époux [J] et ce, pour la somme de 65.000 euros.

Un protocole transactionnel a été conclu le 15 mai 2020 entre M. et Mme [J], Mme [O] et le syndicat des copropriétaires aux termes duquel ces derniers se sont engagés à renoncer à tout remboursement complémentaire ou à toute poursuite ou action judiciaire civile à l'encontre de Mme [O] et du syndicat des copropriétaires au titre des sinistres dégât des eaux, en contrepartie de l'entier et parfait règlement des sommes de 52.000 euros et de 300 euros TTC.

Par ce protocole, M. et Mme [J] se sont engagés, selon les stipulations contractuelles de son article 2-2 à "faire leur affaire personnelle du recouvrement des sommes dues par le cabinet Roux dans le cadre de l'action en responsabilité qu'ils engageront à leurs frais à l'encontre du Cabinet Roux et son assureur responsabilité civile".

C'est dans ces conditions que par exploit des 22 et 23 décembre 2020, M. et Mme [J] ont assigné la société Cabinet L. Roux SA et la société GMF Assurances, leur assureur multirisque habitation, devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment d'homologuer (sic) le rapport d'expertise judiciaire en date du 25 juin 2018, d'en constater l'opposabilité au cabinet Roux et condamner ce dernier en responsabilité pour faute s'agissant de la mauvaise gestion du sinistre de dégât des eaux.

Par leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2023 M. et Mme [J] demandent au tribunal de :

"VU les articles 544 et 1240 du Code civil ; articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965
VU la Jurisprudence visée
VU le rapport d'expertise définitif de Monsieur [I] en date du 25/06/2018
VU la responsabilité du Cabinet ROUX dans les désordres survenus au sein de l'appartement de Monsieur et Madame [J] à hauteur de 20 %
VU la présente assignation recevable et bien fondée
HOMOLOGUER le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [I] en date du 25 juin 2018 et le déclarer opposable au Cabinet ROUX
CONDAMNER le Cabinet ROUX à régler à Monsieur et Madame [J] la somme de 40.537€ au titre des au titre des divers préjudices subis en lien direct avec les désordres survenus au sein de leur appartement, et ce à hauteur de la part de responsabilité du Cabinet ROUX, dont le montant sera à parfaire au jour du jugement à intervenir
CONDAMNER la GMF ASSURANCES à régler la perte des loyers à hauteur de 121.000 €, dont le montant sera à parfaire au jour du jugement à intervenir
A TITRE SUBSIDIAIRE, CONDAMNER le Cabinet ROUX à régler à Monsieur et Madame [J] la somme la perte des loyers à hauteur de 121.000 € ou toute somme restant due après indemnisation plafonnée de la GMF ASSURANCES
DEBOUTER les défenderesses de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires

VU L'ARTICLE 138 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
ENJOINDRE au Cabinet ROUX de communiquer à Maître Emeric DESNOIX, en sa qualité de Conseil des requérants, ses attestations d'assurance responsabilité civile professionnelle applicable au moment du sinistre et à ce jour et ce, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant signification de la décision à intervenir
CONDAMNER le Cabinet ROUX et la GMF ASSURANCES, in solidum ou à défaut l'un ou l'autre, à verser à Monsieur et Madame [J] une indemnité de procédure de 5.000€ sur le fondement des dispositions issues de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance au titre de l'article 696 du Code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût de la présente citation, ainsi que les dépens, en ceux y compris ceux liés à l'Expertise judiciaire dont distraction au profit de Maître Ali SAIDJI, Avocat aux offres de droit"

Au soutien de leurs prétentions, M. et Mme [J] font valoir que :

- Le cabinet Roux, ainsi que l'indique le rapport de l'expert judiciaire, n'a pas mis en œuvre les mesures conservatoires adaptées pour empêcher les dommages, l'installation à l'extérieur d'un bâtiment sur rue d'une descente eaux pluviales sur laquelle ont été placées, à chaque étage, des culottes de raccordements est interdite par les textes en vigueur ;
- La vétusté et la défectuosité de la canalisation en fonte révèlent le défaut d'entretien des parties communes, dont doit répondre le syndic ;
- Le syndic aurait dû procéder au remplacement d'une colonne montante eau froide en plomb, matériau interdit pour véhiculer l'eau ;
- Il convient en conséquence d'homologuer purement et simplement le rapport de l'expert, suffisamment clair et précis pour établir l'imputabilité des désordres constatés dans l'appartement de M. et Mme [J] à l'absence d'entretien, la défectuosité et la non-conformité des ouvrages parties communes, et retenir la responsabilité du cabinet Roux sur l'apparition des désordres à hauteur de 20%, comme constaté dans le rapport ;
- Ils devront également être indemnisés de leur préjudice moral, consistant au temps passé à la gestion des divers désordres ;
- La GMF doit exécuter les garanties de son contrat multirisques habitation, le préjudice subi entrant dans le domaine d'application des risques couverts ;
- Le tribunal devra condamner le cabinet Roux à communiquer au conseil des époux [J] son attestation de responsabilité civile professionnelle en application de l'article 138 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2023, la société GMF demande du tribunal de :

"Vu les articles 6 et suivants du code de procédure civile et 1353 du code civil

Vu l'assignation des époux [J] en date du 23 décembre 2020 au terme de laquelle aucun grief n'est allégué à l'encontre de GMF ASSURANCES et, a fortiori, aucune demande de condamnation n'est formée à l'encontre de GMF ASSURANCES
Mettre purement et simplement hors de cause GMF ASSURANCES
Condamner in solidum Monsieur [U] [J] et Madame [Z] [J] à payer à la SA GMF ASSURANCES la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner in solidum Monsieur [U] [J] et Madame [Z] [J] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hervé REGOLI, Avocat aux offres de droit
Vu les dernières écritures des époux [J] signifiées le 12 janvier 2023
Débouter purement et simplement les époux [J] de leur demande de condamnation à l'encontre de la GMF, compte tenu du fait que l'humidité à l'origine des dommages est un cas d'exclusion de garantie de la police souscrite auprès de GMF ASSURANCES
Mettre de plus fort hors de cause la SA GMF ASSURANCES.
Subsidiairement et si, par impossible, cette exclusion de garantie n'était pas retenue par le Tribunal,
Dire et juger que le plafond de garantie tel que prévu par la police d'assurances dont les époux [J] versent aux débats un exemplaire est de 12 mois de loyers
Dire et juger en conséquence que si une condamnation devait être prononcée par le Tribunal de céans à l'encontre de GMF ASSURANCES, cette condamnation ne saurait excéder la somme de 13 200 €".

Au soutien de ses prétentions, la société GMF Assurances fait valoir que :

- dans l'assignation, aucune demande n'a été formulée à l'encontre de la GMF, qui devra être mise hors de cause ;
- le dégât des eaux dont il est question, dû à l'humidité, fait partie des exclusions de garantie du contrat multirisque habitation souscrit par les époux [J] ;
- la police d'assurance souscrite a un plafond de garantie qui devra être pris en compte par le tribunal qui ne pourra, s'il condamne la société GMF, dépasser la somme de 12 mois de loyers soit 13.200 euros.

Bien que cité à personne, le cabinet Roux n'a pas constitué avocat. Il sera ainsi statué par jugement réputé contradictoire.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été close par ordonnance du 22 mai 2023, et fixée à l'audience du 17 janvier 2024, puis mise en délibéré au 19 mars, prorogé au.30 avril 2024, date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.

MOTIFS

Il convient de constater, à titre liminaire, qu'au regard du dispositif des dernières écritures des époux [J], contenant des demandes à l'encontre de leur assureur, la mise hors de cause sollicitée par celui-ci devient sans objet.

Sur la demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire

Aux termes de l'article 246 du code de procédure civile, "Le juge n'est pas lié par les constatations ou conclusions du technicien".
En application de ce texte, il appartient au juge de rechercher dans les rapports d'expertise tous les éléments de preuve de nature à établir sa conviction sans être tenu de suivre l'expert dans leurs conclusions. (Civ. 2ème, 14 déc.1983 : Bull. civ. II, n°202)

Sur ce

En application du texte susvisé, le tribunal ne peut fonder l'admission ou le débouté d'une action en responsabilité en homologuant un rapport d'expert, sans procéder à l'examen de ses conclusions.

En conséquence, M. et Mme [J] seront déboutés de leur demande en homologation du rapport de l'expert judiciaire.

Sur la demande indemnitaire vis à vis du cabinet Roux, syndic de copropriété

Aux termes de l'article 18.I de la loi du 10 juillet 1965 : "Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront définies par le règlement d'administration publique prévu à l'article 47 ci-dessous :
- D'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale ;
- D'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci (...)"

L'article 1240 du code civil dispose que "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer"

L'article 1241 du code civil dispose que "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence"

En application de ces dispositions, le syndic doit répondre de ses fautes de gestion à l'égard des tiers et, notamment, les copropriétaires.

Ces textes supposent que le demandeur à l'action en responsabilité civile établisse une faute, un préjudice personnel et un lien de causalité direct entre la faute du syndic et le préjudice.

Compte tenu de l'ampleur des tâches qui lui incombent et des difficultés pratiques auxquelles il est fréquemment confronté, le syndic est tenu d'une obligation de diligence et de vigilance, donc de mayens et non pas de résultat (ex. : Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2014, n°RG 12/00684).

Son appréciation s'opère in abstracto par rapport au standard du bon père de famille et des diligences normales du professionnel averti (ex. : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 10 septembre 2020, n° RG 18/11191).

Ne peut engager sa responsabilité un syndic qui démontre avoir accompli les diligences nécessaires, en ayant respecté les délibérations de l'assemblée générale, en ayant mandaté l'architecte de la copropriété et en étant intervenu auprès des copropriétaires pour déterminer l'origine des désordres et les faire cesser (ex. : Civ. 3ème, 8 juillet 2015, n°13-28.083)

Sur ce

Selon le rapport de l'expert, la première réunion d'expertise a eu lieu le 3 mars 2015, au cours de laquelle il a procédé à l'examen des désordres. Il a pu notamment constater de très importantes dégradations sur les murs ainsi qu'au plafond, des tâches d'humidité très étendues, des peintures cloquées, des enduits décollés et fissurés, de nombreuses traces de moisissures noires, étant en outre relevé la valeur relative de 999/1000 à l'humiditest Aquant sur l'ensemble des murs de l'appartement (p. 26-27).

L'expert a procédé aux conclusions suivantes sur l'origine des désordres dans l'appartement des époux [J] ayant leur origine dans les parties communes (p. 16 et 17 du rapport) :

- "La mise en charge de la descente des eaux pluviales / eaux usées installée en façade sur rue, a fait apparaître une fuite dans l'épaisseur du mur, au niveau du raccordement de l'évacuation des eaux usées de la cuisine du 3èeme étage droite, et la culotte en fonte installée au plancher haut du 2ème étage.

La défectuosité du joint est à l'origine de la fuite. Nous rappelons que l'installation à l'extérieur d'un bâtiment sur rue d'une descente eaux pluviales sur laquelle ont été placées, à chaque étage, des culottes de raccordement, est strictement interdite par les textes en vigueur (RSDP article 42-2). (...)

Lors des infiltrations qui se sont déclarées en février 2013, dans l'appartement des époux [J], le cabinet Roux aurait dû demander la mise en conformité de la descente des eaux pluviales et non le remplacement à l'identique de l'ouvrage d'évacuation.

- Le dégagement, dans l'épaisseur du plancher haut du 2ème étage, de l'ancienne chute eaux vannes a fait apparaître la vétusté et la défectuosité de la canalisation en fonte.
L'absence d'entretien est à l'origine des désordres.

- Colonne montante eau froide : il a été relevé la présence dans la salle d'eau du 2ème étage, d'une ancienne colonne montante eau froide en tuyau de plomb. Cette installation aurait dû être refaite en 2013, année où les canalisations en plomb devaient être entièrement déposées dans les immeubles parisiens. Il est rappelé qu'une fuite a été détectée en 2014 par l'entreprise SBP au 3ème étage dans la cuisine, et a fait l'objet d'un remplacement partiel de la colonne par l'entreprise SBP. (facture F14-019 du 13.02.2014)

Il appartenait au syndicat des copropriétaires 25 rue commandeur, de mettre en conformité avec les textes en vigueur cet ouvrage commun".

S'agissant des désordres ayant leur origine dans l'appartement du 3ème étage, appartenant à Mme [O], propriétaire non occupante, l'expert a demandé que des investigations de plomberie soient réalisées au niveau de ses installations privatives et il en est ressorti les constats suivants (pp 17-18):

- "Une fuite active au niveau de l'évacuation en tube PVC de la douche, se raccordant à la chute des eaux vannes. A chaque utilisation de la douche de l'eau s'infiltrait dans le plancher.

- Les tests d'étanchéité de la douche ont fait apparaître des passages d'eau à l'extérieur et sous le receveur de douche ;

- Dans les 2 pièces de service, aucun revêtement d'étanchéité au sol et sur les murs n'a été réalisé. Ce non-respect des textes réglementaires a été à l'origine des passages d'eau dans le plancher, dès lors que de l'eau coulait sur le sol (RSDP article 40-1, arrêté du 24 mars 1982)"

L'expert a aussi relevé que la non-conformité de l'aération du logement, qui doit être générale et permanente, a eu pour "conséquence une aggravation des désordres, en donnant lieu au développement des moisissures et des champignons". (p.18)

L'expert a en conséquence procédé aux conclusions suivantes sur l'origine et la cause des désordres :

"L'origine et la cause de ces désordres proviennent :

- De la vétusté, de l'absence d'entretien, de la défectuosité et de la non-conformité des installations communes (chute eaux vannes, descente mixte eaux usées + eaux pluviales, colonne montante eau froide) ;

- De la défectuosité et de la non-conformité des installations sanitaires (salle d'eau cuisine) de l'appartement de Mme [O] au 3ème étage ;

- De la non-conformité aux textes réglementaires de l'aération du logement appartenant aux consorts [J]" (p. 28-29).

L'expert a ensuite établi les proportions en matière de causalité selon les pourcentages suivants : 10 % pour les consorts [J], 20% pour le cabinet Roux, 30% pour Mme [O] et 40% pur le syndicat des copropriétaires.

Les consorts [J] soutiennent que, puisque l'expert estime dans son rapport que le cabinet Roux aurait dû demander en 2013 la mise en conformité de la descente des eaux pluviales et non le remplacement à l'identique de l'ouvrage d'évacuation, la faute du cabinet Roux est caractérisée.

Comme déjà mentionné, le tribunal n'est pas lié par les conclusions de l'expertise judiciaire.

Or, et d'une part, le fait avancé par l'expert que dès 2013, le syndic aurait du demander cette mise en conformité ne suffit pas, à lui seul, à caractériser une faute délictuelle du syndic à l'égard des consorts [J].

Le tribunal relève d'autre part qu'aucune pièce n'est versée aux débats n'est de nature à caractériser une attitude fautive du syndic ; les demandeurs succombent ainsi à établir que le syndic avait été, dès 2013, dûment informé de la nécessité de ces travaux, et le cas échéant qu'il aurait refusé la mise en conformité préconisée.

En outre, la non-conformité de la canalisation de descente des eaux pluviales et des eaux usées installée en façade sur rue n'est ressortie avec certitude que lors des premières opérations d'expertise, par une note de l'expert en date du 5 décembre 2015.

Le syndic, qui n'est pas un expert en construction mais administrateur de l'immeuble, pouvait en conséquence ignorer cette non-conformité, qui a par ailleurs nécessité la désignation d'un expert pour sa découverte.

A rebours de l'imputation possible d'une faute au syndic, il ressort de l'analyse des termes de l'acte d'assignation du 2 août 2016, délivrée à l'encontre du syndicat des copropriétaires, notamment, et tendant à l'annulation des résolutions 20 et 21 de l'assemblée générale en date du 24 mai 2015, instance dont ils se sont ensuite désistés, que le syndic avait porté à l'ordre du jour les résolutions relatives aux travaux nécessaires à la mise en conformité des différentes descentes d'eaux mises en cause par l'expert et visées par la Ville de [Localité 7], résolutions qui ont été rejetées par cette même assemblée, d'une part, et ne fait état d'aucune faute personnelle du syndic, d'autre part.

Aucune pièce versée aux débats ne rapporte l'existence d'échanges entre le syndicat des copropriétaires et le cabinet Roux, attestant de sa connaissance de la cause réelle des désordres créés par cette partie commune, avant les opérations d'expertise, étant au surplus souligné que l'expert a conclu à l'origine multifactorielle des dégâts des eaux dans l'appartement des époux [J].

En conséquence, les consorts [J] ne parviennent pas à établir, comme ils le soutiennent et dans le sillage de l'expert, une négligence du syndic quant au choix des travaux sur la colonne d'eaux pluviales / eaux usées, étant en outre observé que ce choix relève de l'assemblée générale des copropriétaires.

En conséquence, M. et Mme [J] seront déboutés de leur demande indemnitaire à l'encontre du syndic.

Sur la demande de garantie en exécution du contrat d'assurance multirisque habitation à la GMF

Aux termes de l'article L. 113-5 du code des assurances, "Lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà"

En application de ce texte, l'assureur assume une obligation impérative de couverture du risque garanti et une obligation de règlement du sinistre, qui désigne la réalisation du risque garanti. Il appartient à l'assuré de prouver la réalité du sinistre.

L'article L.113-1 du même code précise que "Les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré."

Sur ce

A titre liminaire, le tribunal relève que les époux [J] ne formulent pas de demandes de garantie en exécution du contrat d'assurance relatives au préjudice matériel subi au titre de la remise en état de l'appartement, et au préjudice moral consistant au temps passé à la gestion de ces divers désordres, ces demandes indemnitaires ayant été formulées à l'encontre du cabinet Roux.

Ils reconnaissent par ailleurs avoir reçu au cours des opérations expertales le règlement d'une indemnité provisionnelle à hauteur de 3.046,80 euros pour l'indemnisation de leur préjudice matériel relatif à la remise en état de l'appartement (p.12 conclusions).

Les époux [J] sollicitent la garantie de leur assureur pour la perte de 110 mois de loyers sur la base d'une valeur locative de l'appartement de 1.100 euros charges comprises, soit un préjudice de jouissance de 121.000 euros.

Il convient donc d'examiner si les conditions de la garantie de la GMF sont réunies, avant de vérifier si le préjudice dont il est sollicité réparation est établi, dans son principe et dans son quantum.

Sur la garantie sollicitée

Les époux [J] versent aux débats les conditions générales et particulières de leur police d'assurance multirisque habitation n°28.222388, contractée auprès de la GMF le 29 juin 2009 s'agissant notamment de l'appartement dont ils sont propriétaires, dégradé par le sinistre litigieux.

Ils communiquent en outre la lettre en date du 4 décembre 2013 de la GMF, laquelle a pris acte de la résiliation de leur contrat d'assurance, et indiqué à M. [J] que ses garanties cesseraient dans tous leurs effets le 01/01/2014.

Le contrat stipule une garantie dégât des eaux et gel avec extension, et se réfère au paragraphe 3.3 des conditions générales (p. 2 du contrat habitation domultis)

Les stipulations contractuelles relatives aux exclusions de garantie et plafonds de la garantie dégâts des eaux indiquent que :

-La police ne garantit pas les dommages qui ont pour origine l'humidité, la porosité, la condensation, les phénomènes de capillarité ;(p.30)
- La privation de jouissance et perte de loyers est plafonnée aux loyers perçus ou payés dans la limite de la valeur locative des bâtiments sinistrés et à concurrence d'un an (p.30)

S'il ressort du rapport de l'expert que le défaut d'aération a contribué à l'aggravation des dommages, il n'en n'est pas la source, puisque l'origine du sinistre de dégât des eaux réside dans des infiltrations provenant de parties communes et privatives, fuyardes ; la société GMF ne peut en conséquence utilement opposer aux époux [J] l'exclusion de garantie relative aux dommages qui ont pour origine l'humidité, puisqu'en l'espèce l'humidité n'est pas la cause des dommages constatés par l'expert.

En ce qui concerne le plafonnement de la garantie relative à une année de loyers, la clause contractuelle, claire et précise, devra être appliquée, étant en outre souligné que lors de leurs dernières conclusions, les demandeurs ont pris acte de cette limitation de garantie, puisqu'ils entendent s'en rapporter aux dispositions contractuelles souscrites.

En conséquence il y aura lieu de procéder au plafonnement de l'indemnisation à la perte d'une année de loyers.

Sur le préjudice de jouissance allégué

Pour justifier le montant réclamé à ce titre, les demandeurs fournissent aux débats le contrat de bail conclu le 30 juin 2012 avec M. et Mme [V], qui fait état des mensualités du bail à hauteur de 1.100 euros, charges incluses, ainsi qu'une quittance de loyer en date du 11 décembre 2013, constatant le paiement de cette somme par les locataires.

Ils indiquent dans leurs écritures que "les derniers locataires ont quitté l'appartement le 31 décembre 2015 et ce après deux ans de loyers impayés".

Cette affirmation est corroborée par le rapport d'expertise contradictoire, aux termes duquel l'expert expose "qu'il est rappelé que les consorts [V] ont quitté l'appartement dès le 31 décembre 2015. Il est certain que l'appartement, suite aux infiltrations qui perduraient depuis 2012, est devenu impropre à sa destination et n'était plus habitable.

Nous rappelons que si les mesures conservatoires avaient été prises dès l'apparition des désordres par le SDC 25 rue Commandeur et Mme [O], l'appartement ne serait pas autant dégradé. Le préjudice allégué par les demandeurs est parfaitement fondé, nous en laissons l'évaluation à l'appréciation souveraine du tribunal" (p.32).

Le préjudice de jouissance dans son principe, ainsi constaté par l'expert, n'a au demeurant pas été contesté par les parties et notamment pas la GMF qui a participé aux réunions d'expertise.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la GMF sera condamnée à indemniser les époux [J] de la perte locative correspondant aux loyers impayés entre le 01/01/2013 et le 01/01/2014, dans la double limite du plafond de garantie souscrit et du terme du contrat d'assurance.

En conséquence, la GMF sera condamnée à payer aux époux [J] la somme de 13.200 euros (12 x 1.100 euros)

Sur la demande de sommation de communiquer l'assurance de responsabilité professionnelle du cabinet Roux

Compte tenu du sens de la présente décision, cette demande devient sans objet, les consorts [J] en seront donc déboutés.

Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La GMF sera condamnée au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec autorisation donnée à Me Ali Saidji, avocat en ayant fait la demande, de recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile, étant observé que les “frais de citation” dont il est demandé remboursement par les époux [J] sont inclus dans les dépens tels que listés par l’article 695 du code de procédure civile, de sorte que la demande faite à ce titre est sans objet.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.


Tenue aux dépens, la société GMF, sera en outre condamnée à payer à M. et Mme [J] la somme de 2.500 euros à ce titre.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, la nature des condamnations prononcées et l'ancienneté du litige justifient que l'exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement réputé contradictoire et rendu publiquement en premier ressort par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE M. [U] [J] et Mme [Z] [J] de leur demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire ;

CONDAMNE la GMF à payer à M. [U] [J] et à Mme [Z] [J] la somme de 13.200 euros ;

REJETTE le surplus des demandes en paiement formées à l’encontre de la GMF ;

DEBOUTE M. [U] [J] et Mme [Z] [J] de l’ensemble de leurs prétentions formées à l’encontre du cabinet L. Roux SA ;

CONDAMNE la GMF aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et avec distraction au profit de Me Ali Saidji ;

CONDAMNE la GMF à payer à M. [U] [J] et à Mme [Z] [J] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 30 Avril 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/02687
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;21.02687 ?
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