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30/04/2024 | FRANCE | N°21/03025

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 30 avril 2024, 21/03025


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section

N° RG 21/03025 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CT4D2

N° MINUTE :




Assignation du :
29 Janvier 2021







JUGEMENT
rendu le 30 avril 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic, le Cabinet JOURNE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Christian COUVRAT, avocat a

u barreau de PARIS, vestiaire #E0462




DÉFENDEUR

Monsieur [H] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]

non représenté







Décision du 30 avril 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/03025 - N° ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 21/03025 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CT4D2

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Janvier 2021

JUGEMENT
rendu le 30 avril 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic, le Cabinet JOURNE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0462

DÉFENDEUR

Monsieur [H] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]

non représenté

Décision du 30 avril 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/03025 - N° Portalis 352J-W-B7F-CT4D2

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Elyda MEY, Juge
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffère lors des débats, et de Madame Justine EDIN, Greffière lors du prononcé.

DÉBATS

A l’audience du 07 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [N] est propriétaire des lots n°128 et 129 au sein de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 1] à [Localité 4], correspondant à une chambre de service (n°51) et à un débarras sis au 7ème étage.

Se plaignant de désordres récurrents consistant en la présence d'infiltrations d'eau dans les parties communes de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble précité, représenté par son syndic en exercice, a saisi le juge des référés, qui par ordonnance rendue le 28 mars 2018, a prononcé une mesure d'expertise et a commis M. [Z] [W] pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport le 03 octobre 2018.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier du 29 janvier 2021, auquel il convient de renvoyer pour plus ample exposé, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic en exercice, a assigné devant la juridiction de céans, en ouverture de rapport, M. [N] aux fins de :
" Vu le rapport d'expertise déposé par M. [Z] [W] le 3 octobre 2018 ;
Vu les articles 544 et 1240 et suivants du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [H] [N] à faire exécuter dans la chambre de service lui appartenant, sise au 7éme étage de l'immeuble, une étanchéité conforme aux préconisations de l'expert, et à faire procéder à une réfection complète de ses installations sanitaires par une entreprise ayant les qualifications requises de sorte à faire cesser les désordres survenus et se poursuivant chez M. et Mme [T] et en parties communes de l'immeuble, et à éviter leur aggravation, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- Dire et juger qu'à défaut de réalisation des travaux après un délai de 3 mois à compter de la signification à intervenir, le syndicat des copropriétaires sera autorisé à pénétrer chez M. [N], avec un serrurier et l'assistance de la force publique et fera faire les travaux aux frais risques et péril de ce dernier,
- Condamner M. [H] [N] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 4] la somme totale de 7.342,09 € au titre des frais de remise en état au niveau des parties communes du 7éme étage de l'immeuble et au niveau de l'appartement des époux [T] au 6éme étage,
- Condamner M. [H] [N] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 4] une somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des troubles de jouissance,
- Condamner M. [H] [N] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 4], la somme 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [H] [N] aux entiers dépens y compris les frais d'expertise, lesquels seront recouvrés par Me Christian Couvrat, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ".

Le syndicat des copropriétaires sollicite l'engagement de la responsabilité de M. [N] dans la survenance des désordres ayant dégradé, notamment, les parties communes de l'immeuble, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage et de la responsabilité délictuelle.

Il s'estime dès lors être fondé à réclamer l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices à son endroit, ainsi que sa condamnation à faire procéder aux travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire.

M. [H] [N], cité à personne, n'a pas constitué avocat. La décision sera réputée contradictoire en application de l'article 473 du code de procédure civile.

L'instruction a été close par ordonnance du 22 novembre 2021.

L'affaire, appelée à l'audience du 07 février 2024, a été mise en délibéré au 23 avril 2024, prorogée au 30 avril suivant en raison de l'indisponibilité du magistrat signataire pour cause de participation aux assises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale en indemnisation

Sur l'origine des désordres et les responsabilités engagées

Un trouble anormal de voisinage est constitué dès lors qu'existe une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

L'article 544 du code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".

L'article 9 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose en outre que "chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble."

La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage, lesquels doivent être prouvés par celui qui les invoque, est établie objectivement, sans que la preuve d'une faute soit exigée.

Le propriétaire est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage provenant de son fonds, que ceux-ci aient été causés par son fait ou par celui de personnes avec lesquelles il est lié par contrat, notamment par le preneur de son lot.

Un syndicat des copropriétaires peut agir à l'encontre d'un copropriétaire sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage (ex. : Civ. 3ème, 11 mai 2017, n° 16-14.339, publié au bulletin).

La mise en œuvre de la responsabilité objective pour troubles anormaux du voisinage suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux. Par suite le propriétaire est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage provenant de son fonds, que ceux-ci aient été causés par son fait ou par celui de personnes avec lesquelles il est lié par contrat, telles que les entreprises.

Sur ce,

Les opérations d'expertise judiciaire ont donné lieu à deux réunions sur place, durant lesquelles il a notamment été constaté des détériorations au niveau du parquet et des murs dans le couloir partie commune du 7ème étage, les contrôles d'humidité réalisés sur les cloisons, à l'aplomb de la kitchenette et du receveur de douche de la studette de M. [N] présentant des taux de 60 à 70%.

Il a également été constaté des dégradations au sein du lot des époux [T], qui ne sont pas attraits à la procédure.
L'expert retient, en pages 12 et 19 de son rapport, que l'origine des désordres relevés provient de la studette du 7ème étage, appartenant à M. [N], compte tenu des défauts d'étanchéité du receveur de douche et de la kitchenette, ainsi que du sol et des murs des deux pièces d'eau, le tout contrevenant, notamment, aux dispositions de l'article 40.1 et 45 du règlement sanitaire de la Ville de [Localité 3].

Il est ainsi relevé, au sein de la studette litigieuse, les défauts suivants:
- au sein de la salle d'eau : absence de regard de visite au niveau du receveur de douche, joint d'étanchéité du receveur fuyard, sol non-étanche, détachement des revêtements faïence au droit du lavabo, absence de ventilation règlementaire ;
- au niveau du coin cuisine : sol non-étanche, favorisant les infiltrations à la suite de projections d'eau au droit de l'évier.

L'analyse combinée de ces éléments permet de retenir l'engagement de la responsabilité de M. [N] dans la survenance des désordres ayant affecté les parties communes au 7ème étage de l'immeuble en cause, en sa qualité de propriétaire du lot ayant causé lesdits désordres et qui, par leur intensité, excèdent les inconvénients normaux du voisinage.

Sur la réparation des préjudices

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ses préjudices, à les supposer établis.

Il appartient au juge d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe (ex. : Civ. 3ème, 25 janvier 2006, n° 04-20.726).

- Sur la demande de réalisation des travaux de remise en état

L'expert judiciaire indique, en page 17 de son rapport, les travaux à entreprendre par le défendeur pour remédier aux désordres dénoncés, à savoir :
" la salle d'eau et le coin-cuisine de la studette doivent être refaits en totalité.
Le sol de la studette doit être refait en totalité par une dalle de béton allégé et doit comporter une étanchéité résine avec des relevés de 0.10m sur les murs et cloisons environnants.
Les revêtements faïence au droit du receveur de douche et de la kitchenette doivent être refaits en totalité.
Le rideau de douche doit être remplacé par un pare-douche.
Des ventilations réglementaires doivent être établies ".

La demande du syndicat des copropriétaires tendant à la condamnation de M. [N], sous astreinte, à faire procéder auxdits travaux préconisés par l'expert judiciaire apparaît dès lors fondée, en l'absence d'élément permettant de justifier de ce qu'ils auraient déjà été effectués.

Il convient donc d'y faire droit, dans les conditions précisées ci-après au dispositif de ce jugement, et d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte, afin de s'assurer de la réalisation des travaux litigieux dans un délai raisonnable.

En revanche la demande du syndicat des copropriétaires tendant à "Dire et juger qu'à défaut de réalisation des travaux après un délai de 3 mois à compter de la signification à intervenir, le syndicat des copropriétaires sera autorisé à pénétrer chez M. [N], avec un serrurier et l'assistance de la force publique et fera faire les travaux aux frais risques et péril de ce dernier " sera rejetée, dès lors que l'astreinte prononcée apparaît, en l'état des éléments produits au débat, une mesure suffisante à assurer l'effectivité du présent jugement.

- Sur l'indemnisation des préjudices matériel et immatériel

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 7.342,09 € au titre de son préjudice matériel, excipant des " frais de remise en état au niveau des parties communes du 7éme étage de l'immeuble et au niveau de l'appartement des époux [T] au 6éme étage ".

Dans le cadre des opérations expertales, l'expert judiciaire a validé les travaux de remise en état des parties communes de l'immeuble à hauteur d'un montant de 5.307,09 euros, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande en réparation du préjudice matériel du syndicat des copropriétaires pour ce quantum.

Le surplus réclamé correspond au montant des travaux validés par l'expert judiciaire se rapportant à l'appartement des époux [T].

Or, outre que ces derniers ne sont pas attraits à la cause, il sera rappelé que le syndicat des copropriétaires n'a pas vocation à réclamer l'indemnisation d'un préjudice subi par un copropriétaire dans ses parties privatives, mais uniquement ceux subis au niveau des parties communes.

Le surplus de sa demande indemnitaire pour préjudice matériel sera donc rejeté.

Le syndicat des copropriétaires sollicite en outre le bénéfice d'une somme de 4.000 € en réparation des " troubles de jouissance ", mais ne produit au débat aucune pièce de nature à permettre de caractériser ce trouble, que ce soit dans son principe ou a fortiori dans son quantum, étant relevé que l'expert judiciaire n'en fait aucunement état dans son rapport.

Cette prétention indemnitaire en réparation d'un prétendu préjudice de jouissance devra donc être également rejetée.

******************

M. [N] est donc condamné à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5.307,09 euros, en réparation de son préjudice matériel, le surplus réclamé à ce titre, injustifié, étant rejeté.

Sur les demandes accessoires

Partie succombante, M. [N] doit être condamné aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire et dont distraction au profit de Me Christian Couvrat, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Le syndicat des copropriétaires sera débouté du surplus de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que de ses autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

CONDAMNE M. [H] [N] à faire procéder, selon les règles de l'art, aux travaux d'étanchéité et de réfection du lot lui appartenant, incluant les installations sanitaires, sis au 7éme étage de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 4], le tout conformément aux préconisations de l'expert judiciaire dans son rapport du 03 octobre 2018, et ce sous astreinte de 300€ par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision,

DIT que l'astreinte ci-dessus prononcée courra pendant 6 mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4] de sa demande d'autorisation à pénétrer chez M. [H] [N], avec un serrurier et l'assistance de la force publique afin de faire les travaux aux frais risques et péril de ce dernier,

CONDAMNE M. [H] [N] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, la somme de 5.307,09 euros en réparation du préjudice matériel,

REJETTE le surplus des prétentions indemnitaires du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4],

CONDAMNE M. [H] [N] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [H] [N] aux dépens, dont distraction au profit de Me Christian Couvrat,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

REJETTE le surplus des demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que toutes autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 30 avril 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/03025
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;21.03025 ?
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