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30/05/2014 | FRANCE | N°12/18068

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 30 mai 2014, 12/18068


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 30 MAI 2014



N°2014/ 340















Rôle N° 12/18068







[J] [P]





C/



Association INSTITUTION MARSEILLAISE 'LYCEE TECHNIQUE PROFESSIONNEL [1]'

















Grosse délivrée le :



à :



-Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Olivier GIRAUD, avocat

au barreau de MARSEILLE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 03 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/3630.




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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2014

N°2014/ 340

Rôle N° 12/18068

[J] [P]

C/

Association INSTITUTION MARSEILLAISE 'LYCEE TECHNIQUE PROFESSIONNEL [1]'

Grosse délivrée le :

à :

-Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Olivier GIRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 03 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/3630.

APPELANTE

Madame [J] [P], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association INSTITUTION MARSEILLAISE 'LYCEE TECHNIQUE PROFESSIONNEL [1]', demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivier GIRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence VALETTE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2014

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2014

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [J] [P] a été engagée par l'association de l'Institution marseillaise, organisme de gestion du lycée technique privé [1] (sous contrat d'association), par contrat à durée indéterminée du 6 novembre 2006 en qualité de comptable de ce lycée technique (catégorie 4.2), moyennant une rémunération basée sur l'indice 440 des conventions collectives de l'union nationale de l'enseignement privé (U.N.E.T.P), avec un horaire de travail de 35 heures par semaine, et une période d'essai de trois mois.

Suivant avenant signé le 1er septembre 2009, Mme [P] a été nommée intendante au sein du même établissement, moyennant une rémunération basée sur l'indice 515 des conventions collectives des personnels des services administratifs et économiques, des personnels d'éducation et des documentalistes des établissements privés sous contrat, avec un horaire de travail de 36 heures par semaine, et une période d'essai d'un mois.

Après convocation à un entretien préalable auquel elle ne s'est pas rendue, Mme [P] a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juillet 2011 pour faute grave.

Au dernier état de la relation contractuelle, l'association de l'Institution marseillaise comptait plus de onze salariés et Mme [P], âgé de 54 ans, avait plus de deux ans d'ancienneté révolus.

Le 26 juillet 2011, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes suivantes :

- indemnité conventionnelle de licenciement : 7 800 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 7 800 euros outre congés payés afférents,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 156 000 euros,

- dommages-intérêts pour suppression abusive de la subrogation : 10 000 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros.

Par jugement du 3 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne mensuelle des salaires des trois derniers mois à la somme de 2 515,28 euros,

- fait droit aux demandes de Mme [P] s'agissant des indemnités compensatrice de préavis et de licenciement,

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes,

- condamné l'association de l'Institution marseillaise à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 27 septembre 2012 et reçue au greffe de la cour d'appel le 28 septembre, Mme [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites déposées et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Mme [P] demande de :

- infirmer le jugement déféré,

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

-indemnité compensatrice de préavis : 7 800 euros,

- congés payés sur préavis : 780 euros,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 7 800 euros,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 156 000 euros payé en net de CSG-CRDS,

- dommages intérêts pour suppression abusive de la subrogation : 10 000 euros,

- indemnité due au titre de la prévoyance indûment retenue : 301,46 euros,

avec intérêts à compter de la saisine de la juridiction et capitalisation de ces intérêts,

- frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) : 5 000 euros.

- et débouter l'employeur de l'intégralité de ses demandes.

Au visa de ses conclusions écrites déposées et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, l'association de l'Institution marseillaise demande :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et a fait droit aux demandes d'indemnités de rupture formées par Mme [P],

- de le confirmer en ce qu'il a débouté Mme [P] de ses autres demandes,

- à titre reconventionnel et incident, de condamner Mme [P] à lui restituer la somme de 4 167,70 euros indûment perçue à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- d'ordonner la restitution des sommes indûment versées au titre de l'exécution provisoire,

- et de condamner l'association de l'Institution marseillaise à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Mme [P] met en avant le fait qu'elle était en arrêt maladie et n'a pas pu se rendre à l'entretien préalable en raison de son état de santé. Elle n'en titre toutefois aucune conséquence.

L'absence du salarié pour maladie ne fait pas obstacle à la tenue de l'entretien préalable. En l'espèce, l'entretien a été fixé à une heure de sortie autorisée et si le Dr [H], psychiatre, certifie le 23 juin 2011 que l'état de santé de Mme [P] ne lui permettra pas d'être présente le lendemain à l'entretien préalable, aucune demande de report n'a été formulée et au contraire Mme [P] a téléphoné à l'établissement à 11 heures 45 le jour prévu pour l'entretien pour indiquer qu'elle ne souhaitait pas se déplacer (attestation de Mme [E]).

La lettre de licenciement du 1er juillet 2011 qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.

Monsieur Le Directeur a repris la comptabilité à partir de la prolongation de votre arrêt de travail le 23/05/2011.

Nous nous sommes dès lors rendu compte de graves irrégularités qui vous sont imputables.

- de nombreuses écritures comptables ont été passées sans aucun justificatif et notamment un ordinateur, alors même qu'ils ne figurent pas et n'ont jamais été recensé dans l'établissement.

- de nombreux matériels et livres informatiques qui ne figurent pas non plus dans l'établissement, alors même que vous n'êtes pas sans savoir que tous les achats informatiques doivent être réalisés de manière exclusive par les informaticiens auprès de l'enseigne CYBERMANIA.

- des matériels divers achetés sans aucun justificatif si ce ne sont les tickets de carte bleue chez VIRGIN ou AMAZONE ou LEROY MERLIN

- la ligne free téléphonie de votre domicile personnel est passée en comptabilité sur le lycée.

Cette conduite met en cause la bonne marche du service.

Par ailleurs puisque vous ne vous êtes pas rendue à l'entretien préalable pour lequel vous aviez été dûment convoquée le 24 juin 2011, vous ne nous avez fourni aucune explication de nature à modifier notre appréciation de la situation.

Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et le licenciement prendra effet immédiatement à la date du 04 juillet 2011 sans indemnité de préavis, ni de licenciement...'.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Mme [P] soulève la prescription des faits allégués dans la lettre de licenciement.

En l'espèce, il est incontestable que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement du licenciement. Mais l'employeur rapporte la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de cette procédure. Il est établi que Mme [P] a été en arrêt maladie du 25 janvier au 4 février 2011, arrêt prolongé jusqu'au 4 mai puis jusqu'au 24 juillet 2011, que le nouveau directeur de l'établissement, M. [D], a dans un premier temps attendu son retour, puis a fait appel à Mme [L] qui atteste avoir remplacé Mme [P] au poste de comptable à compter du 4 mai 2011. C'est à la suite de ce remplacement que la nouvelle direction alertée sur certains opérations, a dû procéder à des vérifications et a fait appel à l'expert comptable de l'établissement qui a effectué un contrôle budgétaire ayant donné lieu à un premier compte rendu le 31 mai 2011 puis un contrôle sur pièces pour les dépenses payées par carte bancaire sur le compte Caisse d'Epargne du lycée sur la période du 1er septembre au 30 novembre 2010 ayant donné lieu à un deuxième compte rendu en date du 21 juin 2011. L'employeur qui a donc eu connaissance de l'existence de faits litigieux par l'expert comptable du lycée dès le 31 mai 2011, a pu utilement convoquer Mme [P] le 10 juin suivant pour un entretien préalable fixé le 24 juin 2011, en sachant qu'il recevrait entre-temps le deuxième compte rendu de nature à le renseigner sur un des points litigieux à savoir l'ampleur du nombre de dépenses non justifiées par des factures.

Mme [P] n'est dès lors pas fondée à soulever la prescription des faits qui lui sont reprochés.

L'employeur a en outre agit, comme il se doit en matière de faute grave, c'est à dire sans délai lorsque, après vérification, il a eu connaissance des faits en cause.

Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Contrairement à ce que soutient Mme [P], la lettre de licenciement mentionne des motifs suffisamment précis.

L'employeur verse au débat

- le compte rendu en date du 21 juin 2011 signé par l'expert comptable, M. [X], et l'un de ses associés du cabinet d'expertise comptable et de commissariat aux comptes KPMG entreprises Provence, qui établit que sur la période du 1er septembre au 30 novembre 2010, trente-sept achats ont été effectués par carte bancaire et débités sur le compte Caisse d'Epargne du lycée, pour un montant total de 2 033,53 euros, achats effectués principalement dans les enseignes Virgin, Amazon, Fnac mais aussi Leroy Merlin et Itunes, sans que les factures correspondantes figurent en comptabilité, mais uniquement 13 des tickets de carte bleue correspondant,

- des photocopies de certains de ces tickets de carte bleue,

- une facture de la FNAC de Marseille en date du 6 octobre 2010 d'un montant de 1 540,77 euros (après déduction d'un acompte de 300 euros -correspondant à une somme non justifiée en comptabilité- et d'un chèque cadeau de 100 euros) correspondant à un ordinateur, facture qui a été comptabilisée le 17 novembre 2010,

- une attestation de M. [M] qui déclare que les devis et commandes de matériels informatiques passent exclusivement par lui en tant que référant et responsable informatique de l'établissement depuis 2008,

- des relevés des coûts des postes téléphonie et Internet pour l'établissement dont il ressort s'agissant de M. [Z], pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010 des sommes de 618,35 et 393,49 euros pour deux téléphones portables et de 376,63 euros pour une ligne FREE, et pour la période du 1er septembre 2010 au 25 mars 2011, aucune pour les téléphones portables dont l'un n'est plus mentionné à son nom mais en tant que 'téléphone fantôme' et une somme de 92,72 euros pour la ligne FREE,

- 4 listes manuscrites dont trois sont signées les 14 octobre, et 3 et 4 novembre 2010 par M. [Z] portant sur des achats par carte bancaire.

S'agissant du motif essentiel, à savoir l'enregistrement d'écritures comptables sans justificatif, Mme [P] soutient qu'au moment des faits litigieux, elle n'était pas comptable mais intendante, et que l'employeur ne rapporte pas la preuve que l'enregistrement des écritures comptables litigieuses relevait de ses fonctions d'intendante.

Mais il ressort de l'ensemble des éléments du dossier que Mme [P] assumait des fonctions de cadre niveau 2 et avait en charge notamment la gestion financière de l'établissement correspondant généralement d'après la convention collective applicable, à des responsabilités telles que supervision, organisation et coordination des ses services comptables, collecte de l'information auprès des différents responsables, présentation des données ..., mais aussi la gestion du matériel et des bâtiments. Il ressort par ailleurs des procès verbaux du conseil d'administration de l'établissement des 1er avril et 27 juin 2008 et d'une note intitulée 'remplacement des cadres' (pièce 5) qu'en prévision de son départ en retraite en juin 2010, M. [F] initierait Mme [P], comptable, sur toutes les tâches qu'il accomplissait et qui étaient plutôt du ressort d'un économe (travaux, commandes...) pour que dès la rentrée 2010, le chef d'établissement et le directeur adjoint ne soient en charge que des tâches strictement pédagogiques, administratives et éducatives. C'est dans ce cadre que Mme [P] a été promue intendante le 1er septembre 2009 avec augmentation très significative de son indice de rémunération, et s'est vu non pas supprimer ses fonctions de comptable mais adjoindre celles exercées précédemment par M. [F]. Ses fiches de paie produites aux débats font toutes état de fonctions de comptable intendante.

Dès lors, Mme [P] ne peut utilement soutenir que l'employeur ne justifie pas que l'enregistrement d'écritures comptables faisait partie de ses fonctions. En tant que comptable intendant du lycée, elle pouvait non seulement procéder elle même à l'enregistrement d'écritures comptables mais se devait, dans tous les cas, de vérifier et de contrôler l'exactitude des différentes opérations financières et bancaires effectuées en vérifiant notamment qu'elles étaient justifiées par des factures mais aussi au regard de l'objet de l'établissement.

Elle ajoute qu''il peut d'ailleurs s'agir d'une manipulation, la pièce comptable ayant pu être extraite des classeurs pour les besoins de la cause .

Mais ce moyen qui n'est étayé par aucun élément de preuve ou commencement de preuve, n'est pas sérieux, étant précisé que ce n'est pas une pièce comptable mais trente-sept qu'il aurait fallu extraire.

Enfin, Mme [P] soutient tout à la fois que 'au vu des pièces versées par l'employeur, il apparaît que les achats litigieux ont été sinon effectués, à tout le moins ordonnés par le chef d'établissement', que 'les achats invoqués au soutien de son licenciement ont été effectués au su de l'employeur qui les a selon toute vraisemblance ordonnés', et que 'par suite il ne saurait lui être reprochée à elle d'avoir procédé aux achats demandés par le chef d'établissement qui atteste d'ailleurs que la ligne téléphonique installée chez lui pour les besoins du service l'a été avant l'arrivée de Mme [P]'. C'est loin d'être clair et la cour ne peut que constater que Mme [P] ne s'explique pas sérieusement sur les achats en cause.

A supposer même comme tente de le faire valoir Mme [P] sans en justifier, que M. [Z] soit l'instigateur des achats litigieux, voire même qu'il y ait procédé, il lui appartenait à elle de respecter son obligation de loyauté à l'égard de l'établissement qui l'employait, et de ne pas cautionner le comportement du directeur, fusse-t-il son concubin.

Il convient en effet à ce stade de relever que le directeur en poste au moment des faits, M. [Z] qui a été directeur de l'établissement pendant quinze ans et en est parti en novembre 2010 pour prendre sa retraite, est le concubin de Mme [P].

Dans les deux attestations qu'il a rédigées, M. [Z] ne donne aucune explication sur les achats par carte bleue de l'établissement qu'il a listés en octobre et novembre 2010, juste avant son départ de l'établissement et qui correspondent en grande partie aux achats enregistrés en comptabilité sans facture.

Mme [P] ne s'explique pas plus, ni ne discute les autres motifs mentionnés dans la lettre de licenciement se contentant d'invoquer, sans en justifier, que le motif de son licenciement résiderait dans la prolongation de son arrêt maladie et que la rupture du contrat de travail reposerait en fait sur son état de santé.

S'agissant de la ligne téléphonique FREE, elle produit au débat une attestation de M. [Z] qui déclare avoir bénéficié d'une ligne Free au début de l'année 2005 et que cette ligne a été acceptée de façon informelle par le conseil d'administration du lycée. Mais même en admettant que le conseil d'administration ait accepté de manière informelle que M. [Z] bénéficie de cette ligne à son domicile quand il était directeur de l'établissement, et ce bien qu'il ait déjà deux téléphones portables aux frais de l'établissement, il n'en reste pas moins que Mme [P] en tant que comptable à partir de 2006 puis en tant que comptable intendante ne s'est pas interrogée sur cette dépense et en a même profité dans la mesure où elle est devenue la concubine de M. [Z] et a vécu avec lui. Elle ne s'explique pas sur ce point.

Mme [P] ne conteste pas que tous les achats informatiques devaient être réalisés de manière exclusive par les informaticiens auprès de l'enseigne Cybermania. M. [M], informaticien atteste à ce sujet que 'les devis et commandes de matériels informatiques passent exclusivement par moi en qualité de référent et de responsable informatique de l'établissement depuis 2008". Elle ne donne aucune explication ni même ne conteste les motifs afférents à l'ordinateur et notamment celui tiré du fait qu'il n'aurait jamais été recensé dans l'établissement. Il en est de même s'agissant du matériel et des livres informatiques qui n'ont pas été répertoriés dans l'établissement.

En définitive, il découle de l'ensemble de ces éléments que Mme [P] alors qu'elle était comptable intendante de l'établissement, a accepté de prendre en compte certains achats de matériels informatiques qui sortaient du circuit ordinaire en cours dans l'établissement, spécialement un ordinateur dont elle ne conteste pas en outre qu'il n'a pas été répertorié, mais également des achats effectuées au moyen de la carte bleue de l'établissement sans facture correspondante. Il s'agit là non pas d'une insuffisance professionnelle comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, mais de fautes, de manquements suffisamment graves et répétés de Mme [P] à ses obligations professionnelles pour rendre impossible son maintien dans l'établissement. Aussi et sans qu'il soit utile d'examiner plus avant les autres motifs du licenciement notamment le fait que certains autres biens ainsi acquis au frais de l'établissement n'aient pas été répertoriés et retrouvés au sein de l'établissement, et sur lesquels elle ne s'explique pas, il convient de juger que le licenciement de Mme [P] pour faute grave est justifié.

Il importe donc peu que Mme [P] n'ait pas fait l'objet de deux avertissements préalablement au licenciement, la convention collective applicable excluant un tel processus, qui n'a du reste aucun caractère obligatoire.

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur les incidences indemnitaires de la rupture

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Eu égard à la solution donnée au litige s'agissant du licenciement, Mme [P] ne peut qu'être également déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes au titre de la subrogation et de la prévoyance

Mme [P] renouvelle sa demande formée en première instance tendant à la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour suppression abusive de la subrogation, sans toutefois motiver cette demande.

Mais comme l'ont justement relevé les premiers juges, elle ne rapporte aucunement la preuve d'un abus de son employeur qui n'a fait qu'appliquer en la matière les dispositions légales et conventionnelles et notamment l'article 2.11 de la convention collective des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements d'enseignement privé, prévoyant l'indemnisation des arrêts de travail pour maladie par l'employeur pendant trois mois pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté et donc le versement du salaire ou du complément de salaire pendant cette période. La subrogation cesse donc nécessairement à l'issue de ce délai à partir duquel le salarié perçoit directement les indemnités journalières de la sécurité sociale.

Le fait que M. [Z] atteste le 15 janvier 2014 avoir, comme son prédécesseur, pratiqué différemment au sein de l'établissement n'est pas de nature à remettre en cause la juste application des textes à laquelle a procédé la nouvelle direction de l'établissement.

Pour la première fois en cause d'appel, Mme [P] réclame la somme de 301,46 euros au titre de la prévoyance indûment retenue. Mais elle ne produit aucun élément de nature à justifier sa demande et contrairement à ce qu'elle affirme à son employeur dans un courrier en date du 5 juin 2012 (pièce 16 de son dossier), il ressort des décomptes de l'organisme de prévoyance (pièce 18 du dossier de l'employeur) qu'aucune retenue n'a été opérée par cette organisme au titre de la CSG/CRDS. Mme [P] doit en être déboutée de cette demande.

Sur la demande incidente en répétition de l'indu relativement aux congés payés

L'association de l'Institution marseillaise soutient avoir versé à tort une indemnité compensatrice de congés payés à Mme [P].

Elle produit à l'appui de cette demande une attestation du cabinet d'expertise comptable KPMG en date du 25 mars 2014 selon laquelle l'usage en place au lycée [1] est de permettre aux salariés de bénéficier de leurs congés par anticipation et que de ce fait en cas de départ de l'établissement un salarié ne peut prétendre à des congés payés dus. Il ajoute qu'à ce titre et comme pour tous les autres salariés, Mme [P] ne pouvait prétendre à une quelconque indemnité au titre des congés payés à son départ et que c'est pas erreur que le lycée lui en a versée une. Mais cette attestation est rédigée de manière beaucoup trop générale pour être suffisamment probante en l'espèce.

En réalité, l'association de l'Institution marseillaise ne justifie pas que Mme [P] qui était en arrêt de travail depuis plusieurs mois lors de son licenciement, avait épuisé ses droits à congés ni que ces derniers lui avaient été payés par anticipation.

Elle doit donc être déboutée de sa demande de remboursement de l'indemnité compensatrice de congés payés qu'elle a versée à Mme [P] dans le cadre du licenciement.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'article 700 du code de procédure civile prévoit que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la personne condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Les dispositions du jugement sur ces deux points doivent être infirmées. Il n'y a pas lieu à application de cet article 700 en première instance.

Par contre, il n'y a aucune raison d'écarter l'application de l'article 700 en cause d'appel ; il sera alloué à ce titre la somme de 1 000 euros à l'association de l'Institution marseillaise.

Mme [P] qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a débouté Mme [J] [P] de sa demande de dommages-intérêts pour suppression abusive de la subrogation ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [J] [P] est fondé sur une faute grave,

Déboute Mme [J] [P] de l'intégralité de ses demandes,

Déboute l'association de l'Institution marseillaise de sa demande incidente en remboursement de l'indemnité compensatrice de préavis versée à Mme [J] [P],

Condamne Mme [J] [P] à payer à l'association de l'Institution marseillaise, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/18068
Date de la décision : 30/05/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°12/18068 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-30;12.18068 ?
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