La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2002 | FRANCE | N°2002/241

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 26 novembre 2002, 2002/241


Arr t n Dossier n 2002/241 Affaire : S.A.S. Z... FRANCE c/ 1) Michel Y... 2) L'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER Dommages-intér ts pour discrimination JL / MCF

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE SOCIALE

ARR T DU 26 NOVEMBRE 2002

l'audience publique de la chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le vingt six novembre deux mille deux, a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : Entre :

La société par actions simplifiée (S.A.S.) Z... FRANCE dont le si ge social est ... Saint-Guenault EVRY CEDEX (91002), immatriculée au registre

du commerce des sociétés de CORBEIL ESSONNES sous le numéro 333955 912, prise en son ...

Arr t n Dossier n 2002/241 Affaire : S.A.S. Z... FRANCE c/ 1) Michel Y... 2) L'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER Dommages-intér ts pour discrimination JL / MCF

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE SOCIALE

ARR T DU 26 NOVEMBRE 2002

l'audience publique de la chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le vingt six novembre deux mille deux, a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : Entre :

La société par actions simplifiée (S.A.S.) Z... FRANCE dont le si ge social est ... Saint-Guenault EVRY CEDEX (91002), immatriculée au registre du commerce des sociétés de CORBEIL ESSONNES sous le numéro 333955 912, prise en son magasin sis B.P. 709 MOULINS CEDEX (03007), représentée par son chef d'établissement, Monsieur Jacques A...,

appelante d'un jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de MOULINS le 27 novembre 2001, affaire renvoyée devant la cour d'appel de LIMOGES par arr t de la cour d'appel de RIOM rendu le 5 février 2002 et demanderesse l'incident,

comparant et concluant par la société civile professionnelle (S.C.P.) Marie-Christine B..., avoué associé la cour d'appel de LIMOGES, plaidant par Maître Daniel-Julien NOEL, avocat du barreau du VAL-DE-MARNE ; Et :

Michel Y... né le 18 novembre 1958, domicilié 11, bis, avenue Théodore de BANVILLE MOULINS (03000),

intimé et défendeur l'incident, représenté par Maître François-Xavier GONTARD, avocat du barreau de MOULINS ;

L'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER, prise en la

personne de son secrétaire général, domicilié en cette qualité ... (03100),

intimée et défenderesse l'incident, représentée par Maître Dominique MACHELON, avocat du barreau de RIOM ;

--===o0OE0o===--

l'audience publique du 7 octobre 2002, la cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, président de chambre, de Monsieur Philippe I... et de Madame Anne-Marie DUBILLOT-BAILLY, conseillers, assistés de Madame C... ve X..., greffier, Maîtres J..., D... et F..., avocats, ont été entendus en leur plaidoirie ;

Puis, Monsieur le président a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 12 novembre 2002 puis, sur prorogation, celle du 26 novembre 2002 ;

l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, les mêmes magistrats en ayant délibéré.

LA COUR

Michel Y... a été embauché le 1er ao t 1978 comme cariste manutentionnaire par la société ROND-POINT qui exploitait un supermarché MOULINS (Allier). Il a été promu réceptionnaire 1er échelon compter du 1er mars 1982. La société Z... FRANCE est venue par la suite aux droits de la société ROND-POINT.

Michel Y... a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUOEON le 29 novembre 2000 et a demandé cette juridiction de constater la discrimination dont se serait rendue coupable la société Z... FRANCE, de condamner celle-ci lui payer 2 000 000 de francs en réparation de son préjudice pécuniaire, 1 000 000 de francs en réparation de son préjudice moral et 20 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, de condamner sous astreinte la société Z... FRANCE lui accorder la qualification et la rémunération de chef de rayon et d'ordonner la

publication du jugement intervenir aux portes de l'entreprise et dans un journal d'annonces légales.

La société Z... FRANCE a conclu au débouté de l'ensemble des demandes et a réclamé reconventionnellement 20 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 25 mai 2001, le conseil de prud'hommes de MONTLUOEON s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de MOULINS.

Par jugement du 21 juin 2001 le conseil de prud'hommes de MOULINS s'est déclaré en partage de voix.

l'audience de départage l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER est intervenue et a demandé au conseil de prud'hommes de condamner la société Z... FRANCE lui payer 100 000 francs titre de dommages-intér ts et 6 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de dire qu'aux frais de la société Z... FRANCE le jugement sera publié dans son intégralité dans le journal la MONTAGNE et placardé aux portes de l'entreprise pendant un mois.

Par jugement du 27 novembre 2001 le conseil de prud'hommes de MOULINS, statuant sous la présidence du juge départiteur, s'est prononcé comme suit : il a dit que Michel Y... a fait l'objet de la part de son employeur de discrimination liée son activité syndicale et a condamné la société Z... FRANCE payer Michel Y... 1 149 056 francs en réparation du préjudice économique et professionnel qui en est résulté, il s'est déclaré compétent pour apprécier la demande en indemnisation d'une perte de chance de rester en bonne santé, il a dit que le comportement de l'employeur l'égard de Michel Y... est constitutif de harc lement moral et a condamné en conséquence la société Z... FRANCE lui payer 300 000 francs en réparation de la perte de chance de rester en bonne santé, il a

ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, il a condamné la société Z... FRANCE payer l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER 3 000 francs titre de dommages-intér ts, il a condamné la société Z... FRANCE payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

10 000 francs Michel Y..., 2 000 francs l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER.

La société Z... FRANCE a relevé appel de ce jugement le 11 décembre 2001.

Devant la cour d'appel de RIOM la société CARCOOP FRANCE a sollicité le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction sur le fondement de l'article 47 du nouveau code de procédure civile. L'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER a conclu dans le m me sens.

Par arr t du 5 février 2002 la cour d'appel de RIOM a renvoyé la connaissance de l'affaire la cour d'appel de LIMOGES.

Par écritures soutenues oralement l'audience la société Z... FRANCE demande la cour d'ordonner le dépôt au greffe des attestations ou lettres d'Anne-Marie E..., d'Alexis GALAND et de Jean-Luc G..., d'instruire l'incident de faux et de surseoir statuer jusqu' ce qu'il ait été statué sur l'action publique.

Elle expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions :

Certaines pi ces constituent des faux. Mahidi AISSOU a établi une attestation datée du 10 février 1995 en indiquant son adresse et un numéro de téléphone comprenant dix chiffres alors que la numérotation dix chiffres n'a été introduite en France qu' compter du 18 septembre 1996. Dans une lettre datée du 10 avril 1994 Anne-Marie E... relate des faits qui se seraient déroulés le 6 avril 1995.

Au surplus elle ne comporte pas l'adresse de son expéditeur ni celle

de son destinataire. Il s'agit d'une pi ce fabriquée pour accréditer l'idée d'un harc lement. De m me une lettre est prétendument adressée l'inspection du travail le 12 ao t 1992 pour relater des incidents qui se seraient produits les 25, 27 et 30 juillet 1992 et dont la réalité est formellement contestée par la personne mise en cause. Il est en outre invraisemblable que Michel Y..., qui était délégué syndical, n'ait pas signalé lui-m me les incidents et que l'inspection du travail n'ait pas diligenté une enqu te.

Une troisi me lettre non datée rel ve du m me stratag me consistant faire témoigner indirectement un tiers toujours pour démontrer un climat général de discrimination et de harc lement l'encontre des militants syndicaux. L'attestation d'Anne-Marie E... datée du 19 novembre 2000 est totalement dépourvue de précisions et relate des faits imaginaires. L'attestation de Jean-Luc H... relate des faits qui ont été expressément démentis par la personne mise en cause.

L'attestation d'Alexis GALAND d'apr s laquelle Michel Y... se serait vu proposer verbalement la possibilité de devenir chef de rayon s'il acceptait de laisser ses mandats syndicaux et ne se présentait pas aux élections professionnelles est invraisemblable car il ne pouvait pas prétendre au poste de chef de rayon.

Elle n'indique pas la date et les circonstances des faits ni l'auteur d'une telle proposition. Les pi ces sur lesquelles Michel Y... repose ses prétentions sont des faux manifeste et il y a lieu d'ordonner leur dépôt au greffe en original en vue de diligenter la procédure de faux incident. D'autre part, une plainte a été déposée aupr s du doyen des juges d'instruction pour faux et d'escroquerie au jugement et la consignation a été versée, de sorte que l'action publique a été mise en mouvement.

Il y a donc lieu d'ordonner le sursis statuer.

Par écritures soutenus oralement l'audience Michel Y... demande la cour de joindre l'incident et le fond et de débouter la société Z... FRANCE de son incident de faux et de sa demande de sursis statuer. titre subsidiaire, il demande que soient écartées des débats les pi ces qui pourraient poser la moindre difficulté de sorte qu'il ne soit pas sursis statuer sur l'appel.

Quant au fond il conclut aux fins suivantes :

1°) confirmer le jugement en ce qu'il a dit que Michel Y... a fait l'objet de discriminations liées son activité syndicale de la part de son employeur et que le comportement de celui-ci son égard est constitutif d'un harc lement moral et ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail, sauf reporter la date de la résiliation au jour du prononcé de l'arr t intervenir,

2°) réformer le jugement quant au quantum des condamnations et prononcer les condamnations suivantes : dommages-intér ts pour discrimination syndicale :

284 459,50 euros, dommages-intér ts pour préjudice moral et pour la perte de chance de rester en bonne santé, liés au harc lement moral :

152 449,02 euros, dommages-intér ts pour rupture du contrat de travail aux torts de l' employeur :

91 469,41 euros, indemnité de préavis :

4 286,93 euros, congés payés sur préavis :

428,69 euros, indemnité conventionnelle de licenciement :

7 716,36 euros, indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

15 000,00 euros.

Il expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions

La société Z... FRANCE soul ve presque systématiquement des incidents de procédure fondés sur des circonstances qu'elle connaît

pourtant depuis le début de l'instance. Alors que les derni res pi ces ont été communiquées le 15 avril 2002, la société Z... FRANCE communique trois jours ouvrables avant l'audience douze pages de conclusions par lesquelles elle communique sa plainte avec constitution de partie civile. Par une plainte pénale tardive elle bloque une fois encore le cours normal de la justice. Il est argué de faux des documents qui ne comportent que des erreurs matérielles.

Sur cent deux pi ces produites par Michel Y... neuf sont critiquées, lesquelles, part l'attestation GALAND ne sont pas essentielles ni nécessaires pour fonder les prétentions du salarié. Faire droit la demande de sursis reviendrait encourager un véritable déni de justice. titre subsidiaire la cour pourra écarter des débats les pi ces sur lesquelles porte la plainte.

Quant au fond les critiques formulées par la société Z... FRANCE contre le jugement et les pi ces produites par Michel Y... ne sont pas fondées. La résiliation du contrat de travail a bien été demandée en fin de procédure. Elle peut tre prononcée au profit 'un salarié protégé d s lors qu'il 'agit pour lui d'une question de vie ou de mort.

Michel Y... établit que sa carri re est restée au point mort, malgré son certificat d'aptitude professionnel initial et les nombreuses formatons qu'il a suivies. Tous ses coll gues qui étaient un poste équivalent au sien au moment de la reprise par CARREFOUR sont aujourd'hui au minimum classés au niveau 3B. La proposition du poste de chef de rayon a été faite au mois de mai ou de juin 1986. Le calcul du préjudice de carri re fait par le conseil de prud'hommes doit donc tre modifié et évalué 284 460 euros. Non seulement Michel Y... a vu sa carri re brisée mais il a fait l'objet d'incessantes brimades. L'employeur a fait en sorte de l'isoler de ses coll gues, qui étaient menacés de sanctions s'il entretenaient avec lui des

relations normales. La dégradation de son état de santé est la conséquence inéluctable de ces agissements. Il est demandé ce titre une somme de 150 000 euros. la suite de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail l'employeur a attendu plus d'un an pour formuler une proposition de reclassement apr s l'intervention de la médecine du travail. La société Z... FRANCE lui a ensuite proposé une affectation au poste essence, qui ne permettait aucun contact avec les coll gues. L'inaptitude ce poste a été médicalement constatée en raison des émanations de benz ne. L'employeur a attendu encore plusieurs semaines pour affecter Michel Y... au pesage des légumes alors que le médecin du travail préconisait un poste uniquement administratif. Le recours judiciaire, loin de protéger le salarié, n'a pas eu d'autre effet que de faire perdurer la guerre d'usure. Michel Y... a en conséquence demandé la résiliation du contrat de travail. Le préjudice consécutif a rupture peut tre évalué, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et de son âge 600 000 francs et l'indemnité de licenciement s'él ve 50 626 francs. Par écritures soutenues oralement l'audience l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER demande la cour de dire n'y avoir lieu surseoir statuer, de condamner la société Z... FRANCE lui payer 15 200 euros titre de dommages-intér ts et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de dire qu'aux frais de la société Z... FRANCE l'arr t intervenir sera publié dans son intégralité dans le journal LA MONTAGNE édition de l'Allier et placardé aux portes de l'entreprise pendant le délai d'un mois.

Elle expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions :

Le juge civil peut refuser de surseoir statuer lorsque la décision

intervenir sur l'action publique ne peut exercer d'influence sur le jugement qui sera rendu par le juge civil. De m me le juge peut statuer s'il estime que le principal peut tre jugé sans tenir compte de la pi ce arguée de faux. Quant au fond Michel Y... est un militant actif la C.G.T., o il exerce de nombreuses et importantes responsabilités. De ce fait il a vu sa carri re brisée et a fait l'objet d'une répression qui a affecté son état de santé. Cette situation justifie l'intervention de l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. en vertu de l'article L. 4121-11 du code du travail. La société Z... FRANCE est dans l'incapacité de démontrer que la disparité de situation constatée en défaveur de Michel Y... quant sa rémunération et sa carri re est justifiée par des éléments objectifs étrangers toute discrimination.

SUR QUOI, LA COUR A SUR L'INCIDENT :

Attendu que la société Z... FRANCE a déposé le 17 septembre 2002 une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de LIMOGES pour faux, usage de faux et tentatives d'escroquerie au jugement ;

Que, par ordonnance du 25 septembre 2002 le doyen des juges d'instruction a fixé 10 000 euros le montant de la consignation destinée garantir le paiement d'une amende civile ;

Que cette consignation a été versée le 1er octobre 2002 ;

Attendu, d'autre part, que la société Z... FRANCE demande l'application de l'article 299 du nouveau code de procédure civile pour des documents émanant d'Anne-Marie E..., de Jean-Luc H... et d'Alexis GALAND ;

Attendu que Michel Y... et l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER s'opposent tout sursis et demandent la cour de statuer au fond ;

Attendu qu' l'audience le conseil de la société Z... FRANCE ne

s'est expliqué que sur l'incident et s'est refusé toute explication sur le fond ;

Attendu que l'incident de faux soulevé par la société Z... FRANCE est inepte car elle ne prétend nullement que les documents litigieux n'émanent pas de leurs auteurs prétendus mais se borne faire valoir qu'ils sont antidatés ou comportent des allégations fausses ;

Mais attendu que tous ces documents sont visés par la plainte avec constitution de partie civile ;

Attendu que la dite plainte est fondée sur les pi ces suivantes :

lettre de Mahidi AISSOU, datée du 10 février 1995,

copie de lettre d'Anne-Marie E..., datée du 10 avril 1994,

copie de lettre d'Anne-Marie E..., datée du 12 ao t 1992,

copie de lettre d'Anne-Marie E..., non datée mais faisant état d'un incident qui se serait produit le 6 juin 1997,

attestation d'Anne-Marie E..., datée du 19 novembre 2000,

attestation de Jean-Luc H..., datée du 12 février 2001,

attestation d'Alexis GALAND, datée du 14 février 2001,

attestation d'Alexis GALAND, datée du 5 février 2002 ;

Attendu qu'il n'appartient pas la cour de se prononcer sur le bien-fondé des griefs articulés contre les documents précités mais il lui est loisible, comme cala lui est demandé titre subsidiaire, de les écarter des débats et de se prononcer au vu des autres pi ces produites par les intimés ;

Attendu qu'il n'apparaît nullement nécessaire de renvoyer l'affaire une audience ultérieure pour un débat sur le fond ;

Attendu, en effet, que, avant m me que la convocation l'audience de la cour soit adressée la société Z... FRANCE, son conseil a spontanément fait parvenir au greffe de la cour le 19 avril 2002 des conclusions longues et circonstanciées sur le fond, leur exposé

nécessitant trente et un pages dactylographiées, ainsi que la liste des pi ces produites au soutien de son appel qui représente dix neuf pages dactylographiées ;

Que, le conseil de la société Z... FRANCE ayant conclu plusieurs mois avant l'audience de façon exhaustive au soutien de son appel et les intimés lui ayant fait connaître avant l'audience qu'ils s'opposaient tout sursis, il était mis en meure de s'expliquer subsidiairement sur le fond l'audience ;

Attendu, au demeurant, qu'il n'a pas échappé la cour que, alors que les documents litigieux avaient tous été communiqués en premi re instance l'exception d'un seul, la société Z... FRANCE a attendu le 17 septembre 2002, soit moins d'un mois avant l'audience devant la cour, pour déposer plainte avec constitution de partie civile et le 2 octobre 2002, soit moins d'une semaine avant, pour notifier aux intimés des conclusions tendant au moins statuer ; B SUR LE FOND :

1) SUR LA DISCRIMINATION :

Attendu que le conseil de prud'hommes, au vu des pi ces qui lui ont été produites, a considéré que le passage du statut de réceptionnaire 1er échelon coefficient 155 celui d'employer de libre service coefficient 145 au mois d'avril 1986 n'apparaissait pas discriminatoire ;

Que les intimés ne fond valoir aucun moyen pour critiquer cette appréciation ;

Attendu qu'il résulte d'une lettre de l'appelante du 1er juin 1999 que Michel Y... était toujours au coefficient 145 et a été reclassé au niveau 1B ;

Qu'au vu du bilan social pour l'année 2000 établi pour l'établissement par l'appelante il apparaît qu'un seul des quarante trois salariés au niveau 1, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de Michel Y..., a une ancienneté de 20 25 ans, aucun une

ancienneté de 15 20 ans et cinq une ancienneté de 10 15 ans, et que tous les autres salariés ayant également une ancienneté de 20 25 ans sont classés dans les niveaux 2 6 ;

Que Viviane K..., qui indique tre entrée dans l'entreprise le 18 juillet 1978, soit la m me époque que Michel Y..., atteste que ce dernier n'a pas fait de remarques sur son travail et qu'il "était le seul de nous tous ne pas avoir la qualité de gestionnaire de stock malgré ses compétences professionnelles" ;

Attendu que cette situation n'a pas échappé l'inspecteur du travail qui, par un courrier du 30 octobre 2000, adressé au directeur de l' établissement, indique avoir constaté l'absence d'évolution de carri re depuis l'embauche de Michel Y... et l'évolution de la carri re des salariés de la m me catégorie et de la m me ancienneté, rappelle qu'il incombe l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers toute discrimination et invite le directeur lui faire connaître sous quinzaine les conclusions de cette analyse ;

Que, par un courrier du 28 novembre 2000, l'inspecteur du travail rend compte Michel Y... de la réponse que lui a faite le directeur le 13 novembre ;

Qu'il indique qu'on n'a pu lui citer que cinq coll gues n'ayant pas évolué dans leur qualification professionnelle mais que quatre d'entre eux ont le niveau II, que le salarié du niveau I a 12 ans d'ancienneté et qu'il n'existe pas de procédure formalisée pour exprimer les désirs d'évolution ;

Qu'il rappelle qu'il appartient au directeur de démontrer par des éléments objectifs que la disparité est justifiée par le manque de compétence et de professionnalisme et est étrang re toute discrimination et que cela n'apparaît pas dans sa réponse ;

Attendu qu'en l'absence d'éléments objectifs pour justifier la disparité constatée, la discrimination est établie ;

Attendu que Michel Y... a fondé sa demande d'indemnisation sur les seules attestations d'Alexis GALAND ;

Que celles-ci étant écartées des débats dans l'attente d'une décision définitive sur l'action publique, il y a lieu d'allouer en l'état de la procédure une provision, qui peut tre fixée 15 000 euros ;

2) SUR LE HARC LEMENT :

Attendu que ce chef de demande soul ve deux difficultés :

l'importance du harc lement et le préjudice qui en résulte ne peuvent s'apprécier qu'en fonction de l'ensemble des faits qui sont allégués et non de certains d'entre eux alors que pour l'établir Michel Y... produit des pi ces que la cour a écartées des débats en l'état actuel de la procédure, de sorte qu'elle ne peut pas connaître ce jour de l'ensemble des faits allégués,

il est demandé une indemnité unique pour le harc lement au soutien de laquelle il est allégué un préjudice moral et la dégradation de l'état de santé, alors que ce second chef de préjudice ne peut tre indemnisé que dans les conditions prévues par les articles L. 431-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

Attendu, dans ces conditions, qu'il y a lieu de surseoir statuer jusqu' ce qu'une décision définitive soit intervenue sur l'action publique et d'inviter Michel Y... conclure sur l'indemnisation de son préjudice moral ;

Que, si le harc lement moral est établi, il appartiendra Michel Y... de saisir, s'il y a lieu, le tribunal des affaires de sécurité sociale pour voir statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel qui en résulterait éventuellement ;

3) SUR LA RÉSILIATION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Attendu que Michel Y... n'est plus délégué syndical mais est

toujours membre du comité d'entreprise ;

Que, si aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail le licenciement d'un membre du comité d'entreprise ne peut intervenir qu'apr s avoir été soumis pour avis au comité d'entreprise et autorisé par l'inspection du travail, cette r gle, qui est pénalement sanctionnée est d'interprétation stricte ne saurait avoir pour effet de limiter le droit, dont il dispose, comme tout autre salarié, de demander en justice la résiliation du contrat de travail d s lors que celui-ci ne peut plus tre poursuivi en raison d'un manquement persistant de l'employeur ses obligations ;

Attendu qu'en l'état actuel de la procédure la demande de résiliation est motivée notamment par le manquement de l'employeur son obligation de reclassement ;

Attendu que la COTOREP a, par délibération du 8 novembre 1999, reconnu Michel Y... un taux d'incapacité de 80 % ;

Attendu que le médecin du travail a délivré le 15 mai 2001 l'avis suivant :

"Inapte équipier de vente (inapte port de charge et manutention mise en rayon). Apte exclusivement poste de type administratif sans port de charge ni manutention poste assis (bureau-standard)" ;

Attendu que, par lettre remise en main propre le 18 mai 2001 la société Z... FRANCE a indiqué Michel Y... qu'elle allait rechercher des possibilités internes de reclassement ou d'aménagement de poste et qu'elle le dispensait de travail du 18 mai au 16 juin 2001 ;

Que, par un courrier remis en main propre le 18 juin 2001, elle lui a notifié la prorogation de cette dispense jusqu'au 23 juin ;

Que, par un courrier du 21 juin 2001, elle lui a proposé un poste d'assistant de caisse la station d'essence ;

Que le médecin du travail a émis le 31 ao t 2001 un nouvel avis

libellé comme suit :

"Inapte au poste essence mais apte un poste de type administratif exclusivement sans port de charge ni manutention. Poste assis (bureau, standard ou équivalent)" ;

Que, par courrier du 11 octobre 2001, la société Z... FRANCE a proposé Michel Y... un poste d'assistant de vente au rayon fruits et légumes avec les fonctions d'accueillir, renseigner et orienter les clients, peser les fruits et légumes, conseiller les clients ;

Attendu que deux fois de suite l'employeur a attendu plus d'un mois apr s avoir reçu l'avis du médecin du travail pour proposer son salarié un poste non conforme l'avis du médecin du travail qui préconisait un poste exclusivement administratif sans port de charge ni manutention, étant rappelé que l'établissement comptait en 2000 deux cent soixante deux salariés, ainsi que cela ressort du document intitulé "Bilan social", et qu'il est constant que la société Z... FRANCE comporte plusieurs établissements ;

Que Michel Y... est fondé considérer que le manquement persistant de son employeur son obligation de reclassement ne permet plus la poursuite du contrat de travail et en demander la résiliation ses torts ;

Attendu que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (en ce sens Soc. 20 janvier 1998 D 1998 J 350 note RADE) ;

Que Michel Y... peut ainsi prétendre l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité prévue par l'article L. 122-14-4 alinéa 1 du code du travail ;

Attendu que l'indemnité compensatrice de préavis, dont Michel Y... rappelle en page 22 de ses écritures, qu'elle est égale deux mois de salaire, s'él ve 14 060 francs, soit 2 143,43 euros ;

Qu'il y a lieu d'y ajouter les congés payés correspondants, soit 214,34 euros ;

Qu'il est réclamé 7 716,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement, ce qui ne donne pas lieu contestation ;

Que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit tre fixée en tenant compte de l'importante ancienneté dans l'entreprise, du niveau de la rémunération et de la circonstance que Michel Y... s'est vu reconnaître par la COTOREP un taux d'incapacité partielle de 80 %, ce qui constitue un lourd handicap pour la recherche d'un nouvel emploi, soit 45 000 euros ;

4) SUR L'ACTION DE L'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. DE L'ALLIER :

Attendu que, dans la mesure o il n'a pas été statué sur l'ensemble du litige il ne peut pas tre fait droit en l'état la demande de l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER ;

5) SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES :

Attendu qu'il y a lieu de condamner la société Z... FRANCE aux dépens et aux frais irrépétibles supportés par Michel Y... jusqu'au présent arr t et de réserver les autres dépens et les dépens ultérieurs ;

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, apr s en avoir délibéré conformément la loi ;

- Écarte des débats les pi ces suivantes produites par Michel Y... : lettre de Mahidi AISSOU, datée du 10 février 1995, copie de lettre d'Anne-Marie E..., datée du 10 avril 1994, copie de lettre d'Anne-Marie E..., datée du 12 ao t 1992, copie de lettre d'Anne-Marie E..., non datée mais faisant état d'un incident qui se serait produit le 6 juin 1997, attestation d'Anne-Marie E..., datée du 19 novembre 2000 ; attestation de Jean-Luc G..., datée du 12

février 2001, attestation d'Alexis GALAND, datée du 14 février 2001, attestation d'Alexis GALAND, datée du 5 février 2002 ;

- Dit n'y avoir lieu un incident de faux ;

- Dit n'y avoir lieu surseoir statuer sur les demandes tendant voir constater une discrimination l'encontre de Michel Y... et prononcer la résiliation du contrat de travail ;

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de MOULINS en date du 27 novembre 2001 en ce qu'il a : ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de Michel Y..., débouté Michel Y... de sa demande de remboursement de frais de transports, condamné la société Z... FRANCE aux dépens et aux frais irrépétibles supportés2001 en ce qu'il a : ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de Michel Y..., débouté Michel Y... de sa demande de remboursement de frais de transports, condamné la société Z... FRANCE aux dépens et aux frais irrépétibles supportés par Michel Y... ;

- Réforme le dit jugement pour le surplus de ses dispositions ;

- Statuant nouveau,

- Dit que Michel Y... a fait l'objet d'une discrimination de la part de son employeur ;

- Sursoit statuer sur l'indemnisation du préjudice causé par cette discrimination jusqu' ce qu'il ait été donné une suite définitive la plainte avec constitution de partie civile de la société Z... FRANCE ;

- Condamne la société Z... FRANCE payer Michel Y... une provision de quinze mille euros (15 000 euros) valoir sur l'indemnisation de ce préjudice ;

- Condamne la société Z... FRANCE payer Michel Y... les sommes suivantes la suite de la résiliation judiciaire de son contrat de

travail : indemnité compensatrice de préavis : deux mille cent quarante trois euros quarante trois centimes (2 143,43 euros), congés payés correspondants : deux cent quatorze euros trente quatre centimes (214,34 euros), indemnité conventionnelle de licenciement :

sept mille sept cent seize euros trente six centimes (7 716,36 euros), indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

quarante cinq mille euros (45 000 euros) ;

- Sursoit statuer sur la demande pour harc lement moral jusqu' ce qu'il ait été donné une suite définitive la plainte avec constitution de partie civile de la société Z... FRANCE ;

- Dit que Michel Y... devra conclure sur l'existence et le quantum du préjudice moral consécutif au harc lement moral qu'il all gue et saisira, s'il y a lieu, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Allier pour voir statuer sur l'existence et le quantum d'un préjudice corporel ;

- Sursoit statuer sur l'intervention de l'UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS C.G.T. de l'ALLIER jusqu' ce que la cour se soit prononcée sur l'ensemble des demandes présentées par Michel Y... ;

- Condamne la société Z... FRANCE payer Michel Y... deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- Prononce la radiation ;

- Dit que pour la poursuite de l'instance la cour sera saisie nouveau la requ te de la partie la plus diligente l'expiration du sursis ;

- Condamne la société Z... FRANCE aux dépens d'appel supportés jusqu' ce jour par Michel Y... ;

- Réserve les dépens ultérieurs ;

Cet arr t a été prononcé l'audience publique de la chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES en date du vingt six novembre deux mille deux par Monsieur le président Jacques LEFLAIVE. Le greffier,

Le président, Geneviève X....

Jacques LEFLAIVE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2002/241
Date de la décision : 26/11/2002
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Rupture

Si, aux termes de l'article L436-1 du Code du Travail, le licenciement d'un membre du comité d'entreprise ne peut intervenir qu'après avoir été soumis pour avis au comité d'entreprise et autorisé par l'inspection du travail, cette règle, qui est pénalement sanctionnée et d'interprétation stricte, ne saurait avoir pour effet de limiter le droit dont il dispose, comme tout autre salarié, de demander en justice la résiliation du contrat de travail dès lors que celui-ci ne peut être poursuivi en raison d'un manquement persistant de l'employeur à ses obligations


Références :

L.436-1 Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2002-11-26;2002.241 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award