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17/11/2011 | FRANCE | N°11/00231

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 17 novembre 2011, 11/00231


No 676

RG 231/ CIV/ 11

Copie exécutoire délivrée à Me Lollichon-Barle
le 07. 12. 2011.

Copies authentiques délivrées à Me Tulasne
et Quinquis
le 07. 12. 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 17 novembre 2011

Madame Roselyne LASSUS-IGNACIO, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur

Lorenzo X..., né le 17 octobre 1962 à Papeete, de nationalité française, danseur, demeurant à ...;

Appelant par requête en date du 3 mai 2...

No 676

RG 231/ CIV/ 11

Copie exécutoire délivrée à Me Lollichon-Barle
le 07. 12. 2011.

Copies authentiques délivrées à Me Tulasne
et Quinquis
le 07. 12. 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 17 novembre 2011

Madame Roselyne LASSUS-IGNACIO, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur Lorenzo X..., né le 17 octobre 1962 à Papeete, de nationalité française, danseur, demeurant à ...;

Appelant par requête en date du 3 mai 2011, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 5 mai 2011, sous le numéro de rôle 11/ 00231, ensuite d'un jugement no 08/ 00916 rendu par le Tribunal Civil de première instance de Papeete le 28 mars 2011 ;

Représenté par Me Jean-Claude LOLLICHON-BARLE, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et :

- Monsieur Tepau Yves Y... dit " Yvon ", né le 11 avril 1941 à Papeete, de nationalité française, demeurant à ...;
Représenté par Me Gérald TULASNE, avocat au barreau de Papeete ;

- Monsieur Enoch A..., né le 2 janvier 1933 à Papeete, de nationalité française, demeurant à ...;
- Madame Nicole Germaine A..., de nationalité française, demeurant à ...;
Représentés par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

- La Banque de Polynésie, dont le siège social est sis boulevard Pomare à Papeete ;
Représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

- La Banque Socrédo, dont le siège social est sis rue Dumont d'Urville à Papeete ;
Concluante ;

Intimés ;

d'autre part ;

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 20 octobre 2011, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme LASSUS-IGNACIO et Mme PINET-URIOT, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

Les faits et la procédure :

Lorenzo X...a été adopté légalement par feu Léon X...qui avait également une fille légitime, Lolita X..., épouse de Philippe A....

Lolita X...est décédée le 1er juillet 1998.

Elle avait institué son mari légataire universel de ses biens par deux testaments.

Ces testaments étant contestés par Lorenzo X..., qui a fait placer sa succession sous séquestre par ordonnance du 6 novembre 1998 et a fait pratiquer diverses mesures conservatoires sur les comptes de Philippe A... de son vivant.

Par jugement du 29 mai 2000, le Tribunal, saisi d'une demande de Lorenzo X...formée contre Philippe A..., a annulé les testaments établis par Lolita X...et a dit que Lorenzo X...était le seul héritier de ses biens.

Philippe A... a interjeté appel de ce jugement, mais il est décédé en cours d'instance le 15 novembre 2001.

Il a laissé pour lui succéder les consorts A...-Y...:
- son frère Enoch A...,
- son demi frère D...dit Yvon Y....

Lorenzo X...a obtenu la mise sous séquestre de la succession de Philippe A... et a fait procéder à des saisies conservatoires sur les comptes de Enoch et Nicole A... et de D...Yves dit Yvon Y....

Le 15 juillet 2003 Lorenzo X..., Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... ont conclu une transaction afin de mettre fin à l'instance en cours et régler entre eux les successions réunies de Lolita X...et de Philippe A..., selon les conventions suivantes (résumées ici) :
- mainlevée des premières saisies,
- répartition des immeubles, meubles, bijoux (non discutée),

- après déduction des legs particuliers figurant dans le testament de Philippe A..., répartition " des liquidités ou valeurs mobilières déterminées par les montants des comptes existants à la date du décès de Philippe A... " à raison de deux tiers pour les consorts A... et un tiers pour Lorenzo X....

Charles E... avait été choisi pour procéder aux opérations visées par la convention, et notamment, chiffrer les liquidités et les valeurs, les recouvrer et les répartir.

Les parties se désistaient de toute action judiciaire, s'engageaient à exécuter de bonne foi la convention, à prêter leur concours aux opérations de tous ordres.

Le compte rendu de mission de Charles E... a été remis aux parties le 8 février 2005.

Le montant des sommes inscrites aux comptes de Philippe A... la date de son décès fait litige en raison :
- du fait que Lolita et Philippe A... avaient gagné 324 millions de FCFP au loto le 6 septembre 1996 dont Lorenzo X...estime avoir été lésé ;
- de la découverte, par Lorenzo X..., après la signature de la convention, de l'existence de comptes bancaires en NOUVELLE ZELANDE, et de la révélation par la ANZ Bank de donations importantes faites par Philippe A... à ses frères et de sommes prélevées par les consorts A...-Y...après le décès de Philippe A... :
* le 9 octobre 2001, Philippe A... avait fait virer, de son vivant, 550 000 NZ $ au profit de chacune des personnes suivantes : ...Y... Yves dit Yvon Y..., Enoch A..., HT Y... et SH Y... (il s'agirait de deux nièces de Philippe A...).
* le 6 décembre 2001, Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... ont perçu chacun de la banque de NOUVELLE ZELANDE 487 233. 69 NZ $, après le décès de leur frère Philippe A... en produisant un document aux termes duquel ils étaient les seuls héritiers de leur frère.

Les 28 août, 9 et 11 septembre 2008 Lorenzo X...a été autorisé à pratiquer des saisies conservatoires au préjudice de Enoch A... en garantie d'une créance estimée à 12 millions de FCFP et au préjudice de D...dit Yvon Y... à hauteur de 64 millions.

Par décision du 1er décembre 2008, confirmée par la cour le 9 juillet 2009, le juge des référés a rejeté la demande de mainlevée formée par Enoch A....

La procédure actuelle :

Lorenzo X...a assigné devant le Tribunal Enoch A... et son épouse Nicole A... ainsi que D...Yves dit Yvon Y..., ainsi que les banques détentrices des fonds saisis conservatoirement.

Il demandait au Tribunal de condamner in solidum les consorts A...-Y...à lui payer 240 millions, et de valider les saisies.

Il exposait que sa s œ ur avait gagné 324 millions en 2008 et que les fonds avaient été versés par Philippe A... sur un compte en NOUVELLE ZELANDE, et encaissés ensuite par Enoch A... et D...dit Yvon Y..., se faisant passer pour des représentants de la succession, en omettant d'aviser Charles E... de l'existence de ces transactions.

Il estimait qu'en dissimulant la situation, les consorts A...-Y...avaient violé la convention conclue entre eux, afin de le spolier de ses droits de un tiers de ce gain.

Lorenzo X...estime que les consorts A...-Y...auraient perçu 2 110 162 NZ $ soit, en fonction du change en vigueur au moment de l'assignation introductive d'instance, une somme de 115 387 978 FCFP.

Son action était fondée tant sur l'inexécution de bonne foi des conventions que sur l'article 792 du code civil sur le recel successoral.

Enoch et Nicole A... ont constitué avocat mais seul Enoch A... a conclu, pour s'opposer à la demande, au motif que seuls les fonds se trouvant sur les comptes de Philippe A... à son décès avaient vocation à être partagés.

D...Yves dit Yvon Y..., bien qu'ayant été personnellement touché par l'assignation introductive d'instance, n'a pas comparu.

Par jugement du 28 mars 2011, le Tribunal de première instance de Papeete :
- a mis hors de cause Nicole A... contre laquelle aucune demande n'était formulée ;
- a rappelé qu'aux termes de la convention seules les sommes inscrites sur les comptes de Philippe A... au jour de son décès devaient être prises en considération ;
- en a déduit que les sommes versées par lui, de son vivant, à diverses personnes, étaient exclues de la convention ;
- a jugé que les sommes figurant au crédit des comptes au décès de Philippe A... (487233 NZ $ soit 9 964 844 FCFP) devaient être partagées ;
- a rappelé que pour percevoir des sommes les consorts A...-Y...se sont présentés à la banque de Nouvelle Zélande comme bénéficiaires de la succession ;
- a jugé que Lorenzo X..., qui n'est pas héritier de Philippe A..., ne pouvait invoquer le recel successoral de l'article 792 du code civil ;
- a jugé Lorenzo X...ne pouvait de toutes façons invoquer le recel, faute de prouver que les sommes découvertes en NOUVELLE ZELANDE provenaient bien des gains au loto de Lolita X..., ni que ces fonds étaient entrés dans la communauté ayant existé entre elle et son mari, cette question n'ayant jamais été tranchée par suite du désistement d'instance ;
- a jugé, au visa de l'article 1134 du code civil, que les consorts A...-Y...avaient manqué aux obligations nées de la convention et avaient commis une faute ;
- a fait application des articles 1142 et 1149 du code civil et a condamné Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... à payer à Lorenzo X...le tiers des sommes encaissées par eux, évaluées à 9 964 844 FCFP, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, sans qu'il y ait lieu à anatocisme ;
- a rejeté la demande de condamnation in solidum des consorts A...-Y...;
- a rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur le caractère désavantageux de la convention, faute pour Lorenzo X...de rapporter la preuve qu'en l'absence de transaction ses droits auraient été plus importants ;
- a validé les saisies ;
- a condamné Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... à payer à Lorenzo X...100 000 FCFP pour frais et honoraires non compris dans les dépens, ainsi que les dépens.

Lorenzo X...a relevé appel de ce jugement.

Les moyens des parties devant la Cour :

Lorenzo X...indique que la présence de Nicole A... dans la procédure était normale, celle-ci étant co détentrice des comptes saisis, avec son mari Enoch A..., de sorte qu'elle n'aurait pas dû être mise hors de cause.

Lorenzo X...reproche aux consorts A...-Y...de lui avoir dissimulé les sommes qui leur avaient été remises de son vivant par Philippe A... et l'existence des comptes en Nouvelle Zélande.

Selon lui Philippe A... et ses héritiers se sont rendus coupables, de recel de communauté et successoral de sorte que les consorts A...-Y...doivent être privés de tout droit sur l'objet recelé, soit selon lui :
- les sommes dont Philippe A... a disposé sur le compte en Nouvelle Zélande, de son vivant ainsi que les sommes perçues par ses héritiers après son décès, soit au total 3 174 466 $ NZ ou 175 420 991 FCFP selon le taux de change au 9 octobre 2001 ;
- les intérêts de cette somme depuis le 9 octobre 2001, évalués à 17 310 882 FCFP arrêtés à fin avril 2011 ;
soit la somme totale de 240 000 000 FCFP.

Il sollicite que soit ordonné l'anatocisme sur les intérêts exigibles à compter de la demande en justice, soit le 4 novembre 2008, pour compenser la privation des fonds dont il a été victime.

Il fait valoir aussi que s'il avait connu l'intégralité des avoirs de sa s œ ur, il n'aurait pas signé une convention qui lui a fait perdre une partie de ce à quoi il aurait eu droit normalement, en tant qu'unique héritier de Lolita X..., et estime qu'il a été victime de man œ uvres dolosives des consorts A...-Y..., qui ont sciemment dissimulé l'existence du compte en Nouvelle Zélande, et entravé la mission du liquidateur séquestre.

Il estime avoir perdu 73 millions de FCFP et en déduit que les fautes des consorts A...-Y...justifient qu'ils soient condamnés solidairement à lui payer le montant de son préjudice, soit 240 millions toutes causes de préjudices confondues ou subsidiairement 222 731 873 FCFP avec intérêts et anatocisme.

Il demande à la cour de prononcer cette condamnation, de valider les saisies, et de condamner les consorts A...-Y...à lui payer 1 500 000 FCFP pour frais et honoraires non compris dans les dépens.

Enoch A... soutient, comme l'a dit le premier juge, que les fonds reçus du vivant de Philippe A... sont exclus de la convention.

Il rappelle que les parties sont convenues de traiter les deux successions comme si elles n'en formaient qu'une seule de sorte que les règles successorales n'ont pas vocation à s'appliquer.

Enoch A... n'ayant aucun droit sur la succession de Lolita X...et Lorenzo X...n'ayant aucun droit sur celle de Philippe A..., les règles sur le recel successoral ne peuvent être invoquées que par un héritier, de sorte que la demande fondée sur le recel n'est pas fondée.

Il rappelle qu'aux termes de la convention seules les sommes inscrites sur les comptes de Philippe A... à son décès doivent être partagées, Lorenzo X...ne pouvant se fonder sur un prétendu recel de la communauté A..., celle-ci n'ayant jamais été liquidée, du fait de la convention.

De plus, seul un héritier pouvant être l'auteur d'un recel, Lorenzo X...n'est pas fondé à invoquer le recel, les intimés n'étant pas héritiers de Lolita X....

Tout en reconnaissant une faute dans l'exécution du contrat, tempérée par la carence de Charles E... qui n'a jamais interrogé les parties, il conteste tout comportement dolosif lors de la signature de la convention, et invoque la prescription de l'article 1304 du code civil.

Enoch A... demande donc à la cour de dire que les actions fondées sur le recel sont irrecevables, de juger prescrite et en tout cas infondée l'action en dommages et intérêts pour man œ uvres dolosives.

Il demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Lorenzo X...à lui payer 500 000 FCFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.

D...Yves dit Yvon Y... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner Lorenzo X...à lui payer 220 000 FCFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.

Il fait valoir que c'est à tort qu'il a été considéré comme défaillant en première instance et estime n'avoir pas été valablement assigné.

Il fait plaider que le billet de LOTO aurait été payé par Philippe A... et le gain encaissé par Lolita X..., mais que celle-ci ne travaillant pas, et les époux étant mariés sous le régime de la communauté, le gain est un bien commun sur lesquels Lorenzo X..., s'il avait hérité de sa s œ ur, n'aurait pu prétendre percevoir que la moitié, alors qu'il a reçu des biens immeubles sur lesquels ils n'avait normalement aucun droit, de sorte qu'il n'a nullement été lésé.

Il maintient qu'il n'a commis aucune faute ni dissimulation, Charles E... ne l'ayant jamais questionné sur les biens de son frère Philippe A....

Il conteste en conséquence la condamnation fixée par le Tribunal (9 964 844 FCFP) même à titre de dommages et intérêts.

Pour le surplus, il s'associe aux moyens de droit soulevés par Enoch A....

Motifs de la décision :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée.

Sur la défaillance de D...Yves dit Yvon Y... en première instance :

D...Yves dit Yvon Y... est mal fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été valablement assigné devant le Tribunal de première instance, alors que l'assignation lui avait été remise personnellement.

Sur le lien de famille erroné figurant au jugement :

D...Yves dit Yvon Y... reproche à Lorenzo X...comme au premier juge d'avoir considéré que lui et Enoch A... étaient les neveux de Philippe A... alors qu'ils étaient frères.

Outre que cela n'a aucune incidence sur la solution du litige, il convient de relever que l'erreur provient des conclusions prises en première instance par Enoch A... lui-même.

Sur les faits de recel de communauté et de succession :

Il n'importe que le gain au loto ne puisse être identifié sur les comptes.

En effet, on ignore qui a acheté le billet et il n'existe aucune preuve que c'est Lolita X...qui l'a encaissé, mais quoi qu'il en soit il est entré dans la communauté existant entre elle et son mari, et les époux ont pu en faire l'usage de leur choix pendant les deux ans écoulés entre le gain et le décès de Lolita X..., y compris le donner, le dépenser ou même le dilapider à leur guise sans que quiconque puisse le leur reprocher.

Lorenzo X...n'est donc pas fondé à réclamer une part de ce gain au seul motif qu'il est le seul héritier de Lolita X....

En acceptant de conclure une convention permettant de régler les deux successions de Lolita X...et de Philippe A... comme une seule succession, les parties ont renoncé à se prévaloir des irrégularités éventuelles commises par les héritiers.

Lorenzo X...ne peut donc pas se prévaloir du recel de communauté qui aurait été commis par Philippe A... ni du recel relatif à la succession de leur frère reproché aux consorts A...- Y...sans demander la nullité de la convention, ce qu'il ne fait pas, de sorte que la convention doit être appliquée et Lorenzo X...ne peut percevoir que le tiers des fonds déposés en banque et existant à la date du décès de Philippe A... en exécution de la convention.

Sur la prescription de l'action de Lorenzo X...relative à la mise en œ uvre de la convention :

Contrairement à ce que font plaider les intimés l'action en nullité ou en rescision de la transaction n'est pas prescrite, puisque selon l'article 1304 du code civil la prescription court à compter de la découverte du vice, soit en l'espèce à la date de la découverte des comptes bancaires en Nouvelle Zélande soit le 25 avril 2005 alors que la présente procédure a été introduite le 27 octobre 2008 soit moins de cinq ans après.

Sur le bien fondé de l'action pour dol ou erreur :

En application de l'article 2053 du code civil une transaction peut être rescindée en cas de dol ou d'erreur sur l'objet de la transaction.

Or Lorenzo X...ne rapporte pas la preuve du dol qu'il invoque, les man œ uvres des consorts A...-Y...n'étant pas établies, à la date de la signature de la convention.

Certes les consorts A...-Y...savaient qu'ils avaient perçu des fonds du vivant de Philippe A... et aussi juste après son décès, ce qu'ils n'ont pas fait savoir à Lorenzo X....

Mais cette dissimulation ne peut être considérée comme dolosive que si elle avait pour but d'obtenir la signature de Lorenzo X...afin de le léser ce qui n'est pas démontré.

Au contraire, les consorts A...-Y...affirment qu'en exécution de la transaction Lorenzo X...a obtenu plus que ce qu'il aurait reçu comme héritier de sa s œ ur, et notamment des immeubles et des liquidités, ce qu'il ne conteste pas.

De plus Lorenzo X...ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il n'aurait pas signé la transaction s'il avait connu les montants donnés par Philippe A... de son vivant et les sommes perçues par les consorts A...-Y...après le décès de leur frère.

Philippe A... pouvait disposer de son vivant ses fonds personnels, sans léser personne puisqu'il n'avait pas d'héritier réservataire, Lorenzo X...n'étant, selon les affirmations de D...Yves dit Yvon Y..., que son fils adoptif " faa'amu ".

Enfin, en l'absence de transaction, la procédure d'annulation des testaments de Lolita X...aurait pu se poursuivre et rien ne permet de dire que la cour n'aurait pas réformé le jugement qui avait annulé les testaments de Lolita X..., le privant ainsi de tout droit.

Du fait de cet aléa, il n'est nullement démontré que la transaction a lésé Lorenzo X...ou que son consentement a été surpris.

L'action de Lorenzo X...quant au dol est donc infondée.

Sur l'exécution de bonne foi de la transaction :

Les parties étaient engagées contractuellement à exécuter de bonne foi la transaction, ce qui n'est que la traduction de l'article 1134 du code civil.

La cour observe que lorsqu'ils se sont présentés à la banque de Nouvelle Zélande pour percevoir les fonds ayant appartenu à Philippe A..., en décembre 2001, ils se sont déclarés de bonne foi, et de façon légitime, comme ses héritiers ; ils disposaient d'ailleurs pour cela d'un acte de notoriété établi le 10 décembre 2001, soit plus de 18 mois avant la signature de la transaction.

Lorenzo X...ne peut donc pas sérieusement soutenir que les consorts A...-Y...se sont faussement prévalus de la qualité d'héritiers.

En revanche, les consorts A...-Y...ne peuvent pas sérieusement prétendre que c'est en toute bonne foi que lors de l'exécution de la transaction ils ont omis d'aviser Charles E... de l'existence du compte en Nouvelle Zélande existant à la date du décès de Philippe A... et ne sauraient se retrancher derrière les négligences de l'administrateur.

Lorenzo X...est donc fondé à réclamer ce qui lui revenait de plein droit, à titre de dommages et intérêts, c'est-à-dire le tiers des sommes figurant au compte, ainsi que l'a justement dit le premier juge.

Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... sont tenus de payer le tiers des sommes perçues au décès de Philippe A....

Ils sont tous deux coauteurs de la faute commise au préjudice de Lorenzo X...et donc tenus in solidum de le réparer.

Lorenzo X...ne donne aucun élément pour évaluer son préjudice en dehors des sommes perdue, et du retard de paiement, qui sera réparé par les intérêts au taux légal.

Sur les sommes figurant sur les comptes de Philippe A... à son décès le 15 novembre 2001 :

S'agissant des comptes détenus en POLYNESIE, il n'existe aucune discussion entre les parties.

Il résulte du courrier de la ANZ Bank de février 2008 que Philippe A..., après diverses donations faites de son vivant et par lui-même, disposait au crédit de ses comptes au moment de son décès le 15 novembre 2001 :
-803 189. 28 NZ $ sur le compte de dépôt à terme,
-170 979. 70 NZ $ sur un compte " grand épargnant " (soit 210 163 $ dont Philippe A... avait retiré par deux fois 20 000 NZ $ en octobre 2001),
total 974 168. 98 NZ $.

Pour des raisons inconnues c'est la somme globale de 974 466 NZ $, que se sont partagée les consorts A...-Y....

Compte tenu du taux de change de 55. 26 applicable en 2001, cela équivaut à 53 848 991 FCFP dont un tiers, soit 17 949 663 FCFP reviennent à Lorenzo X...outre les intérêts au taux légal depuis le jour du décès de Philippe A... 15 novembre 2001.

Le jugement est réformé, la cour ne pouvant aboutir à la même somme que le premier juge et ne trouvant aucun élément dans le jugement pour vérifier ce chiffre.

Compte tenu du fait que les fonds ont été dissimulés à Lorenzo X...pendant dix ans, il convient de faire application de l'article 1154 du code civil et d'ordonner l'anatocisme pour les intérêts dus par années entières.

Sur la validité des saisies :

Il convient de valider les saisies conservatoires opérées sur les comptes de Enoch et Nicole A... et de D...Yves dit Yvon Y... à concurrence des sommes ci-dessus.

Sur les frais et honoraires :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Lorenzo X...la totalité des frais et honoraires qu'il a exposés en première instance et en appel et Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... doivent lui payer, in solidum, 330 000 FCFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.

Les dépens sont à la charge de Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y....

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Réformant partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause Nicole A... ;

Rejette les demandes de Lorenzo X...fondées sur le recel de communauté et le recel successoral ;

Constate l'exécution fautive de Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... de la transaction du 15 juillet 2003 ;

Condamne Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y..., in solidum, à payer à Lorenzo X...DIX SEPT MILLIONS NEUF CENT QUARANTE NEUF MILLE SIX CENT SOIXANTE TROIS (17 949 663) FRANCS PACIFIQUE outre les intérêts au taux légal capitalisés par année entière, depuis le 15 novembre 2001 ;

Valide les saisies conservatoires des 11 septembre 2008 entre les mains de la Banque de Polynésie sur les comptes 06737044106. 0201265 pour QUATRE CENT QUATRE VINGT MILLE HUIT CENT TRENTE HUIT (480 838) FRANCS PACIFIQUE et sur le compte 06737044106. 0301078 pour QUATRE MILLIONS CENT VINGT QUATRE MILLE HUIT CENT SOIXANTE TROIS (4 124 863) FRANCS PACIFIQUE ;

Valide la saisie conservatoire pratiquée le 11 septembre 2008 sur le compte de Enoch A... à la Banque SOCREDO pour SEPT CENT QUARANTE SEPT MILLE NEUF CENT SOIXANTE SEPT (747 967) FRANCS PACIFIQUE ;

Valide la saisie conservatoire pratiquée le 9 septembre 2008 sur le compte ouvert par D...Yves dit Yvon Y... à la Banque Socrédo, pour QUATRE VINGT MILLE CENT TRENTE SEPT (80 137) FRANCS PACIFIQUE ;

Dit que les banques devront verser à Lorenzo X...les fonds qu'elles détiennent, sous réserve des opérations en cours à la date des saisies ;

Condamne in solidum Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... à payer à Lorenzo X...TROIS CENT TRENTE MILLE (330 000) FRANCS PACIFIQUE sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Condamne Enoch A... et D...Yves dit Yvon Y... aux dépens, dont distraction au profit de Maîtres Jean Claude et Anne Sophie LOLLICHON-BARLE ;

Rejette toute autre demande.

Prononcé à Papeete, le 17 novembre 2011.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : G. THIBAULT-LAURENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 11/00231
Date de la décision : 17/11/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2011-11-17;11.00231 ?
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