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05/09/2014 | FRANCE | N°13/03711

France | France, Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 05 septembre 2014, 13/03711


No du 5 SEPTEMBRE 2014 9ème CHAMBRE RG : 13/ 03711 X... David Y... Rachid

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

OL Arrêt prononcé publiquement le CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE, par Monsieur LARMANJAT, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : voir dispositif Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Versailles- 5ème chambre, du 23 septembre 2013. POURVOI :

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers

: Monsieur ARDISSON, Monsieur GUITTARD, DÉCISION : voir dispositifet au prononcé de l'...

No du 5 SEPTEMBRE 2014 9ème CHAMBRE RG : 13/ 03711 X... David Y... Rachid

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

OL Arrêt prononcé publiquement le CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE, par Monsieur LARMANJAT, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : voir dispositif Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Versailles- 5ème chambre, du 23 septembre 2013. POURVOI :

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur GUITTARD, DÉCISION : voir dispositifet au prononcé de l'arrêt,

Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur AUBAC,

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur d'HUY, avocat général, lors des débats
GREFFIER : Madame LAMANDIN, greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt

PARTIES EN CAUSE

X... David
Né le 17 janvier 1959 à TETOUAN (MAROC) Fils de X... Fortunato et de B... Laura expert comptable Demeurant...-93210 LA PLAINE ST DENIS Sous contrôle judiciaire (Détention provisoire du 05/ 05/ 2006, Mandat de dépôt du 05/ 05/ 2006, Mise en liberté sous C. J. le 13/ 06/ 2006, Ordonnance de maintien sous C. J. du 28/ 03/ 2012), Jamais condamné,

comparant, assisté de Maître DELHOMME Maxime, avocat au barreau de PARIS (conclusions)

Y... Rachid
Né le 28 février 1972 à MEAUX Fils de Y... Boudjema et de Y... Drifa gérant de société Demeurant...-7910 GERMIGNY LEVEQUE

Sous contrôle judiciaire (O. C. J. du 04/ 05/ 2006, Refus de main levée de contrôle judiciaire le 13/ 12/ 2006, Refus de main levée de contrôle judiciaire le 10/ 10/ 2007, Refus de main levée de contrôle judiciaire le 27/ 11/ 2007, Refus de main levée de contrôle judiciaire le 30/ 12/ 2008, Refus de main levée de contrôle judiciaire le 23/ 12/ 2010, Ordonnance de maintien sous C. J. du 28/ 03/ 2012),
Déjà condamné,
non comparant, représenté par Maître FORGET Richard, avocat au barreau de PARIS

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LA PRÉVENTION :
X... David est prévenu :
- De s'être à Saint-Denis (93), courant 2003 à 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,- rendu complice du délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés et d'activité commis notamment par Hicham Z..., Ahmed C... et Lofti D... au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, par aide ou assistance, en facilitant sciemment la préparation et la consommation dudit délit en l'espèce en élaborant des fiches paie et des déclarations préalables à l'embauche non conformes à la réalité, en transmettant de fausses informations à l'URSSAF et en dissimulant en comptabilité la réalité de l'activité desdites sociétés.
Faits prévus et réprimés par les articles 121-6 et 121-7 du code de pénal et par les articles l. 8221-1, l. 8221-3, l. 8221-5, l. 8224-1, l. 8224-3, et l. 8224-4 du code du travail anciennement l. 324-9, l. 324-10, l. 324- ll l. 362-3, l. 362- 4etl. 362-5 du code du travail, faits prévus par art. l. 8224-1, art. l. 8221-1 al. l 1 =, art. l. 8221-3, art. l. 8221-4, art. l. 8221-5 c. travail, et réprimés par art. l. 8224-1, art. l. 8224-3, art. l. 8224-4 c. travail,
- De s'être à Saint-Denis (93), courant 2003 à 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, rendu complice du délit d'abus de biens sociaux commis notamment par Hicham Z..., Ahmed C... et Lofti D... au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, par aide ou assistance, en facilitant sciemment la préparation et la consommation dudit délit en l'espèce en enregistrant des fausses factures et en dissimulant par des manoeuvres comptables la réalité des détournements effectués.
Faits prévus et réprimés par les articles 121-6 et 121-7 du code pénal, l. 241-3 4o, l. 241-9 du code du commerce, faits prévus par art. l. 241-3 4 = art. l. 241-9 c. commerce. et réprimés par art. l. 241-3, art. l. 249-1 c. commerce,
- De s'être à Saint-Denis (93), courant 2003 à 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par quelque moyen que ce soit, au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en établissant de faux documents comptables et fait usage desdits documents en les transmettant aux administrations concernées.
Faits prévus et réprimés par les articles 441-1, 441-9, 441-10 et 441-11 du code pénal, faits prévus par art. 441-1 c. penal, et réprimés par art. 441-1 al. 2, art. 441-10, art. 441-11 c. penal,

Y... Rachid est prévenu :

- D'avoir courant 2003 à 2006 à MEAUX sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE,- exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou accompli un acte de commerce, en l'espèce géré des entreprises de sécurité, en se soustrayant intentionnellement à ses obligations, en l'espèce sans avoir procédé à une déclaration obligatoire à un organisme de protection sociale ou une administration fiscale.
Faits prévus et réprimés par les articles l. 8221-1, l. 8221-3, l. 8224-1, l. 8224-3 et l. 8224-4 du code du travail anciennement l. 324-9, l. 324-10, l. 324-11, l. 362-3, l. 362- 4e tl. 362-5 du code du travail, faits prévus par art. l. 8224-1, art. l. 8221-1 al. 1 1 =, art. l. 8221-3, art. l. 8221-4, art. l. 8221-5 c. travail, et réprimés par art. l. 8224-1, art. l. 8224-3, art. l. 8224-4 c. travail,
- D'avoir courant 2003 à 2006 à MEAUX sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, étant employeur de salariés non identifiés, omis intentionnellement de leur remettre un bulletin de paie lors du paiement de leurs rémunérations et de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche.
Faits prévus et réprimés par les articles l. 8221-1, l. 8221-5, l. 8224-1, l. 8224-3 et l. 8224-4 du code du travail anciennement l. 324-9, l. 324-10, l. 324-11, l. 362-3, l. 362-4 et l. 362-5 du code du travail, faits prévus par art. l. 8224-1, art. l. 8221-1 al. l 1 =, art. l. 8221-3, art. l. 8221-4, art. l. 8221-5 c. travail. et réprimés par art. l. 8224-1, art. l. 8224-3, art. l. 8224-4 c. travail,
- D'avoir courant 2003 à 2006 à MEAUX sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, employé des personnes en vue de les faire participer à une activité de gardiennage, de transport, de fonds ou de valeurs ou de protection de l'intégrité physique des personnes sans déclaration préalable à la Préfecture.
Faits prévus et réprimés par les articles 1, 5, 9-1, 14iii et 15 de la loi 83-629 du 12 juillet 1983 dans sa version en vigueur au moment des faits, faits prévus par art. 14 iii 1 =, art. 6 al. 1 1 =, art. l al. l loi 83-629 du 12/ 07/ 1983. et réprimés par art. 14 iii, art. 15 loi 83-629 du 12/ 07/ 1983,
- D'avoir courant 2003 à 2006 à MEAUX sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, avoir fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit des sociétés un usage qu'il savait contraire à leurs intérêts à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce, notamment en procédant au règlement des prestations effectuées par l'EURL G... de manière occulte et hors tout cadre légal sur les comptes de Charef H.... Faits prévus et réprimés par les articles L. 241-3 4o et L. 241-9 du code du commerce,
faits prévus par art. l. 241-3 4-, art. l. 241-9 c. commerce, et réprimés par art. l. 241-3, art. l. 249-1 c. commerce,
- D'avoir courant 2003 à 2006 à MEAUX sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, exerçant, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, sollicité ou agréé, à tout moment directement ou indirectement, des offres, promesses, dons, présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles, un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en l'espèce en acceptant de l'argent versé en liquide dans des enveloppes pour fournir des activités de sous-traitance à la société G....
Faits prévus et réprimés par les articles 445-2 et 445-3 du code pénal, faits prévus par art. 445-2 c. penal, et réprimés par art. 445-2, art. 445-3 c. penal
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 23 septembre 2013, le tribunal correctionnel de Versailles :
Sur l'action publique :
a déclaré Rachid Y... NON COUPABLE et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :

EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, faits commis depuis 2003 et jusqu'en 2006, MEAUX,
EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, faits commis courant 2003 à 2006, MEAUX,

EMPLOI DE SALARIE POUR UNE ACTIVITE DE SURVEILLANCE, GARDIENNAGE, TRANSPORT DE FONDS OU DE PROTECTION DES PERSONNES SANS DECLARATION PREALABLE, faits commis courant 2003 à 2006, MEAUX, s'agissant de la société Agir Surveillance,
ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSONNELLES, faits commis courant 2003 à 2006, MEAUX,

CORRUPTION PASSIVE : SOLLICITATION OU ACCEPTATION D'AVANTAGE PAR UNE PERSONNE N'EXERÇANT PAS UNE FONCTION PUBLIQUE POUR ACCOMPLIR OU S'ABSTENIR D'ACCOMPLIR UN ACTE FACILITE PAR SA FONCTION OU SON ACTIVITE, faits commis courant 2003 à 2006, MEAUX.
a déclaré Rachid Y... COUPABLE pour les faits qualifiés de :
EMPLOI DE SALARIE POUR UNE ACTIVITE DE SURVEILLANCE, GARDIENNAGE, TRANSPORT DE FONDS OU DE PROTECTION DES PERSONNES SANS DECLARATION PREALABLE, faits commis courant 2003 à 2006, MEAUX.

Vu les articles susvisés :
a condamné Rachid Y... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;.
a condamné Rachid Y... à une amende délictuelle de CINQ MILLE EUROS (5 000 euros).

a déclaré David X... NON COUPABLE et l'a relaxé pour les faits qualifiés de :
complicité de EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, faits commis depuis 2003 et jusqu'en 2006, Saint-Denis (93), visant les sociétés Logilux et Sogecaf Privée
complicité de ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSONNELLES, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93), visant les sociétés Logilux et Sogecaf Privée
FAUX : ALTERATION FRAUDULEUSE DE LA VERITE DANS UN ECRIT, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93), visant les sociétés Logilux et Sogecaf Privée

USAGE DE FAUX EN ECRITURE, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93), visant les sociétés Logilux et Sogecaf Privée
a déclaré David X... NON COUPABLE et l'a relaxé pour les faits qualifiés de :

complicité de EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, faits commis depuis 2003 et jusqu'en 2006, Saint-Denis (93), au préjudice des sociétés BHL, ASB Services, Halte Sécurité, Sécur Avenir, Trans Avenir et Action Trans,
complicité de ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSONNELLES, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93), au préjudice des sociétés BHL, ASB Services, Halte Sécurité. Sécur Avenir, Trans Avenir et Action Trans,
a déclaré David X... COUPABLE pour le surplus des faits qualifiés de :

complicité de EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, faits commis depuis 2003 et jusqu'en 2006, Saint-Denis (93),

complicité de ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSONNELLES, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93),
FAUX : ALTERATION FRAUDULEUSE DE LA VERITE DANS UN ECRIT, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93),

USAGE DE FAUX EN ECRITURE, faits commis courant 2003 à 2006, Saint-Denis (93).

Vu les articles susvisés :

a condamné David X... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;.
a ordonné la restitution à Rachid Y... des sommes versées au régisseur des recettes et avances du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES déduction faite de la somme de 5000 euros affectée au paiement de l'amende prononcée dans le cadre du présent jugement

Sur l'action civile :

a déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de M Naceur A....
L'a débouté de ses demandes.
a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :
Monsieur X... David, le 23 septembre 2013, son appel étant limité aux dispositions pénales
M. le procureur de la République, le 23 septembre 2013 contre Monsieur X... David
Monsieur Y... Rachid, le 01 octobre 2013, son appel étant limité aux dispositions pénales
M. le procureur de la République, le 01 octobre 2013 contre Monsieur Y... Rachid

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 30 avril 2014, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu X... David et l'absence du prévenu Y... Rachid qui est représenté par son conseil ;
Ont été entendus :
Monsieur LARMANJAT, président, en son rapport et interrogatoire,
Maître FORGET, se désiste au nom de son client M. Y...,
Monsieur d'HUY, avocat général, se désiste à son égard,
Monsieur X..., en ses explications,
Monsieur d'HUY, avocat général, en ses réquisitions,
Maître DELHOMME, avocat, en sa plaidoirie,
Le prévenu a eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 11 JUIN 2014,
a l'audience du 11 juin 2014 l'arrêt a été prorogé au 2 juillet 2014 puis au 5 septembre 2014.
************ DÉCISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
LE RAPPEL DES FAITS ET LA PROCEDURE
Le 9 mars 2005, le service de la réglementation de la préfecture des Yvelines attirait l'attention du GIR 78 (groupe d'intervention régional des Yvelines), sur les demandes récurrentes émanant de sociétés de sécurité privée, en vue de l'habilitation de salariés défavorablement connus des services de la police ou de la justice.
C'est dans ces conditions que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles saisissait divers services enquêteurs, l'ORGDF, le GIR 78 et la division des affaires économiques et financières de la DRPJ des Yvelines d'une enquête préliminaire puis qu'une information judiciaire était ouverte le 8 décembre 2005. Les investigations menées auprès de l'URSSAF, des services fiscaux, les investigations bancaires, comptables, les interceptions de communications téléphoniques et surveillances mettaient en évidence l'existence de sociétés dont beaucoup étaient éphémères, dont certaines se succédaient, adoptaient des noms commerciaux ressemblants, principalement dans les domaines du gardiennage et du transport.

Il apparaissait que les mêmes individus y exerçaient successivement des fonctions de dirigeants de fait, de droit ou étaient simples salariés.
S'agissant des sociétés de gardiennage les procédures légales d'agrément étaient rarement respectées.
Les investigations permettaient de conclure à l'existence de travail dissimulé par défaut de déclarations obligatoires aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale, par défaut de remise de bulletins de salaire et de déclarations nominatives préalables à l'embauche, ce qui résultait notamment de nombreuses déclarations préalables à l'embauche non suivies du paiement de cotisations, les salariés n'apparaissant pas sur les déclarations annuelles de données sociales (DADS).
Elles mettaient en évidence l'absence de déclarations fiscales, l'existence de flux financiers croisés entre les différentes sociétés, l'usage abusif des biens sociaux par le biais de retraits d'argent en espèces ou de chèques en paiement de fausses factures la tenue de la comptabilité de la plupart des sociétés en cause par un même et seul comptable, David X....
Ces sociétés étaient gérées de fait ou de droit par :
Ahmed C... et Hicham Z... : la sarl Action Trans, la sarl Trans Avenir, la sarl Transports Smail, la sarl Sécur Avenir, la sarl Halte Sécurité, la sarl Sogecaf Privée, la la société civile immobilière Logilux ;
Lofti D... : la sarl BHL, la sarl ASB Services ;
Zoubir G... et Charef H... : la sarl H..., la société AB Décurity, la société BSP (Basco Sécurité Privée), la sarl Eurogard Sécurité Privée ; Rachid Y... : la sarl Agir Surveillance, la sarl Elyte Sécurité.

Ces sociétés avaient, pour l'essentiel d'entre elles, des activités de sécurité privée, gardiennage, transport routier, location de véhicules et transport de proximité. Leur fonctionnement comptable et social était identique : fausses factures, travail dissimulé, encaissement de chèques au profit de particuliers, abus de biens sociaux.

Concernant Rachid Y...
La sarl AGIR SURVEILLANCE avait été immatriculée le 24 décembre 2001 au tribunal de commerce de Meaux, Rachid Y... en étant le gérant déclaré.
Installée dans une zone franche, elle bénéficiait d'avantages fiscaux et son gérant se targuait dans la presse d'employer légalement des jeunes de banlieue.
Rachid Y... ouvrait 42 comptes bancaires entre le 17 octobre 1996 et le 26 juillet 2005 et recevait notamment sur l'un de ces comptes, 120. 170, 78 ¿ provenant de AGIR SURVEILLANCE entre avril 2003 et février 2006.
Les investigations téléphoniques permettaient d'établir que Zoubir G... et Charef H... avaient effectivement travaillé pour AGIR SURVEILLANCE. Rachid Y..., qui connaissait leur façon de travailler, était prêt à fournir des chantiers à la nouvelle société de Zoubir G....
La société AGIR SURVEILLANCE apparaissait comme le donneur d'ordre pour les prestations effectuées en fait par les sociétés Eurl G... et par BASCO. AGIR SURVEILLANCE assurait le gardiennage des chantiers de BTP, notamment pour la société Bouygues. Les surveillances policières permettaient d'établir que Charef H... y apparaissait comme le responsable du site 62 rue de Richelieu à Paris dans le deuxième arrondissement.
Le 29 juillet 2005, les policiers l'observaient remettre une liasse de billets de banque à un vigile. Le 4 août 2005, après s'être rendu sur le chantier, ils constataient qu'il retirait de l'argent des espèces au distributeur automatique.
Les investigations prouvaient également qu'il avait eu recours à la société SECURITEK, qui percevait ainsi 168. 680, 49 ¿ d'AGIR SURVEILLANCE.
Rachid Y... prétendait ignorer la minoration des cotisations sociales par le gérant de cette société pour les exercices 2004 et 2005.
En sa qualité d'associé et de gérant de la société AGIR SURVEILLANCE, Rachid Y... reconnaissait avoir noué des relations commerciales à plusieurs reprises depuis 2004 avec Zoubir G..., puis avec Charef H..., qui s'avérait beaucoup plus agressif pour lui réclamer des chantiers. Il déclarait que ce dernier lui remettait régulièrement des enveloppes contenant des espèces, pour un total d'environ 7. 000 ¿, pour le fidéliser et accroître leurs relations commerciales. Il le confirmait devant le magistrat instructeur, lors de sa mise en examen.
Ces deux personnes mettaient à sa disposition des agents de sécurité pour faire face à l'accroissement de sa charge de travail. Compte tenu du tarif extrêmement bas auxquels il les rémunérait, il admettait que la plupart des heures de travail n'étaient pas déclarées.
La société AGIR SURVEILLANCE versait à Charef H..., entre décembre 2004 et avril 2005, la somme de 8. 9381, 61 ¿ sur ses comptes personnels (76. 986, 04 ¿ sur le compte de la Caisse d'Epargne du Poitou Charentes, et 11. 391, 20 ¿ sur son compte BNP Seine Maritime) qui faisaient l'objet sur la même période de retraits d'espèces réguliers et 507. 028, 70 ¿ à la société H... entre 2003 et 2005. Selon Rachid Y... cela correspondait à de réelles prestations effectuées par la société H....
Leurs relations commerciales avaient cessé depuis quatre mois, Charef H... exigeant d'être le seul à intervenir sur les sites sous-traités, ce que Rachid Y... refusait. Cependant les écoutes téléphoniques laissaient penser qu'ils étaient toujours en relation d'affaires en avril 2006.
Lors de son interrogatoire de première comparution, Rachid Y... revenait sur ses déclarations et prétendait avoir toujours payé pour des prestations réelles à un prix normal pour de la sous-traitance, en soulignant les qualités professionnelles du personnel employé par Zoubir G... et Charef H..., qui lui avaient présenté des papiers en règle. Mais il reconnaissait que ce dernier lui avait remis des espèces pour obtenir des marchés.
Très peu de documents justificatifs étaient découverts lors des perquisitions. Le contrat de sous-traitance n'était pas signé et l'unique attestation URSSAF qu'il détenait était un faux. Le nombre de salariés déclarés ne correspondait pas aux heures facturées.
Lors de son interrogatoire au fond, le 12 juin 2007, Rachid Y... reconnaissait, en la minimisant, sa participation aux infractions reprochées, prétendant ignorer le caractère frauduleux des sociétés avec lesquelles il entretenait des relations commerciales. Il reconnaissait qu'AGIR SURVEILLANCE et ELYTE SECURITE avaient eu recours en sous-traitance aux entreprises animées par Zoubir G... et CHAREF H.... Selon lui, le tarif horaire auquel il réglait les prestations, soit 11, 50 ¿ de l'heure, permettait aux gérants de réaliser une marge honorable, soit 1 ¿ de l'heure et qu'il ne pouvait pas en déduire que leurs salariés n'étaient pas déclarés. Pourtant, lui-même reconnaissait réaliser une marge de 1, 80 ¿ à 5 ¿ de l'heure. Il admettait également ne pas avoir demandé tous les justificatifs nécessaires, notamment les agréments individuels des employés et les attestations de cotisation URSSAF. Il indiquait finalement ne pas avoir reçu d'enveloppes de Charef H..., en dépit des affirmations de Zoubir G... qui confirmait l'existence de ces versements. Il confirmait les informations révélées dans les documents comptables découverts lors de la perquisition : la société AGIR SURVEILLANCE avait versé :
en 2003 : 19. 779, 55 ¿ à Zoubir G...,
en 2004 : 167. 239, 12 ¿ à H... SECURITE et 36. 719, 39 ¿ à Zoubir G...,
en 2005 : 283. 290, 64 ¿ à H... SÉCURITÉ, soit un total de 507. 028, 70 ¿.

La société ELYTE SECURITE attirait l'attention des enquêteurs qui examinaient les comptes en banque de Charef H..., car elle avait versé à Rachid Y... une somme de 89. 381, 61 ¿ :
- sur son compte ouvert à la Caisse d'Epargne du Poitou-Charentes, entre octobre et novembre 2004 : deux virements pour la somme totale de 20. 657, 28 ¿ et un chèque de 7. 139, 34 ¿ soit un total de 27. 796, 62 ¿,
- sur son compte ouvert à la BNP Paribas de Mont-Saint-Aignan (76) cinq chèques encaissés entre août et octobre 2004 pour un montant global de 61. 584, 99 ¿.
Cette sarl, immatriculée le 4 avril 2004, avait son siège social dans la zone industrielle de Courtaboeuf aux Ulis (91) et son gérant était également Rachid Y.... Elle était dissoute depuis le 31 janvier 2005 par un ancien gérant qui avait procédé à la liquidation, Sébastien O..., également salarié d'AGIR SURVEILLANCE.
Devant les policiers, Rachid Y... reconnaissait assurer la gestion de fait des sociétés ELYTE SÉCURITÉ, dont il avait abandonné la gérance après l'avoir créée, ACTION SÉCURITÉ EUROPE et ACTION SÉCURITÉ EUROPE PRIVÉE, notamment en gérant le personnel de ces trois sociétés.
Les gérants de ces sociétés n'avaient aucun pouvoir de décision personnelle. Ces trois entités sous-traitaient une part de l'activité d'AGIR SURVEILLANCE (entre 20 et 30 %), car cette société, étant installée en zone franche, ne pouvait pas dépasser l'effectif de 49 salariés. Le système mis en place permettait à Rachid Y... d'en employer 95.
Sébastien O... confirmait n'avoir été qu'un prête-nom. A plusieurs reprises, il encaissait des chèques pour Rachid Y... qu'il décaissait ensuite en espèces pour les lui remettre. Cela permettait à ce dernier de rémunérer de manière occulte ses salariés.
La société ELYTE SECURITE sous-traitait également auprès de Charef H... suivant le même mode de fonctionnement que la société AGIR SURVEILLANCE. Rachid Y... reconnaissait également avoir versé, au nom de la société ÉLYTE SÉCURITÉ la somme de 61. 584 ¿ de chèques, encaissés sur le compte personnel de Charef H.... Le banquier de Rachid Y... lui indiquait qu'un certain nombre d'autres chèques étaient déposés par Charef H... sur une banque au Luxembourg.
Concernant David X...
Les investigations démontraient que David X... était le comptable de nombreuses sociétés examinées au cours de l'instruction, à savoir les sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, FPSP, SECURAVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS, AB SECURITY et LOGILUX.
Il apparaissait que les gérants de ces entreprises utilisaient un système de fonctionnement occulte dans lequel les employés, rémunérés en liquide, n'étaient jamais déclarés et les revenus des activités réalisés détournés à des fins personnelles. Les enquêteurs relevaient en outre de nombreuses irrégularités dans la comptabilité de ces structures.
Les grands livres de compte présentant des écritures fallacieuses réalisées par David X... servaient pour les différentes entreprises à présenter des bilans à l'administration fiscale.
Il était interrogé sur le fond de ces dossiers les 12 octobre 2007, 20 décembre 2007 et 30 juin 2009. David X... confirmait de manière générale qu'il était chargé d'accomplir, pour les compte de ses clients, les déclarations à l'URSSAF et au fisc, établir les bulletins de salaire et les documents comptables : bilans et livres de comptes. Il leur fournissait également du conseil. Toutefois, il ne signait pas les liasses fiscales qu'il adressait pourtant au fisc..
David X... avait déposé sur son compte 130. 000 ¿ en espèces le 7 février 2004. Il expliquait qu'il s'agissait de la vente d'un bien immobilier au Maroc mais ne pouvait fournir aucun justificatif.
Concernant la société BHL, David X... avait passé le compte courant de Lotfï D..., soit 47. 000 ¿, en provision pour dépréciation peu de temps avant la liquidation judiciaire, ce qui empêchait le liquidateur de récupérer cette somme.
Lotfi D... expliquait qu'il s'en remettait à son comptable pour régulariser la situation. Il ignorait les montants qui étaient inscrits au bilan. Il spécifiait qu'il le rémunérait de manière supplémentaire au moment de l'élaboration du bilan alors même qu'il lui versait un forfait mensuel. David X... n'avait jamais attiré son attention sur l'irrégularité de sa comptabilité. Il ajoutait que David X... avait connaissance du compte Caisse d'Epargne sur lesquels les versements Chronopost arrivaient puis sur lesquels il prélevait des sommes pour lui-même ou les sociétés dans lesquelles il avait des intérêts.
Concernant la société ABS SERVICES, le 31 décembre 2005, David X... avait procédé à une régularisation de compte courant de 44. 000 ¿ en paiement de factures fournisseurs sans vérifier l'existence de ces factures. Ainsi, un règlement fournisseur de 17. 000 ¿ pour la société G. L. TRANSPORT apparaissait sur le compte mais ne se retrouvait pas dans les documents comptables de G. L. TRANSPORT dont David X... était en possession. De plus, les versements correspondant au paiement d'un certain nombre de factures prévues pour être réglées en plusieurs fois et enregistrées en comptabilité, étaient effectués au profit d'autres bénéficiaires. Cela permettait de couvrir le travail dissimulé et les abus de biens sociaux.
Dans ces deux sociétés Lotfi D... recouraient à de fausses factures pour justifier les transferts d'argent.
Interrogé, David X... confirmait qu'il était aussi le comptable de certaines entreprises dont Lotfi D... utilisait le nom pour rédiger ces fausses factures. Il indiquait ne pas s'être aperçu que ces factures n'apparaissaient pas dans la comptabilité de ces entreprises alors même que deux d'entre elles (SAM MELIK et ACTION COURSES) étaient liquidées au moment de l'émission de la facture. Selon lui, ses collaborateurs vérifiaient que les talons de chèques correspondaient aux factures alors même qu'aucun de ses talons n'était découvert. De même, il n'avait pas été interpellé par la remise de factures postérieurement aux sorties de fond pour des montants ronds peu compatibles avec les prestations pratiquées. L'existence pendant deux ans d'un compte courant du gérant débiteur l'avait poussé à avertir verbalement son client qu'il ne pouvait détourner l'argent de la société sauf à justifier des fiches de paie mais cela ne lui avait pas semblé suffisamment grave pour rejeter le dossier.
Pour ASB Service, il indiquait que les factures avoisinaient les 42. 000 ¿ mais que les paiements d'un montant de 22. 000 ¿ étaient très mal libellés. Il compensait alors avec les retraits en espèces et les paiements par chèque qui avoisinaient la même somme à 1. 000 ¿ près afin de pouvoir faire la liasse fiscale. Il admettait que cette méthode n'était pas régulière. Il reconnaissait aussi que ASB SERVICE n'était pas " client de G. L. TRANSPORT et que les paiements par chèques au profit de particuliers sous couvert de TRANS AVENIR ne pouvaient apparaître dans sa comptabilité. Selon lui, il n'avait pas connaissance du compte occulte de Lotfi D.... Il avait régularisé le compte courant du gérant ASB, débiteur pendant toute l'année en fin d'année par une écriture comptable mais en s'appuyant sur des factures. Il n'expliquait pas pourquoi un seul salarié avait été déclaré alors qu'au vu du chiffre d'affaires et des paiements effectués par la société au moins 5 personnes travaillaient pour elle.
Concernant les sociétés HALTE SECURITE et SOGEGAF, David X... réalisait la comptabilité des deux sociétés.
L'analyse des livres de comptes d'HALTE SECURITE révélait que David X... enregistrait des opérations sans disposer des pièces comptables. De même, plusieurs factures n'avaient pas fait l'objet d'un enregistrement ou, à l'inverse, certaines factures enregistrées ne correspondaient à aucun versement, notamment pour HERACLES. La majorité des fonds reçus par HALTE SECURITE était reversée à la société SOGEGAF, sous couvert de factures non détaillées réalisées sur un facturier identique à celui de HALTE SECURITE, cette société reversant elle-même l'argent à des personnes non liées à l'entreprise. De même, SOGEGAF, apparaissait dans la comptabilité d'HALTE SECURITE comme ayant réalisé une vente de services à SOGEGAF pour un montant de 11. 500 ¿ le 31 novembre 2004. Or, le 23 mars 2005, c'était la société HALTE SECURITE qui avait versé 11. 500 ¿ à la société SOGEGAF sans que la comptabilité soit modifiée. Ces erreurs d'écriture permettaient toutefois de parvenir à un exercice comptable équilibré.
De même, il était noté un enregistrement de clients constatés d'avance pour 17. 000 ¿ alors même que la prestation n'avait pas été réalisée. En outre, David X... avait accepté de porter en comptabilité un compte courant mixte débiteur " C...- Z... ". Un compte facturation avait été ouvert le 31 décembre 2005 de 50. 000 ¿, sur simple déclaration d'Ahmed C....
L'URSSAF estimait le montant des cotisations éludées à 54. 481 ¿, alors même que David X... se chargeait d'effectuer les déclarations préalables à l'embauche.
Ahmed C... expliquait que David X... ne travaillait que sur la base des documents qu'il lui fournissait. En revanche, Hicham Z... indiquait que David X... acceptait de l'argent en espèces pour fermer les yeux sur les modifications de la comptabilité de la société.
Interrogé par le juge d'instruction, David X... expliquait qu'il avait élaboré les statuts de la société HALTE SECURITE et savait donc que les gérants de droit n'étaient pas les gérants officiels. Il expliquait qu'il enregistrait à l'avance des prestations non fournies, sur demande du client, pour faire baisser le bénéfice puis exécutait des opérations comptables afin que le ratio des salaires soit conforme au chiffre d'affaires. Il réalisait sa comptabilité en fonction des factures fournies qu'il n'avait pas nécessairement toutes vues. Ainsi, il avait enregistré sur la base de simples déclarations verbales une facture de 50. 000 ¿ le 31 décembre 2005 que Monsieur C... prétendait non encore enregistrée alors même que la société semblait avoir mis un terme à son activité en juin 2005. Il n'avait reçu aucune facture par la suite. David X... ne pouvait justifier de tous les problèmes de comptabilité mais expliquait qu'il n'en avait pas connaissance.
Concernant la société ACTION TRANS, l'examen de la comptabilité montrait l'existence d'une vingtaine de fausses factures établies à l'ordre de sociétés sans existence légale ou ayant déjà été liquidées.
David X... affirmait qu'il avait reçu les souches des chèques correspondant aux factures. Les montants ronds apparaissant sur les factures ne l'avaient pas interpellé. Il ignorait pourquoi aucune déclaration de salariés n'avait été faite en 2003, ni pourquoi ni Ahmed C..., ni Hicham Z... n'apparaissaient dans la DADS de 2002 alors qu'ils recevaient des paiements.
Concernant la société TRANSAVENIR, David X... s'était chargé d'établir les statuts. Le mode opératoire de transfert entre ACTION TRANS et cette dernière n'avait pas attiré pas son attention, alors même qu'il s'occupait de la gestion de personnes qui utilisaient systématiquement des gérants de paille. De nombreuses personnes n'étant ni des salariés ni des fournisseurs de l'entreprise percevaient des versements.
Pour cette société, l'URSSAF estimait à 87. 603 ¿ le montant des cotisations sociales éludées. Le chiffre d'affaire de 2005 comportait un écart de 90. 000 ¿ avec les ventes encaissées. Ainsi les versements effectués par la société SOGEGAF de 2003 à 2005 n'apparaissaient pas dans le grand livre 2005.
Par ailleurs, un compte courant mixte C.../ Z... apparaissait dans le grand livre de 2005, alors même qu'Ahmed C... avait cessé d'être associé depuis le 6 juillet 2005. Ce compte-courant était débiteur de 51. 000 ¿ au 31 décembre 2005, comme précédemment en 2004.
David X... indiquait que la comptabilité de cette société était impossible à suivre au vu de l'absence de documents. Il ne clôturait donc pas les exercices. N'ayant pas tout pointé, il ne pouvait avoir conscience des irrégularités. Il créait ce compte mixte car les deux anciens associés ne pouvaient dissocier les sommes, ni expliquer où se trouvaient les sommes débitrices du compte. Il en déduisait qu'ils avaient dû les prendre mais ne décidait pas de se démettre de la comptabilité. II recevait 21. 892, 76 ¿ au titre de ses honoraires ce qui lui semblait beaucoup.
Concernant les irrégularités constatées dans la société SECUR AVENIR, David X... expliquait que, lorsqu'il avait commencé à suivre la comptabilité d'Ahmed C... pour la société SECUR AVENIR, il avait constaté que les fiches de paie ne correspondaient pas aux nombreuses sommes payées aux salariés. Ahmed C... lui avait alors indiqué qu'il ne pouvait pas payer les charges sociales. David X... lui avait envoyé une lettre recommandée pour lui indiquer qu'il ne pouvait continuer sa gestion. Toutefois, David X... ne fournissait pas copie de cette lettre dont il ignorait la date de rédaction. Par la suite sur la base des déclarations d'Ahmed C..., il présentait un document comptable retranscrivant les paiements encaissés et les salaires payés suite à un contrôle fiscal de l'entreprise SECUR AVENIR mais qui n'avait pas valeur en comptabilité. David X... ne contestait pas que l'entreprise avait maintenu son activité après sa radiation et que les déclarations sociales obligatoires notamment par rapport à l'URSSAF n'avaient pas été effectuées, notamment sur le nombre de salariés exerçant réellement pour la société. Il ne recevait aucune facture.

Par ordonnance de renvoi du 28 mars 2012, Rachid Y..., David X... et dix neuf autres personnes étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'exécution de travail dissimulé, exercice d'activité de surveillance, transport de fonds sans agrément, abus de biens sociaux, corruption passive, faux, usage de faux, abus de confiance, recel.

David X..., qui avait été détenu du 5 mai au 13 juin 2006, et Rachid Y... étaient maintenus sous contrôle judiciaire.
Rachid Y..., était prévenu :
- d'avoir, courant 2003 à 2006 à MEAUX sur le territoire national, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou accompli un acte de commerce, en l'espèce géré des entreprises de sécurité, en se soustrayant intentionnellement à ses obligations, en l'espèce sans avoir procédé à une déclaration obligatoire à un organisme de protection sociale ou une administration fiscale,
- d'avoir, dans les mêmes circonstances de dates et de lieux, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, étant employeur de salariés non identifiés, omis intentionnellement de leur remettre un bulletin de paie lors du paiement de leurs rémunérations et de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche,
- d''avoir, dans les mêmes circonstances de dates et de lieux, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, employé des personnes en vue de les faire participer à une activité de gardiennage, de transport, de fonds ou de valeurs ou de protection de l'intégrité physique des personnes sans déclaration préalable à la Préfecture,
- d'avoir, dans les mêmes circonstances de dates et de lieux, en sa qualité de gérant de la SARL AGIR SURVEILLANCE et de gérant de fait de l'entreprise ELYTE SECURITE, avoir fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit des sociétés un usage qu'il savait contraire à leurs intérêts à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce, notamment en procédant au règlement des prestations effectuées par l'eurl G... de manière occulte et hors tout cadre légal sur les comptes de Charef H...,
- d'avoir, dans les mêmes circonstances de dates et de lieux, en sa qualité de gérant de la sarl Agir Surveillance et de gérant de fait de l'entreprise Elyte Sécurité, exerçant dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, sollicité ou agrée, à tout moment directement ou indirectement, des offres, promesses, dons, présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles, un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en l'espèce, en acceptant de l'argent versé en liquide dans des enveloppes pour fournir des activités de sous-traitance à la société G....

David X... était prévenu :

- de s'être à Saint-Denis (93), courant 2003 à 2006, rendu complice du délit de travail dissimulé, par dissimulation de salariés et d'activité, commis notamment par Hicham Z..., Ahmed C... et Lofti D... au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, par aide ou assistance, en facilitant sciemment la préparation et la consommation dudit délit en l'espèce en élaborant des fiches paie et des déclarations préalables à l'embauche non conformes à la réalité, en transmettant de fausses informations à l'URSSAF et en dissimulant en comptabilité la réalité de l'activité desdites sociétés,

- de s'être, dans les mêmes circonstances de dates et de lieux, rendu complice du délit d'abus de biens sociaux commis notamment par Hicham Z..., Ahmed C... et Lofti D... au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, par aide ou assistance, en facilitant sciemment la préparation et la consommation dudit délit en l'espèce en enregistrant des fausses factures et en dissimulant par des man ¿ uvres comptables la réalité des détournements effectués,

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de dates et de lieux, par quelque moyen que ce soit, au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en établissant de faux documents comptables et fait usage desdits documents en les transmettant aux administrations concernées.

Jugement
Après sept jours de débats d'audience (du 24 juin au 2 juillet 2013), par jugement rendu le 23 septembre 2013, le tribunal correctionnel de Versailles a :
sur l'action publique
¿ déclaré Rachid Y... non coupable des faits de : ¿ exécution d'un travail dissimulé (faits de 2003 et jusqu'en 2006 à Meaux), emploi de salarié pour une activité de surveillance, gardiennage, transport de fonds ou de protection des personnes sans déclaration préalable (faits de 2003 à 2006, à Meaux, s'agissant de la société Agir Surveillance),

- abus de biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles corruption passive (faits de 2003 à 2006 à Meaux),
¿ déclaré Rachid Y... coupable des faits d'emploi de salarié pour une activité de surveillance, gardiennage, transport de fonds ou de protection des personnes sans déclaration préalable (faits commis de 2003 à 2006, à Meaux),
¿ condamné Rachid Y... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende délictuelle de cinq mille euros (5 000 euros),
¿ ordonné la restitution à Rachid Y... des sommes versées au régisseur des recettes et avances dans le cadre du cautionnement ;
¿ déclaré David X... non coupable pour les faits de :
¿ complicité d'exécution d'un travail dissimulé (faits concernant les sociétés Logilux, Sogecaf Privée, BHL, ASB Services, Halte Sécurité, Sécur Avenir, Trans Avenir, Action Trans)),
¿ complicité d'abus de biens sociaux (pour les mêmes sociétés), faux et usage de faux (mêmes sociétés),

¿ déclaré David X... coupable pour le surplus des faits de complicité d'exécution d'un travail dissimulé, complicité d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux,
¿ condamné David X... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;
Sur l'action civile
¿ déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Monsieur Naceur A... ;
¿ débouté celui-ci de ses demandes
¿ déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.
Appel
Par actes du 23 septembre 2013, X... David et, à sa suite, le parquet, ont relevé appel des dispositions pénales de ce jugement.
Par actes du 1er octobre 2013, Rachid Y... et, à sa suite, le parquet, ont relevé appel des dispositions pénales du jugement.
Ces appels, formés dans les délais et formes prévues, sont recevables.
A l'audience de la cour, par courrier de son conseil, Rachid Y... s'est désisté de son appel. Le procureur général a déclaré se désister de l'appel relevé à son égard. La cour a indiqué qu'il sera donné acte de ces désistements dans le présent arrêt.
Devant la cour, David X..., marié, deux enfants, a rappelé qu'il n'avait été l'expert-comptable que de six sociétés sur vingt quatre évoquées dans le dossier. Il a également insisté pour souligner qu'il n'exerce pas l'activité de commissaire aux comptes et qu'il est installé à Saint Denis depuis de longues années, où il est connu. Il dispose d'une clientèle constituée d'environ 120 clients, s'agissant, pour la plupart, d'entreprises ou sociétés travaillant dans le transport (70), le bâtiment (10) et la restauration. Il a deux salariés et déclare dégager environ 7 000 ¿ de bénéfices personnels.
Il n'a jamais été condamné.
Par conclusions déposées à l'audience de la cour, visées par le greffier et le président, à l'appui d'arguments et moyens qui seront examinés dans les motifs ci-après, David X... sollicite sa relaxe.
Le procureur général a requis à l'encontre de David X... une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 ¿ d'amende et l'interdiction d'exercer pendant dix ans.
Après la plaidoirie de son conseil, le prévenu a eu la parole en dernier.

MOTIFS

Considérant qu'il est reproché à David X... des faits de complicité d'abus de biens sociaux et exécution de travail dissimulé, commis notamment par Hicham Z..., Ahmed C... et Lofti D... au sein des sociétés BHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, dont il assurait la comptabilité ; qu'il lui est tout particulièrement reproché d'avoir, en sa qualité d'expert-comptable, élaboré des fiches de paie et des déclarations préalables à l'embauche non conformes à la réalité ; que, par ces fausses écritures comptables, il est enfin prévenu d'avoir commis des faits de faux et usage de faux en transmettant de fausses informations à l'URSSAF et à l'administration fiscale et d'avoir ainsi dissimulé en comptabilité et aux administrations la réalité des activités desdites sociétés ;
Considérant que les co-prévenus, précités, Z..., Ahmed C... et Lofti D..., ont été reconnus coupables de l'essentiel des faits objet de la prévention les concernant et condamnés à des peines significatives qu'ils n'ont pas contestées ; que Ahmed C... a, en particulier, été déclaré coupable de faits d'exécution de travail dissimulé, abus de biens sociaux, faux et escroquerie et a été condamné à une amende délictuelle de 8 000 ¿ et à 3 ans d'emprisonnement, dont 32 mois avec sursis et mise à l'épreuve ;
Considérant qu'à l'appui de son appel, David X... conteste la réalité des infractions qui lui sont imputées et soutient qu'il n'a tenu la comptabilité que de six entreprises sur les 24 citées dans la procédure ; que, comme énuméré plus haut, les faits à analyser portent sur les sociétésBHL, ASB SERVICE, HALTE SECURITE, SOGEGAF, SECUR AVENIR, TRANS AVENIR, ACTION TRANS et LOGILUX, gérées de fait ou de droit par Hicham Z..., Ahmed C... et Lofti D... ;
Considérant que David X... a reconnu, durant l'instruction, avoir été en contact avec Ahmed C... et savoir que celui-ci était, notamment, le gérant de fait des sociétés Halte Sécurité, Action Trans et Trans Avenir, dont les gérants de droit étaient respectivement Ptissame Z... et son frère Hicham ;
Considérant qu'il a également reconnu avoir été en contact avec Hicham Z... et Lotfi D... ; qu'interrogé le 12 octobre 2007 sur ses missions d'expert-comptable, à partir des éléments découverts lors de la perquisition opérée à son cabinet, il a confirmé avoir assuré les comptabilités des sociétés Trans Avenir, AB Sécurity, Action Courses, Action Trans, Halte Sécurité, AB Services, BHL et la société civile immobilière Logilux ; qu'interrogé plus en détails, il a assuré que, pour certaines de ces sociétés, ses missions avaient été partielles ; qu'il a également soutenu qu'il ne pouvait pas tout vérifier dans la mesure où il ne disposait pas toujours des pièces justificatives et où ses collaboratrices effectuaient une partie de son travail ;
Considérant que, sur la société Halte Sécurité, il a déclaré l'avoir eue comme client dés sa création, en 2004, avoir élaboré les statuts et l'avoir suivie sur le plan comptable jusqu'à la fin, soit courant 2005 ; qu'alors que cette société n'avait plus d'activité à compter de juin 2005 et qu'il ne l'ignorait pas, il avait accepté de faire figurer au bilan de fin d'année 2005 une écriture libellée « facturation à établir, 50 000 ¿ », ceci sans justificatif produit par Ahmed C... ; qu'il a également admis avoir établi les bulletins de salaires sur le deuxième semestre 2005, sachant que la société n'avait plus d'activité et sans qu'aucune pièce ne lui soit produite par le gérant ; que, parmi les documents comptables au nom de la société, (scellé Bous 27), le 31 novembre 2004, une écriture portant sur un règlement de 11 500 ¿ par la société Sogegaf à Halte Sécurité, sans justificatif, laisse apparaître la première comme cliente de la seconde alors qu'elle était en réalité un fournisseur, la finalité de l'opération étant d'obtenir un bilan équilibré ;
Considérant que, s'agissant de la société Sécur Avenir, gérée par Ahmed R..., David X... a déclaré le 4 mai 2006, devant les enquêteurs, avoir accompli une mission d'expertise comptable « répondant à une demande particulière et circonstanciée », à la suite d'un contrôle fiscal, et a même ajouté qu'il aurait dû refuser cette mission ; qu'il n'a produit qu'à l'appui de ses écritures, postérieurement à la clôture de l'instruction, la lettre recommandée adressée à Ahmed C... pour lui annoncer qu'il refusait de continuer sa prestation dans ce dossier ; que, comme pour la société Halte Sécurité, nonobstant les termes de ce courrier, il est démontré qu'il a accepté de passer des écritures sans justificatifs et sans ignorer les irrégularités de la gestion des déclarations sociales et fiscales ; que, d'ailleurs, ni bilan ni compte de résultat n'ont été confectionnés en 2003 et 2004 parce qu'« il était impossible de les faire » ;
Considérant qu'il en est de même pour la société ASB Services, gérée par Lotfi D..., pour laquelle il a admis n'avoir « pas complètement » pu effectuer « un travail de comptable normal » et n'avoir pu, en particulier, opérer les pointages ou rapprochements bancaires avec les factures ; que certaines opérations comptables figurant sur le grand livre pour la période du premier juin 2004 au 31 décembre 2005, laissent apparaître des règlements en espèces suivis de décaissement du même montant ; qu'il a admis n'avoir pu vérifier la réalité d'un paiement de fournisseur d'un montant de près de 40 000 ¿ ; que, sur cette opération, il a reconnu : « finalement, j'ignore à qui et par qui ont été réglées ces 40 000 ¿ » ;
Considérant que, s'agissant de la société BHL, il a indiqué avoir effectué un état des salariés au moment de la déclaration de cessation des paiements et avoir vu le nom de Ahmed C..., parmi les salariés ; que, parmi les factures aux noms de sociétés, clientes de BHL, comme GL Transport, Sam Melik Distribution, Action Courses, Harry Trans, SBL, le gérant, Lotfi D... a reconnu, devant le juge d'instruction, que ces factures étaient non causées et que David X..., qui était l'expert-comptable de ces autres entreprises, « s'il cherchait à savoir, il pouvait savoir, même si je ne lui ai rien dit » ; que ce constat est d'autant plus réaliste que, parmi les factures, figurait, par exemple, une facture au nom de la société Sam Mélik de mai 2003 alors que celle-ci, cliente du cabinet X..., avait été liquidée en mars précédent ;

Considérant que, pour ce qui concerne la société ASB Services, ayant succédé à la société BHL, après liquidation de celle-ci, Lotfi D... a reconnu que son compte courant y était débiteur et n'avait été équilibré que par une fausse écriture, datée du 31 décembre 2005, pour un montant de près de 40 000 ¿, sur laquelle David X... n'avait pas demandé de justificatif ; que, de même, il a assuré que ce dernier n'ignorait pas l'existence du compte ouvert à la Caisse d'Epargne Ile de France ; que, d'une manière générale, le prévenu n'avait jamais appelé son attention sur ces irrégularités comptables ou l'absence de justificatifs et les abus de biens sociaux que ces irrégularités comptables révélaient ; que, d'ailleurs, il l'a lui même admis, lors de l'interrogatoire du 12 octobre 2007 à propos de la société BHL ;

Considérant que, sur la société Trans Avenir, David X... a indiqué que c'était avec Ahmed C... qu'il traitait, alors que le gérant de droit était Hicham Z... ; qu'il n'a pas contesté que cette société avait été créée peu avant la liquidation judiciaire de la société Action Trans, pour reprendre ses activités et que cette pratique était courante dans les sociétés de transports qui n'avaient qu'une existence de courte durée ; qu'il a expliqué avoir élaboré les statuts de la société ; qu'interrogé sur l'existence d'un compte courant au nom d'Ahmed C... en fin d'exercice 2005, alors qu'à cette date, celui-ci, gérant de fait, avait vendu ses parts d'associé, David X... a déclaré : « ce compte correspond pour moi à toutes les dépenses ou prélèvements non identifiés et sans justificatifs présentés par M C... et j'ai dit qu'il fallait le rembourser au plus vite en 2005 sinon ce compte est une anomalie comptable. » ; que, comme, dans le cas de la société Halte Sécurité, dans le grand livre de la société Trans Avenir, pour l'exercice 2005, la société Sogegaf apparaît bénéficiaire de deux virements d'un montant total de 13 500 ¿ alors que, dans les autres documents comptables, celle-ci n'apparaît pas avoir été cliente de la société à la même époque ; que, devant le juge d'instruction, face à ces irrégularités comptables, David X... a concédé : « je ne sais pas quoi vous dire, je ne m'en suis peut être pas aperçu. Maintenant que vous me le dites, oui, ça m'inspire que c'est une irrégularité. » ; qu'il ne s'est pas plus étonné de l'existence, sur deux exercices, 2004 et 2005, d'un compte courant débiteur à hauteur de 51 000 ¿, répondant à ce sujet au juge d'instruction : « le client me disait qu'il ne savait pas où étaient parties ces sommes.... je considérai que c'était le gérant qui les avait prises » ;
Considérant que, sur la société Action Trans, David X... n'a pas caché que le gérant de fait était Ahmed C..., avec lequel il était en contact, mais que la licence de transport était détenue par la gérante de droit, soeur de Hicham Z... ; qu'il ne s'est cependant pas étonné que Ahmed C... ne figure pas parmi les salariés de la société alors que, courant 2002 et 2003, jusqu'à la liquidation judiciaire de la société, il recevait régulièrement des sommes en espèces ou par chèques ; qu'il en était de même de Hicham Z... ;
Considérant que, pour la société SOGEGAF, David X... n'a pas su expliquer pourquoi les factures établies par celle-ci n'étaient pas détaillées et pourquoi, alors qu'aucun contrat de sous-traitance n'existait avec la société Halte Sécurité, des factures étaient adressées à cette dernière, l'objet de celles-ci étant, de l'aveu même de Ahmed C..., de détourner des fonds à son profit personnel ou de payer du personnel non déclaré ;
Considérant qu'en ce qui concerne la société civile immobilière LOGILUX, David X... a expliqué avoir établi les statuts et la déclaration de revenus fonciers ; qu'il ignorait que le prêt de 146 350 ¿ obtenu auprès de la Caisse d'Epargne IDF l'avait été à partir de faux documents produits par les deux associés, Ahmed C... et Hicham Z... ;
Considérant qu'à l'examen de l'ensemble de ces éléments, à l'exception de la société civile immobilière LOGILUX, il peut être déduit que, dans sa mission d'expert-comptable chargé de suivre, même sur une partie de leur existence, le fonctionnement comptable de ces entreprises, d'effectuer les déclarations sociales ou fiscales et de fournir à leurs dirigeants des conseils sur la régularité des écritures et documents comptables ou bancaires, David X... a largement failli par rapport à ses exigences professionnelles ; qu'il n'a pas pu, en effet, ignorer que ces sociétés étaient dirigées par d'autres personnes que les gérants de droit, que ceux-ci avaient recours à des systèmes de fausses factures ou écritures croisées et que ces irrégularités avaient pour but de dissimuler des paiements à des salariés non déclarés ou des détournements de sommes d'argent au profit personnel des gérants de fait ; qu'il ne pouvait pas se rendre compte de la dissimulation de salariés non déclarés au regard du ratio entre la masse salariale et le chiffre d'affaires, en particulier s'agissant d'entreprises de transport de proximité et de gardiennage ;
Considérant qu'interrogé à plusieurs reprises par les enquêteurs et le magistrat instructeur, David X... n'a pas été en mesure de fournir des explications cohérentes et crédibles de nature à rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'à l'inverse, tout en s'efforçant de minorer sa responsabilité, il a concédé ses défaillances et a même, à l'audience de la cour, fait état d'un contexte dont il était lui même dépendant ; que, par la même, alors qu'il lui appartenait de refuser les missions et prestations sollicitées par ses clients, il a reconnu, dans de nombreuses circonstances, pour les sociétés énumérées dans la prévention, à l'exception de la S C I LOGILUX, avoir avalisé et même accepté des écritures comptables irrégulières, sans justificatifs ou dénuées de toute réalité économique ; qu'il a également accepté de continuer d'apporter son concours en élaborant les statuts de nouvelles sociétés reprenant les activités de précédentes, fonctionnant sur les mêmes bases irrégulières et fallacieuses ; que, par un tel comportement, qui s'est poursuivi sur plusieurs années, avec les mêmes interlocuteurs dont il connaissait les méthodes, il a encouragé la poursuite des infractions dont il avait connaissance en établissant, sur la durée, des comptabilités et documents comptables dont il n'ignorait pas qu'ils ne correspondaient pas à la réalité économique des entreprises clientes ;
Considérant qu'il ne pouvait ignorer que de tels agissements étaient, d'une part, pour lui même et son cabinet, constitutifs de faux en écritures et usage de faux par la transmission de ces documents, erronés et fallacieux, à l'URSSAF et à l'administration fiscale et, d'autre part, d'abus de biens sociaux de la part des gérants de fait de ses entreprises et d'exécution de travail dissimulé, dont il se rendait, délibérément et en connaissance de cause, complice compte tenu de la nature de sa mission et de ses obligations professionnelles exigeant rigueur et d'apporter ses conseils aux clients ;
Considérant que c'est donc à tort qu'après avoir considéré que la complicité par aide ou assistance supposait un ou des actes antérieurs ou concomitants à la réalisation de l'infraction, le tribunal a relaxé David X... des faits de complicité d'abus de biens sociaux et de complicité d'exécution de travail dissimulé pour ne retenir à son encontre que les délits de faux et usage de faux ; qu'en effet, ayant l'obligation de vérifier, établir, redresser et apprécier la comptabilité de ses clients, en acceptant, sur une longue période, de prendre en compte des écritures irrégulières, fausses ou sans justificatifs, dont il avait conscience du caractère non conforme, d'en tirer lui même un profit personnel et en poursuivant sa collaboration avec les mêmes clients, gérants de fait de sociétés existantes ou de nouvelles sociétés reprenant les activités des précédentes, il confortait, facilitait et, surtout, compte tenu de leur persistance, encourageait, par son aide et assistance résultant de ses compétences techniques, les infractions commises par ceux-ci, alors que celles-ci causaient un préjudice à la collectivité nationale et aux associés et que, compte tenu de la nature de ses fonctions et de ses règles professionnelles, il avait le devoir de s'y opposer ;
Considérant que, dés lors, à l'exception des faits qui concerne la s c i Logilux, le jugement entrepris sera infirmé sur la relaxe partielle des chefs de complicité d'exécution de travail dissimulé et complicité d'abus de biens sociaux, David X... étant déclaré coupable de ces faits dans les termes de la prévention ; que la décision déférée sera, en revanche, confirmé sur les faits de faux et usage de faux ;
Considérant, sur la sanction, que David X... n'a jamais été condamné ; qu'il a indiqué, devant la cour, être installé à Saint Denis (93) depuis de longues années et que sa clientèle était, au moment des faits, constituée de petits entrepreneurs qu'il connaissait, pour certains, de longues dates, avec lesquels, étant lui même né au Maroc, l'unissaient des liens culturels ; qu'après avoir souligné qu'il vivait et évoluait dans un contexte particulier, où sévissent, dit il, des officines occultes de comptabilité, il n'a pas caché qu'il pouvait parfois être difficile de refuser les demandes de la clientèle ; qu'il est à souligner que les faits sont aujourd'hui relativement anciens et que, depuis, David X... n'a pas fait l'objet de nouvelles poursuites ;
Considérant que ces motifs ne suffisent cependant pas à minorer la responsabilité pénale du prévenu qui aurait dû, depuis longtemps, refuser de continuer d'apporter sa collaboration et fournir ses conseils à ces entrepreneurs, voire dénoncer ces irrégularités, auxquelles il lui était demandé de se prêter, aux autorités ; qu'infirmant la décision des premiers juges, plutôt qu'une peine d'emprisonnement, même assortie du sursis, ou une interdiction professionnelle, la cour décide de condamner David X..., qui a expliqué percevoir de ses activités professionnelles des revenus d'environ 7 000 ¿ par mois et avoir deux enfants à charge, à une amende correctionnelle de 30 000 ¿ ;

PAR CES MOTIFS :

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
¿ en ce qui concerne Rachid Y... :
donne acte à ce dernier et au ministère public de leur désistement d'appel,
¿ en ce qui concerne David X...,
infirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la relaxe partielle du chef de complicité d'abus de biens sociaux et complicité d'exécution de travail dissimulé pour ce qui concerne la société civile immobilière Logilux et la déclaration de culpabilité pour les faits de faux et usage de faux,
statuant à nouveau,
- déclare David X... coupable pour les faits, dans les termes de laprévention à l'exception de la société civile immobilière Logilux, de complicité d'abus de biens sociaux et complicité d'exécution de travail dissimulé,

- le condamne à une amende correctionnelle de 30 000 ¿

Si le condamné s'acquitte du montant des droits fixes de procédure et, s'il y a lieu, de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 ¿, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours et ce, en application de l'article 707-3 du code de procédure pénale. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées.

Et ont signé le présent arrêt, Monsieur LARMANJAT président et Madame LAMANDIN greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 22, 00 ¿ pour Monsieur Y...

Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 120, 00 ¿ Pour Monsieur X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13/03711
Date de la décision : 05/09/2014

Analyses

L'ensemble des éléments soumis à la Cour permettent de déduire que l'appelant, dans sa mission d'expert-comptable, a failli par rapport à ses exigences professionnelles. Il avait l'obligation de vérifier, établir, redresser et apprécier la comptabilité de ses clients et, qu'en acceptant, sur une longue période, de prendre en compte des écritures irrégulières, fausses ou sans justificatifs, dont il avait conscience du caractère non conforme, d'en tirer lui-même un profit personnel et en poursuivant sa collaboration avec les mêmes clients, gérants de fait de sociétés existantes ou de nouvelles sociétés reprenant les activités des précédentes, il confortait, facilitait et, surtout, compte tenu de leur persistance, encourageait, par son aide et assistance résultant de ses compétences techniques, les infractions commises par ceux-ci, alors que celles-ci causaient un préjudice à la collectivité nationale et aux associés et que, compte tenu de la nature de ses fonctions et de ses règles professionnelles, il avait le devoir de s'y opposer.La Cour infirme le jugement entrepris et déclare coupable le prévenu des chefs de complicité d'abus de biens sociaux et de complicité d'exécution de travail dissimulé


Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Versailles, 23 septembre 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2014-09-05;13.03711 ?
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