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24/06/2003 | FRANCE | N°02BX01905

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 24 juin 2003, 02BX01905


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 12 septembre 2002 et le mémoire à fin de sursis à exécution enregistré le 4 octobre 2002, présentés pour le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE, représenté par le président du conseil général ;

Le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 juillet 2002 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser au comité d'expansion de la Dordogne pris en la personne de son mandataire liquidateur, Maître Lombard, la somme de 1 929 197,76 euros représentant les tr

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Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 12 septembre 2002 et le mémoire à fin de sursis à exécution enregistré le 4 octobre 2002, présentés pour le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE, représenté par le président du conseil général ;

Le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 juillet 2002 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser au comité d'expansion de la Dordogne pris en la personne de son mandataire liquidateur, Maître Lombard, la somme de 1 929 197,76 euros représentant les trois quarts de l'insuffisance d'actif constatée à la liquidation judiciaire dudit comité, et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par Maître Lombard agissant en qualité de mandataire liquidateur du comité d'expansion de la Dordogne ;

3°) d'ordonner le sursis à exécution dudit jugement ;

Classement CNIJ : 54-04-03 B

54-05-03-01

54-06-04-01

60-01-02-02-02

60-01-03

60-04-02-01

4°) de condamner Maître Lombard ès qualité à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................................................…

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 25 janvier 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2003 :

- le rapport de M. de Malafosse ;

- les observations de Maître de la Gontrie, avocat du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE ;

- les observations de Maître Moulin-Boudard, avocat de Maître Lombard mandataire liquidateur du comité d'expansion de la Dordogne ;

- les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE :

Considérant que le jugement produit en annexe à sa requête par le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE est le jugement en date du 17 juillet 2002 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Maître Lombard agissant en qualité de mandataire-liquidateur la somme de 1 929 197,76 euros représentant les trois quarts de l'insuffisance d'actif, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ; qu'il ressort des écritures du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE que c'est bien ce jugement qu'il attaque ; que, dans ces conditions, la circonstance que, par suite d'une erreur matérielle, la requête mentionne la date du 22 juillet 2002 comme date du jugement attaqué est sans aucune incidence sur sa recevabilité ;

Sur la recevabilité de l'intervention du Crédit commercial du Sud-Ouest :

Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que le Crédit commercial du Sud-Ouest a déclaré devant le tribunal administratif et déclare devant la cour intervenir à l'instance en sa qualité de créancier du comité d'expansion de la Dordogne ; que toutefois, l'ensemble des créanciers de cet organisme sont représentés par Maître Lombard, désigné comme mandataire à la liquidation de ce comité et qui, en vertu de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985, a seul qualité pour agir au nom des créanciers ; que, par suite, le Crédit commercial du Sud-Ouest ne justifie pas d'un droit propre rendant recevables tant son intervention devant le tribunal administratif de Bordeaux dans l'instance introduite devant cette juridiction par Maître Lombard que son intervention devant la cour dans l'instance introduite par le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE contre le jugement rendu par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en tant que, par son article 1er, il déclare recevable l'intervention du Crédit commercial du Sud-Ouest, et de rejeter comme irrecevable l'intervention présentée par celui-ci devant la cour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 222-19 du code de justice administrative : la formation de jugement ou le président du tribunal peuvent, à tout moment de la procédure, décider d'inscrire une affaire au rôle du tribunal statuant dans l'une des formations prévues aux articles R. 222-20 et R. 222-21 ; qu'en vertu de ces dispositions, la demande présentée au tribunal administratif de Bordeaux a pu régulièrement, après avoir été inscrite et appelée à une audience en juin 2000 sans qu'aucun jugement n'ait été rendu à l'issue de celle-ci, être inscrite à une nouvelle audience le 3 juillet 2002 pour être jugée par la formation prévue au deuxième alinéa de l'article R. 222-20 dudit code ; qu'aucun texte ni aucun principe n'exige, dans un tel cas, qu'une ordonnance de renvoi soit prise et notifiée aux parties préalablement à cette nouvelle inscription, ni qu'une ordonnance de réouverture de l'instruction intervienne entre les deux audiences ; que les parties ont, d'ailleurs, entre ces deux audiences, produit des mémoires qui ont fait l'objet de communications par le greffe du tribunal ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucun texte, en particulier l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable, ni aucun principe ne faisait obligation au commissaire du gouvernement qui a conclu au cours de l'audience du 3 juillet 2002 de communiquer avant cette audience ses conclusions aux parties, quand bien même ces conclusions n'étaient pas identiques à celles prononcées au cours de l'audience de juin 2000 ;

Considérant en troisième lieu, qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que le tribunal administratif a visé l'ensemble des mémoires produits par les parties au cours de l'instance ; qu'il n'avait pas l'obligation de mentionner dans les visas de son jugement la première audience au cours de laquelle avait été appelée l'affaire ; que la circonstance que ce jugement ne vise pas la note en délibéré que le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE aurait produit après cette audience est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement, dès lors qu'il résulte des écritures du département que le contenu de cette note en délibéré a été intégralement repris dans un mémoire qui est visé par ce jugement ; que si le département mentionne l'existence d'autres notes en délibéré postérieures à l'audience qui s'est tenue en juin 2000, cette affirmation, dénuée de toute précision, n'est pas corroborée par les pièces du dossier ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que la demande présentée devant le tribunal administratif par Maître Lombard agissant en qualité de mandataire-liquidateur du comité d'expansion de la Dordogne tendait à obtenir la condamnation du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE sur le fondement de fautes commises par ce dernier dans la gestion dudit comité ; que, dès lors, ne saurait en tout état de cause être valablement opposée à cette demande une fin de non-recevoir tirée de ce que ces fautes avaient été initialement invoquées sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Au fond :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le comité d'expansion de la Dordogne a été créé sous la forme d'une association de la loi du 1er juillet 1901 par une délibération du conseil général de la Dordogne en date du 10 octobre 1989 dans le but de contribuer au développement économique du département ; que, depuis sa création jusqu'au prononcé de sa liquidation judiciaire le 10 juillet 1992, ce comité a eu pour président le président du conseil général ; que les instances de l'association autres que le bureau n'ont jamais été réunies ; que certains salariés de l'association étaient mis à la disposition du département ; que le département a assuré 99 % du financement de cet organisme ; que, par suite, en dépit de ce que les représentants du conseil général ne représentaient pas statutairement la majorité des membres du comité, la direction effective de cet organisme doit être regardée comme ayant été assurée continûment par le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que la gestion du comité d'expansion de la Dordogne, dont le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE avait en fait la maîtrise, s'est caractérisée par une absence de prévision annuelle des dépenses ainsi que de contrôle réel du bien-fondé et du montant de ces dépenses, auxquelles le département pourvoyait au coup par coup, par un recrutement d'agents sans rapport avec les besoins réels de l'organisme et à des conditions parfois excessivement favorables, par le recours à des avances de trésorerie auprès d'organismes de crédit dans l'attente du versement des subventions départementales ; qu'après avoir versé, en un peu plus de deux ans seulement, environ 33 millions de francs de subventions à ce comité, le département a cessé brutalement de pourvoir à ses dépenses ; que ces agissements constituent des fautes que le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE a commises en tant que collectivité assurant la direction effective du comité et qui, à ce titre, engagent sa responsabilité à l'égard des créanciers de ce comité, représentés par Maître Lombard ; qu'il en résulte que le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que sa responsabilité était engagée à l'égard desdits créanciers ;

Considérant, en revanche, qu'il n'apparaît pas, au vu des pièces du dossier, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif sur ce point, que les créanciers représentés par Maître Lombard aient fait preuve d'imprudence dans leurs relations avec le comité ; qu'en outre, eu égard au fait que le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE a assuré, comme il a été dit, la direction effective du comité depuis sa création jusqu'à sa liquidation, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu des fautes de gestion du comité venant en atténuation de la responsabilité du département ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à l'appel incident de Maître Lombard tendant à ce que le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE soit condamné à verser la somme de 2 572 263,72 euros, représentant la totalité non contestée de l'insuffisance d'actif constatée à la liquidation, et à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce sens ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que Maître Lombard ne saurait être regardé comme la partie perdante dans le présent litige ; que les conclusions du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE tendant à ce qu'il soit condamné au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

Considérant qu'en raison du caractère irrecevable de son intervention, les conclusions du Crédit commercial du Sud-Ouest tendant au paiement de frais irrépétibles doivent être rejetées ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE à verser à Maître Lombard, agissant en qualité de mandataire-liquidateur du comité d'expansion de la Dordogne, la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 18 juillet 2002 est annulé.

Article 2 : L'intervention du Crédit commercial du Sud-Ouest n'est pas admise.

Article 3 : La somme de 1 929 197,76 euros que le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE a été condamné par l'article 2 du jugement attaqué à verser au comité d'expansion de la Dordogne pris en la personne de son mandataire-liquidateur, Maître Lombard, est portée à 2 572 263,72 euros.

Article 4 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 ci-dessus.

Article 5 : Le DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE versera à Maître Lombard agissant en qualité de mandataire-liquidateur du comité d'expansion de la Dordogne la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE est rejeté.

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02BX01905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 02BX01905
Date de la décision : 24/06/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BÉLAVAL
Rapporteur ?: M. DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. REY
Avocat(s) : DE LA GONTRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2003-06-24;02bx01905 ?
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