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18/02/2010 | FRANCE | N°316774

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 18 février 2010, 316774


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michèle A veuve B, Mlle Flore B, M. Rémi B et M. Yvan B, demeurant tous ... ; les consorts B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël, annulé les articles 1 et 2 du jugement du 4 février 2005 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné cet établissement

leur verser des indemnités en réparation des préjudices qu'ils ont s...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michèle A veuve B, Mlle Flore B, M. Rémi B et M. Yvan B, demeurant tous ... ; les consorts B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël, annulé les articles 1 et 2 du jugement du 4 février 2005 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné cet établissement à leur verser des indemnités en réparation des préjudices qu'ils ont subis à la suite du décès de M. Claude C, leur époux et père ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat des consorts B et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Nice,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Tiffreau, avocat des consorts B et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Nice ;

Considérant que, saisi par Mme Michèle A veuve B et ses trois enfants d'une demande tendant à la condamnation, d'une part, du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël et, d'autre part, du centre hospitalier universitaire de Nice à leur verser des indemnités en réparation des préjudices ayant résulté pour eux du décès de M. Claude C, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 4 février 2005, déclaré le centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël responsable de la moitié des dommages subis par les requérants ; que le centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël a fait appel de ce jugement que, par les voies de l'appel incident et de l'appel provoqué, les consorts B ont demandé la condamnation des deux centres hospitaliers à réparer l'intégralité de leurs préjudices ; que, par son arrêt du 28 juin 2007, la cour administrative d'appel de Marseille a écarté la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël et rejeté les demandes des consorts B ; que ces derniers se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du rapport d'expertise que M. Claude C, alors âgé de 43 ans, a été hospitalisé en urgence au centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël 13 septembre 1996 pour des douleurs abdominales; que lors de l'intervention sous coelioscopie réalisée dans cet établissement, le chirurgien a provoqué une plaie du pédicule rénal qui, selon l'expert, a été négligée, voir dissimulée et qui a rendu nécessaire une nouvelle intervention au cours de laquelle il a été procédé à l'ablation du rein droit du patient ; que ce dernier a ensuite été transféré au centre hospitalier universitaire de Nice où un anévrisme du tronc coeliaque a notamment été découvert et traité efficacement par la pose d'un dispositif métallique ; que M. C a regagné son domicile le 28 octobre 1996 ; qu'il a subi le 2 juin 1998 à la clinique Saint-Antoine, établissement privé, une opération ayant notamment pour objet d'enlever un objet révélé par une radiographie et interprété comme une compresse oubliée au cours de l'une des interventions antérieures ; que la tentative d'enlever cet objet, qui n'était autre que le dispositif métallique mis en place au centre hospitalier universitaire de Nice, a provoqué une grave hémorragie ; que le patient a présenté au décours de l'intervention une pancréatite aiguë ; qu'il est décédé le 13 juin 1998 ;

Considérant qu'après avoir relevé que M. C était décédé d'une pancréatite aigüe post-traumatique consécutive à une dissection importante de la région coeliaque entreprise en raison d'un diagnostic erroné sur la présence d'un corps tissulaire, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que le dommage était exclusivement imputable à cette erreur ; que l'arrêt constate cependant, conformément au rapport de l'expert, que les fautes commises lors de l'intervention pratiquée au centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël le 13 septembre 1996 avaient entraîné, en raison de la néphrectomie qu'elles avaient rendue nécessaire, une insuffisance rénale qui avait aggravé l'état du patient lors de l'intervention pratiquée le 2 juin 1998 à la clinique Saint-Antoine ; qu'en jugeant que la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël n'était pas engagée, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les fautes commises lors de l'intervention du 13 septembre 1996 avaient eu pour conséquence directe une insuffisance rénale qui avait fait perdre à l'intéressé une chance de survivre à l'intervention du 2 juin 1998, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite être annulé ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 juin 2007 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille pour qu'il soit statué tant sur l'appel du centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël que sur l'appel incident des Consorts B dirigé contre cet établissement et sur leur appel provoqué dirigé contre le centre hospitalier universitaire de Nice.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Michèle A veuve B, à Mlle Flore B, à M. Rémi B et à M. Yvan B Mme Michèle A et Mlle Flore B, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, au centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël et au centre hospitalier universitaire de Nice, et au président de la cour administrative d'appel de Marseille.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316774
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - ERREUR DE DROIT - CARACTÈRE DIRECT DU LIEN DE CAUSALITÉ - ESPÈCE - SUCCESSION DE FAUTES MÉDICALES COMMISES PAR UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE SANTÉ PUIS PAR UNE CLINIQUE PRIVÉE - DÉCÈS DU PATIENT À LA SUITE DE LA DERNIÈRE OPÉRATION - PRATIQUÉE AU SEIN DE LA STRUCTURE PRIVÉE - LIEN DIRECT DE CAUSALITÉ ENTRE LE DOMMAGE FINAL ET LES FAUTES PRÉALABLES DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC QUI - AYANT AGGRAVÉ L'ÉTAT DU PATIENT LORS DE L'OPÉRATION FINALE - LUI ONT FAIT PERDRE UNE CHANCE SÉRIEUSE DE SURVIVRE À CELLE-CI.

54-08-02-02-01-01 Patient dont une première opération, réalisée en urgence dans un hôpital public, a été fautive et a rendu nécessaire un nouvelle opération dans le même établissement. Patient ensuite transféré dans un autre hôpital public, où une troisième opération traite, cette fois-ci efficacement, la pathologie dont il demeurait atteint. Mais, deux ans plus tard, une opération est conduite dans une clinique privée pour enlever un objet qui semblait avoir été oublié au décours des opérations précédentes. Cette dernière opération crée des complications et entraîne le décès du patient.... ...La cour avait jugé que le dommage final était exclusivement imputable à l'erreur de diagnostic commise par la clinique privée - aucun objet n'avait en fait été oublié et une opération n'était donc pas nécessaire. Mais le juge de cassation considère que les fautes commises antérieurement par l'hôpital public, lors des premières hospitalisations, avaient aggravé l'état du patient lors de l'intervention pratiquée à la clinique privée et que, de ce fait, le patient avait perdu une chance de survivre à l'opération pratiquée dans la clinique. Un lien de causalité directe est ainsi reconnu, et l'arrêt cassé pour erreur de droit.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - PRÉJUDICE - CARACTÈRE DIRECT DU PRÉJUDICE - EXISTENCE - SUCCESSION DE FAUTES MÉDICALES COMMISES PAR UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE SANTÉ PUIS PAR UNE CLINIQUE PRIVÉE - DÉCÈS DU PATIENT À LA SUITE DE LA DERNIÈRE OPÉRATION - PRATIQUÉE AU SEIN DE LA STRUCTURE PRIVÉE - DOMMAGE PRÉSENTANT UN LIEN DIRECT AVEC LES FAUTES PRÉALABLES DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC QUI - AYANT AGGRAVÉ L'ÉTAT DU PATIENT LORS DE L'OPÉRATION FINALE - LUI ONT FAIT PERDRE UNE CHANCE SÉRIEUSE DE SURVIVRE À CELLE-CI.

60-04-01-03-02 Patient dont une première opération, réalisée en urgence dans un hôpital public, a été fautive et a rendu nécessaire un nouvelle opération dans le même établissement. Patient ensuite transféré dans un autre hôpital public, où une troisième opération traite, cette fois-ci efficacement, la pathologie dont il demeurait atteint. Mais, deux ans plus tard, une opération est conduite dans une clinique privée pour enlever un objet qui semblait avoir été oublié au décours des opérations précédentes. Cette dernière opération crée des complications et entraîne le décès du patient.... ...La cour avait jugé que le dommage final était exclusivement imputable à l'erreur de diagnostic commise par la clinique privée - aucun objet n'avait en fait été oublié et une opération n'était donc pas nécessaire. Mais le juge de cassation considère que les fautes commises antérieurement par l'hôpital public, lors des premières hospitalisations, avaient aggravé l'état du patient lors de l'intervention pratiquée à la clinique privée et que, de ce fait, le patient avait perdu une chance de survivre à l'opération pratiquée dans la clinique. Un lien de causalité directe est ainsi reconnu, et l'arrêt cassé pour erreur de droit.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2010, n° 316774
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:316774.20100218
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