AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... a mis au monde, le 28 avril 2000, pendant son mariage avec M. X..., un enfant prénommé Mathieu que M. Y... avait reconnu, le 27 mars 2000, avant sa naissance ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Agen, 23 juillet 2003 ) d'avoir déclaré irrecevable son action en contestation de paternité légitime de l'enfant à l'égard de M. X... et d'avoir prononcé l'annulation de sa reconnaissance anténatale, alors, selon les moyens :
1 / que s'il est vrai que l'existence de tous les faits visés à l'article 311-2 du Code civil n'est pas nécessaire, la possession d'état doit être paisible, continue et elle ne peut être déduite que d'une réunion suffisante de ces faits indiquant un rapport de filiation entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; qu'en l'espèce, il était admis par l'ensemble des parties que Mme X... avait entretenu avec M. Y... une relation passionnelle connue de son mari, que les juges du fond ont en outre constaté que M. Y... avait reconnu avant même sa naissance l'enfant qu'il prétendait avoir conçu avec Mme X..., que de tels faits, qui étaient constants, affectaient notamment le caractère continu et paisible de la possession d'état revendiquée par les époux X... ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 311-1 et 311-2 du Code civil ;
2 / qu'en tout cas, les juges du fond ne pouvaient statuer comme ils l'ont fait, compte tenu des éléments de fait constants qui précèdent, sans répondre préalablement aux conclusions de M. Y... aux termes desquelles celui-ci faisait notamment valoir qu'après la naissance de l'enfant Mathieu, il avait persisté dans la volonté de reconnaître cet enfant comme étant son fils, notamment en prenant contact avec le conseil des époux X... afin de parvenir à une solution amiable, en rencontrant Mme X... et l'enfant Mathieu sur leur lieu de vacances le 20 juillet 2000, ou encore en prenant de leurs nouvelles de la bouche même de celle-ci suite à l'accident de voiture dont ils avaient été victimes le jour suivant ; qu'ainsi les juges du fond ont en toute hypothèse violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'il s'agit d'un principe directeur applicable dans tous les procès de filiation, qu'il s'ensuit qu'une telle expertise doit être ordonnée, peu important que l'enfant ait la possession d'état d'enfant légitime, qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 311-12, 322 et 334-9 du Code civil ;
4 / qu'à la supposer établie, la possession d'état ne fait présumer la filiation que jusqu'à preuve du contraire ; qu'une telle preuve peut résulter d'un examen biologique ; que dans la mesure où un tel examen est de droit, les juges du fond ne pouvaient refuser de l'ordonner, sauf à violer derechef les textes susvisés ;
5 / qu'une possession d'état d'enfant légitime conforme au titre de cet enfant ne saurait être assimilée au motif légitime justifiant qu'il ne soit pas procédé à une expertise biologique, qu'en décidant là encore le contraire, les juges de fond ont de nouveau violé les articles susvisés ;
6 / qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont rompu au détriment de M. Y... le droit à l'égalité des armes dans la mesure où ce faisant celui-ci s'est vu refuser une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves ; qu'ainsi les juges du fond ont violé l'article 6, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'avant la reconnaissance de l'enfant par M. Y..., M. X... avait parfaitement connaissance de la grossesse de sa femme et avait manifesté par tout son comportement qu'il considérait l'enfant à naître comme le sien, celui-ci étant présenté tant à la famille qu'aux tiers comme étant celui du couple X..., et qu'une possession d'état d'enfant légitime paisible et sans ambiguïté s'était ainsi constituée avant la reconnaissance, puis s'était poursuivie de façon continue pendant plusieurs années après la naissance de l'enfant ;
que la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la reconnaissance effectuée par M. Y... , le 27 mars 2000, même si elle était antérieure à la naissance, ne rendait pas recevable son action en contestation de paternité légitime et sa demande d'expertise biologique dès lors qu'il était justifié que cet enfant avait une possession d'état d'enfant légitime conforme à son titre de naissance ; que les moyens ne sont donc pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille six.