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03/12/2007 | FRANCE | N°06NT01418

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 décembre 2007, 06NT01418


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour la SA APROCHIM, dont le siège est ZI La Promenade, BP 13, à Grez-en-Bouere (53290), par Me de la Bretesche, avocat au barreau de Laval ; la SA APROCHIM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-951 du 16 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 274 011,77 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'application, par l'administration fiscale, d'une interprétation des dispositions relatives à l

a taxe sur la valeur ajoutée incompatible avec le droit communautaire...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour la SA APROCHIM, dont le siège est ZI La Promenade, BP 13, à Grez-en-Bouere (53290), par Me de la Bretesche, avocat au barreau de Laval ; la SA APROCHIM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-951 du 16 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 274 011,77 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'application, par l'administration fiscale, d'une interprétation des dispositions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée incompatible avec le droit communautaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme susvisée, augmentée des intérêts de droit à compter de la réception par le ministre de la réclamation préalable ainsi qu'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2007 :

- le rapport de M. Ragil, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;


Considérant que la SA APROCHIM, qui a pour objet le traitement et la décontamination de certains équipements électriques effectuait de tels travaux en sous-traitance pour le compte de la société espagnole Rymoil, qui l'avait désignée comme son représentant fiscal, sur le fondement des dispositions de l'article 289 A du code général des impôts, pour accomplir les formalités relatives aux opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France, à compter du 1er janvier 1997 jusqu'au 31 janvier 2000, date à laquelle la société requérante a renoncé à son activité de représentant fiscal ; que la SA APROCHIM a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1997 au 31 mars 1999 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le 20 septembre 1999, le service a estimé que les opérations de traitement des déchets matériellement exécutées en France devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et a notifié à la SA APROCHIM, en sa qualité de représentant fiscal de la société Rymoil les redressements correspondants, tout en rejetant, dans le même temps, les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui lui étaient présentées ; qu'il est constant que cette remise en cause résultait d'un refus de l'administration fiscale, fondé sur son interprétation des dispositions du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, de rembourser aux assujettis établis dans un Etat membre autre que la France, titulaires d'un contrat principal portant sur une prestation de service complexe en matière d'élimination de déchets, la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par eux à l'Etat français lorsqu'ils avaient sous-traité à un assujetti établi en France une partie des travaux relevant d'un tel contrat ; que, par un arrêt en date du 25 janvier 2001 (C- 429/97, Commission des Communautés européennes c/ France), la Cour de justice des communautés européennes a estimé que la France, en édictant et en appliquant la doctrine susmentionnée, avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'à la suite de cet arrêt, une instruction administrative du 7 juin 2001 a modifié la doctrine administrative antérieure ; que, le 26 juin 2001, le directeur des services fiscaux de la Mayenne a fait droit à la réclamation de la SA APROCHIM, prononcé les dégrèvements sollicités et accordé le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée jusque-là refusés ; que la SA APROCHIM sollicite la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 274 011,77 euros, en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis, en sa qualité de représentant fiscal de la SA Rymiol, à raison de l'interprétation des dispositions du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts à laquelle s'était livrée l'administration, lors des années en litige ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que les conclusions d'appel de la société requérante sont fondées sur l'illégalité commise par l'administration fiscale et reposent ainsi sur la même cause juridique que celle invoquée devant les premiers juges ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée par le ministre de ce qu'elles constitueraient une demande nouvelle irrecevable doit être écartée ;

Considérant qu'il résulte de l'arrêt ci-dessus analysé de la Cour de justice des communautés européennes que l'interprétation de la loi fiscale dont l'administration a fait application est constitutive d'un manquement à une obligation incombant à l'Etat, de nature, par lui-même, à engager sa responsabilité sans que puisse être utilement invoquée la circonstance que ce manquement ne pourrait, eu égard à la complexité des situations de fait et de droit, être considéré comme une violation caractérisée et délibérée des dispositions communautaires ni, encore moins, être considéré comme constituant une faute lourde ;

Sur le préjudice et l'indemnité :

Considérant, en premier lieu, que le refus d'accorder le bénéfice des dispositions de la huitième directive aux entreprises chargées du traitement de déchets établies dans un autre Etat-membre qui faisaient appel à des sous-traitants français pour éliminer de tels déchets a nui au maintien et a entravé le développement des activités des entreprises françaises concernées ; que si la SA APROCHIM ne produit pas des éléments de nature à établir le montant de l'indemnité qu'elle réclame, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en indemnisant le préjudice qu'elle a subi de ce chef à hauteur d'une somme globale de 40 000 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la SA APROCHIM fait valoir qu'elle a dû acquitter, en raison du contrôle fiscal diligenté, des honoraires d'expert-comptable et d'avocat et des frais d'hypothèque en garantie du recouvrement des rappels litigieux, elle n'établit pas, pour autant, l'existence d'un lien de causalité entre de tels frais, et le manquement ci-dessus analysé sauf en ce qui concerne les frais d'hypothèque ; qu'il y a lieu de lui accorder à ce titre une indemnité de 500 euros ; que les autres chefs de préjudice invoqués par la requérante et tirés notamment de l'existence de difficultés rencontrées, en particulier, avec des établissements bancaires ne sont pas assortis de précisions et de justifications suffisantes ;

Considérant, enfin, que la société requérante a droit aux intérêts de la somme de 40 500 euros à compter du 9 décembre 2002, date de sa demande de réparation adressée à l'administration ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SA APROCHIM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA APROCHIM et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 03-951 du 16 mai 2006 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SA APROCHIM une somme de 40 500 euros (quarante mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts.
Article 3 : La somme de 40 500 euros (quarante mille cinq cents euros) portera intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 2002.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à la SA APROCHIM une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA APROCHIM et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


N° 06NT01418
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01418
Date de la décision : 03/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Roland RAGIL
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : DE LA BRETESCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-12-03;06nt01418 ?
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