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08/04/2008 | FRANCE | N°07NT01995

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 avril 2008, 07NT01995


Vu la requête enregistrée le 10 juillet 2007, présentée pour M. Patrick X demeurant ..., par Me Bernard, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-2381 du 10 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2001 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a autorisé l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) de la Champagne à exploiter un élevage de porcs au lieudit “La Haute Morandière” sur le territoire de la commune de Vitré, ensem

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Vu la requête enregistrée le 10 juillet 2007, présentée pour M. Patrick X demeurant ..., par Me Bernard, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-2381 du 10 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2001 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a autorisé l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) de la Champagne à exploiter un élevage de porcs au lieudit “La Haute Morandière” sur le territoire de la commune de Vitré, ensemble, la décision préfectorale du 30 décembre 2003 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

Vu l'arrêté ministériel du 7 février 2005 modifié, fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de porcs soumis à déclaration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2008 :

- le rapport de Mme Buffet, rapporteur ;

- les observations de Me Lemonnier, substituant Me Bernard, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 10 mai 2007, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2001 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a autorisé l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) de la Champagne à exploiter un élevage de porcs au lieudit “La Haute Morandière” sur le territoire de la commune de Vitré, “à plus de 100 mètres des habitations des tiers, à l'exception de trois habitations” situées, respectivement, à 80 mètres, 51 mètres et 20 mètres, et de la décision préfectorale du 30 décembre 2003 rejetant son recours gracieux ; que M. X interjette appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a jugé “que lorsqu'il est saisi d'une déclaration, le préfet est tenu d'en délivrer récépissé ; que la régularité d'un tel récépissé ne peut être contestée qu'aux moyens du caractère frauduleux de la déclaration, de ce que l'autorisation aurait été nécessaire ou de ce que la déclaration aurait été irrégulièrement reçue (...) ; que malgré les termes impropres d'autorisation employés par l'arrêté litigieux, l'installation de l'EARL de la Champagne était soumise à déclaration ; que les moyens tirés par M. X de ce que l'établissement en cause présenterait des inconvénients pour (...) la salubrité publique sont ainsi inopérants” ; que ce faisant, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que l'élevage de l'EARL de la Champagne ne respectait pas les règles applicables en matière d'apports azotés ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer sur ce moyen ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 512-8 du code de l'environnement : “Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1.” ; qu'aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : “I - Les décisions prises en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 513-1 à L. 514-2, L. 514-4, L. 515-13 I et L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Elles peuvent être déférées à la juridiction administrative : 1º Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois qui commence à courir du jour où lesdits actes leur ont été notifiés ; 2º Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, dans un délai de quatre ans à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes (...)” ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 21 septembre 1977 susvisé : “Si le déclarant veut obtenir la modification de certaines prescriptions applicables à l'installation, il adresse une demande au préfet qui statue par arrêté. Les arrêtés pris en application de l'alinéa précédent (...) sont pris sur le rapport de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental d'hygiène. (...)” ;

Considérant que l'arrêté du 1er février 2001 du préfet d'Ille-et-Vilaine a été pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 21 septembre 1977, lesquelles autorisent la modification de certaines prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration ; qu'un tel arrêté constitue une modalité de mise en oeuvre du régime de la déclaration institué par l'article L. 512- 8 du code de l'environnement et a, ainsi, la nature d'une mesure prise en application dudit article ; qu'il s'ensuit qu'il peut être déféré à la juridiction administrative par les tiers dans le délai de quatre ans prévu par les dispositions précitées de l'article L. 514- 6 du code de l'environnement ;

Considérant que la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2001 du préfet d'Ille-et-Vilaine, a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Rennes le 9 juillet 2004 ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la date de publication ou d'affichage de l'arrêté litigieux, ladite demande n'était pas tardive ;

Considérant, d'autre part, que dans le cas où une décision expresse de rejet est notifiée à l'auteur du recours administratif avant l'expiration du délai au terme duquel une décision implicite est susceptible de naître, le nouveau délai pour se pourvoir court à compter de cette notification, même si celle-ci ne comporte pas la mention des voies et délais de recours ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que la décision préfectorale du 30 décembre 2003 rejetant le recours gracieux formé par M. X a été notifiée à l'intéressé le 2 janvier 2004 ; que, par suite, et alors même qu'elle ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, la demande de M. X tendant à l'annulation de cette décision préfectorale de rejet de son recours gracieux, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Rennes le 9 juillet 2004, était tardive et donc irrecevable ;

Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2001 du préfet d'Ille-et-Vilaine :

Considérant qu'ainsi il vient d'être dit, les décisions prises sur le fondement de l'article 30 du décret du 21 septembre 1977, qui autorise la modification de certaines prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration, doivent être regardées comme des décisions prises en application de l'article L. 512-8 du code de l'environnement ; qu'elles sont donc soumises, en vertu des dispositions précitées de l'article L 514-6 de ce code, à un contentieux de pleine juridiction ; que, par suite, il revient au juge de faire application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle il statue ;

Considérant qu'aux termes de l'annexe I à l'arrêté ministériel du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de porcs soumis à déclaration : “(...) 2-1 Règles d'implantation des bâtiments 2-1-1 Règles générales (...) Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers. (...) ou des locaux habituellement occupés par des tiers (...) 2-1-4 Cas des élevages existants. Les dispositions du 2-1-1 (...) ne s'appliquent, dans le cas des extensions des élevages en fonctionnement régulier, qu'aux nouveaux bâtiments d'élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s'appliquent pas lorsque l'exploitant doit, pour mettre en conformité son installation avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou aménager ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité (...)” ; que cet arrêté ne prévoit, hormis les cas prévus au 2-1-4, s'agissant des élevages porcins, aucune possibilité de dérogation individuelle à la règle de distance de 100 mètres qu'il édicte ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 6 janvier 1999, l'EARL de la Champagne a demandé au préfet d'Ille-et-Vilaine l'autorisation d'exploiter un élevage porcin, respectivement, à 51 mètres et 80 mètres de deux maisons d'habitation occupées par des tiers, dont la première est la propriété de M. X ; qu'elle a déposé, le 15 janvier 1999, un dossier de déclaration en vue de l'exploitation d'un élevage de 440 porcs à l'engraissement “avec demande de dérogation pour l'exploitation de la porcherie située à moins de 100 mètres des tiers” relevant de la rubrique 2102 de la nomenclature des installations classées ; qu'il n'est pas contesté que la demande présentée par l'EARL de la Champagne ne porte, ni sur l'extension d'un élevage existant, ni sur la mise en conformité de son installation, de sorte que ne sont pas applicables les dispositions précitées du 2-1-4 de l'annexe I à l'arrêté ministériel du 7 février 2005 ; que les dispositions du 2-1 de ladite annexe ne prévoyant, ainsi qu'il a été dit plus haut, s'agissant des élevages porcins, aucune autre possibilité de dérogation individuelle à la règle de distance de 100 mètres qu'il énonce, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne pouvait légalement par l'arrêté 1er février 2001 contesté, pris en application de l'article 30 du décret du 21 septembre 1977, autoriser l'EARL de la Champagne à exploiter un élevage de porcs, respectivement, à 80 mètres, 51 mètres et 20 mètres de trois maisons habitées par des tiers ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'arrêté préfectoral du 1er février 2001 autorisant l'EARL de la Champagne à exploiter un élevage de porcs au lieudit “La Haute Morandière” sur le territoire de la commune de Vitré à moins de 100 mètres d'habitations occupées par des tiers, est entaché d'illégalité et doit être annulé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 décembre 2003 du préfet d'Ille-et-Vilaine rejetant son recours gracieux, d'autre part, que l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er février 2001 autorisant l'EARL de la Champagne à exploiter un élevage de porcs au lieudit “La Haute Morandière” sur le territoire de la commune de Vitré à moins de 100 mètres d'habitations habitées par des tiers ;

Sur les conclusions tendant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à l'EARL de la Champagne la somme que cette dernière demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 mai 2007 du Tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2001 du préfet d'Ille-et-Vilaine.

Article 2 : L'arrêté du 1er février 2001 du préfet d'Ille-et-Vilaine est annulé.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de l'EARL de la Champagne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick X, à l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Champagne et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Une copie en sera, en outre, adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

N° 07NT01995

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NT01995
Date de la décision : 08/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-04-08;07nt01995 ?
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