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29/01/2009 | FRANCE | N°08DA00450

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 janvier 2009, 08DA00450


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Frédérique X, demeurant ..., par Mes Donguy et Trucy ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703471 du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des imposi

tions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des frais supp...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Frédérique X, demeurant ..., par Mes Donguy et Trucy ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703471 du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des frais supportés à l'occasion de la présente procédure en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 69 à L. 70 du livre des procédures fiscales ne lui était pas applicable ; qu'en effet, elle avait répondu dans les délais impartis et de façon suffisamment précise à l'ensemble des demandes d'éclaircissements et de justifications qui lui ont été présentées ; que les premiers juges n'étaient pas fondés à se référer à la situation fiscale de son concubin qui a fait l'objet de diverses procédures de rectification en sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés ; que la réalité de la vie maritale de l'exposante avec M. Y est incontestablement établie par les pièces versées au dossier alors même qu'avec son concubin, ils ont une domiciliation distincte ; que les versements objet du litige effectués par son concubin ont la nature de dépôts et ne constituent pas des revenus imposables au titre de prétendus revenus d'origine indéterminée ; que ces dépôts s'expliquent par le but légitime entre concubins de regrouper leurs revenus et leurs économies sur des comptes uniques afin de faciliter la gestion de leur vie quotidienne ; que les biens qu'elle a acquis et, en particulier, deux motos et un bateau l'étaient pour le compte de M. Y et pour l'usage commun du couple ; qu'il était seul détenteur du permis moto ; que l'origine des sommes versées constitue un débat totalement distinct du litige ; que les majorations pour manquement délibéré sont injustifiées dès lors qu'elle n'a commis aucune faute ou dissimulation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, tendant au rejet de la requête ; il soutient qu'en réponse à la demande d'éclaircissements et de justifications du 18 janvier 2006, Mlle X s'est contentée d'affirmer, sans aucune justification, que les sommes litigieuses résultaient de versements effectués par M. Y et avaient la nature de dépôts ; que, donc, c'est à juste titre que le service vérificateur a, par une mise en demeure du 24 avril 2006 invité Mlle X à appuyer ses allégations par tout moyen de preuve écrite ; qu'elle n'a fourni que quelques relevés bancaires de M. Y ainsi que des attestations établies sur papier libre, et dépourvues de date certaine ; qu'en outre, les relevés produits ne concernent que sept opérations sur treize qui correspondent à 91 860 euros des 207 910 euros de crédits litigieux ; que, par suite, la procédure mise en oeuvre qui était régulière a eu pour conséquence de mettre la preuve à la charge de la contribuable ; qu'en l'absence de domicile commun et de tout autre élément de nature à justifier l'existence d'une communauté de vie entre M. Y et Mlle X, la situation de concubinage n'est pas établie au titre de l'année litigieuse ; que les éventuelles dépenses de santé et d'avocat qui auraient été acquittées par M. Y ne sont appuyées d'aucune pièce justificative ; que, dès lors que la situation de concubinage n'est pas avérée, la requérante n'est pas fondée à revendiquer le caractère de prêt familial des sommes versées sur son compte par M. Y ; que Mlle X est juridiquement seule propriétaire des sommes dès leur inscription au crédit de son compte ; qu'elle en a pleinement disposé en procédant personnellement à l'acquisition d'un bateau, d'un véhicule 4x4 et de motos alors même qu'elle fait valoir que seul son concubin était détenteur du permis moto ; qu'au cas particulier, la notion de prêt familial n'est pas recevable ; qu'en ce qui concerne la seule année 2004, c'est une somme de près de 97 360 euros qui aurait été accordée sous forme de dépôts par M. Y alors que les sommes déclarées par Mlle X (6 984 euros) et M. Y ne permettent pas d'expliquer des mouvements financiers d'une telle ampleur ; que le reste des crédits bancaires en litige, soit au total 110 550 euros, n'a, en tout état de cause, pas été justifié ; qu'à titre subsidiaire, dès lors que la requérante n'a été privée d'aucune des garanties prévues par la procédure contradictoire, l'administration est en droit de demander la confirmation du

bien-fondé de l'imposition, le cas échéant, dans le cadre d'une substitution de base légale ; que compte tenu de l'importance des sommes et du caractère répété des mouvements bancaires, la requérante ne pouvait ignorer avoir perçu de telles sommes, ni leur disproportion avec les revenus déclarés ; que, par suite, les rectifications proposées ont été à juste titre assorties des pénalités prévues en cas de manquement délibéré ; que la demande de remboursement de frais de procédure que Mlle X se réserve de chiffrer avant la clôture de l'instruction ne peut être que rejetée ;

Vu le premier mémoire en réplique, enregistré le 25 juillet 2008, présenté pour

Mlle X, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ; elle ajoute que le montant de ses revenus déclarés au titre de l'année 2004 ne présente aucune pertinence et n'a aucune incidence dans le cadre du présent litige ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 décembre 2008 présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ; il souligne que la circonstance que Mlle X ait reversé à M. Y les sommes de 7000 euros et 7500 euros en octobre et en novembre 2006 est sans incidence, dès lors, notamment que ces reversements ont été effectués postérieurement à l'année litigieuse et surtout, postérieurement au contrôle objet du présent litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse,

président-assesseur et Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller :

- le rapport de Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller ;

- les observations de Me Trucy, pour Mlle X ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2002 à 2004, Mlle X a été assujettie à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2004 en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales à raison de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires ; qu'elle fait régulièrement appel du jugement du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) » ; que l'article L. 16 A du même livre dispose que : « les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. » ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 69 du même livre : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. » ;

Considérant que, par une première demande en date du 18 janvier 2006, l'administration, après avoir constaté en 2004 un excédent de crédits bancaires supérieur au double de ses revenus déclarés, a demandé à Mlle X de justifier de l'origine des sommes portées sur les trois comptes bancaires ouverts à son nom à l'agence de Boulogne-sur-Mer de la Banque Scalbert Dupont, pour un montant de 207 910 euros, correspondant à treize crédits enregistrés sous la forme de virements, de remises de chèques ou d'espèces ; que Mlle X ayant répondu, par courrier en date du 17 mars 2006, que lesdites sommes lui avaient été versées par M. Y, son concubin, à titre de dépôt, l'administration a estimé que sa réponse était insuffisante et a adressé à Mlle X, le 24 avril 2006, une mise en demeure lui précisant qu'à défaut de réponse ou de réponse insuffisante dans un délai de trente jours, l'imposition serait établie d'office en application des articles L. 69 et L. 73 du livre des procédure fiscales ; que, par courrier en date du 24 mai 2006, Mlle X a repris les mêmes explications, à savoir que ces sommes lui avaient été versées à titre de dépôt par son concubin afin de faciliter la gestion de leur vie commune ; qu'elle a produit des relevés de comptes de M. Y, des attestations de tiers selon lesquelles elle était la concubine de ce dernier ainsi que des attestations rédigées par elle-même selon lesquelles les sommes lui étaient remises à titre de dépôt et ne pourraient être dépensées qu'avec l'accord de M. Y, lequel pourrait exiger la restitution des sommes non dépensées, enfin des extraits de ses propres comptes identifiant selon elle les dépenses qu'elle aurait prises en charge pour le compte de ce dernier ; que l'administration estimant cette réponse insuffisante a procédé à la taxation d'office des sommes en litige ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X, en réponse aux demandes de l'administration, n'a produit aucun document, notamment de nature bancaire, de nature à justifier de l'origine de cinq des treize opérations sur lesquelles elle était interrogée ; que, pour les huit autres opérations d'un montant total de 91 860 euros, les relevés de comptes de

M. Y qu'elle a produits le 24 mai 2006, établissent, compte tenu de la corrélation qu'ils font apparaître dans les dates et les montants, entre, d'une part, les retraits et les virements émis par ce dernier et, d'autre part, les virements reçus ou les chèques encaissés par elle, que ces crédits correspondent à des versements de M. Y ; que, toutefois, en se bornant pour justifier de la cause de ces versements à soutenir que M. Y était son concubin, sans apporter d'autres éléments à l'appui de cette allégation que les attestations susmentionnnées, sans date certaine et sans valeur probante, alors qu'elle a, par ailleurs, admis dans sa réponse du 17 mars 2006 qu'ils ne partageaient pas le même domicile et que M. Y ne percevait, depuis l'accident de la route dont il a été victime en 2003, pour seuls revenus que des indemnités journalières dont le montant de 5 000 euros par mois ne lui permettait pas de procéder à des versements d'une telle ampleur, Mlle X n'a pas mis l'administration en mesure d'apprécier, en procédant éventuellement à des investigations supplémentaires, la nature et, par suite, le caractère imposable ou non des sommes en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que sa réponse était assimilable à un défaut de réponse et a eu recours à la procédure de taxation d'office ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que Mlle X soutient que les sommes en litige doivent bénéficier de la présomption de prêt familial et, qu'en tout état de cause, elles ne lui avaient été remises qu'à titre de dépôt par son concubin dans le but de regrouper leurs revenus et leurs économies sur des comptes uniques afin de faciliter la gestion de leur vie quotidienne ; que, toutefois, les trois attestations datées respectivement des 30 avril, 1er mai et 3 mai 2007, émanant de sa mère et de deux autres personnes présentées comme des amis du couple, ne suffisent pas à justifier de l'existence de relations stables et continues avec M. Y ; qu'en se bornant à faire référence, sans autre précision, aux difficultés personnelles que connaissait en 2004 M. Y, liées à son divorce, elle n'apporte pas d'explication convaincante sur le fait qu'ils ne partageaient pas le même domicile ; que la preuve du lien de concubinage n'est pas davantage apportée par les extraits de ses comptes bancaires qui, en l'absence de toute pièce justificative des dépenses exposées, ne suffisent pas à établir qu'elle aurait pris en charge certains frais, notamment d'avocat ou de santé, exposés par M. Y ; que la requérante n'est donc pas fondée à se prévaloir de la présomption de prêt qui s'attache aux versements effectués entre les membres d'une même famille ; que les trois attestations de reconnaissance de dettes rédigées sur papier libre et sans date certaine qu'elle a signées ne suffisent pas à établir l'origine, ni par suite, le caractère non-imposable des sommes qui lui ont été versées par M. Y ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces sommes dans le revenu imposable de Mlle X ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) » ;

Considérant que l'administration, en faisant état de l'importance des sommes versées en 2004 sur les comptes bancaires de Mlle X pour un montant total de 207 350 euros, dont cette dernière ne pouvait ignorer qu'elles étaient imposables, et de la disproportion avec ses revenus déclarés pour 6 984 euros au titre de la même année, établit l'intention délibérée de la requérante de soustraire lesdites sommes au paiement de l'impôt ; que c'est ainsi à bon droit que l'administration a assorti les rectifications en cause de la majoration de 40 % prévue aux termes des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que Mlle X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Frédérique X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

N°08DA00450 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00450
Date de la décision : 29/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Elisabeth Rolin
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-01-29;08da00450 ?
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