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16/02/2009 | FRANCE | N°08PA02174

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 16 février 2009, 08PA02174


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2005, présentée pour la Société PAGES JAUNES, dont le siège est sis 7 avenue de la Cristallerie à Sèvres (92317 cedex), par Me Saïd ; la Société PAGES JAUNES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0311448/3 en date du 18 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 4 juin 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision en date du 12 décembre 2002 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementa

le du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Hauts-de-Se...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2005, présentée pour la Société PAGES JAUNES, dont le siège est sis 7 avenue de la Cristallerie à Sèvres (92317 cedex), par Me Saïd ; la Société PAGES JAUNES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0311448/3 en date du 18 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 4 juin 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision en date du 12 décembre 2002 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Hauts-de-Seine lui refusant l'autorisation de licencier M. Jean-Luc X, et lui a accordé ladite autorisation ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu l'arrêt n° 05PA03275 du 25 avril 2007 portant rejet de la requête de la société PAGES JAUNES ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2009 :

- le rapport de M. Luben, rapporteur,

- les observations de Me Said pour la société PAGES JAUNES et celles de Me Chalon pour M. X,

- les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement,

- et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 8 janvier 2009 pour M. X ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement des délégués du personnel, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

Considérant que la société PAGES JAUNES a sollicité de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Hauts-de-Seine l'autorisation de licencier pour motif économique M. X, conseiller commercial ayant la qualité de délégué du personnel et de représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'inspecteur du travail ainsi saisi a rejeté cette demande par une décision en date du 12 décembre 2002 ; que, sur recours hiérarchique, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a, le 4 juin 2003, annulé ladite décision et accordé l'autorisation sollicitée ;

Considérant, en premier lieu, que le projet de réorganisation commerciale élaboré par la société PAGES JAUNES au cours de l'année 2001 se présentait comme ayant pour finalité première de faire face à l'apparition de concurrents dans le secteur des annuaires sur Internet, au développement des portails d'information locaux, au succès croissant des services de renseignement des opérateurs de téléphonie mobile et à l'offre très diversifiée en matière de création de sites Internet pour les particuliers ou les entreprises ; que les orientations stratégiques dudit projet visaient à conserver les parts de la société requérante au sein d'un marché publicitaire en pleine évolution ; qu'il comportait à cette fin tant des mesures de modification des conditions de rémunération des salariés que de création de postes, de réorganisation des équipes commerciales et de redéploiement géographique des effectifs ; qu'enfin, en dépit de sa position de leader incontesté sur le marché des annuaires, de son excellente santé financière et du redéploiement réussi de son activité sur les nouveaux supports, la rapidité des évolutions technologiques et du développement concomitant de nouveaux acteurs du marché publicitaire faisait peser une menace réelle sur la compétitivité de la société PAGES JAUNES, seule société du groupe France Télécom dans ce secteur d'activité ; que, par suite, le licenciement de M. X consécutif à son refus des modifications de son contrat de travail prévues par ledit projet de réorganisation commerciale doit être regardé comme justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et, donc, comme reposant sur une cause économique sérieuse ;

Considérant, en second lieu, que pour apprécier le caractère suffisant des efforts de reclassement déployés par l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement, il convient de tenir compte de ce que l'ensemble des contrats de travail des 930 conseillers commerciaux que comptait la société PAGES JAUNES - qui étaient les salariés les mieux rémunérés de l'entreprise - ayant fait l'objet d'une proposition de modification, la société ne pouvait proposer aucun poste équivalent, au titre du reclassement, aux conseillers commerciaux ayant refusé une telle modification, mais simplement rechercher des possibilités de réemploi sur des postes de catégorie inférieure ; que la société PAGES JAUNES a proposé à M. X, au titre du reclassement interne, trois postes (des postes de conseiller commercial, un poste de « responsable de ventes télévente prospects » à Lyon et un poste de responsable de clientèle à Grenoble), et un poste au titre du reclassement externe (conseiller commercial média dans la direction commerciale de la société Kompass, filiale de la société PAGES JAUNES, dans la région de Valence) ; que, si le premier emploi proposé au titre du reclassement - des postes de conseiller commercial - était celui-là même dont M. X avait refusé la modification du contrat de travail et ne pouvait dès lors être regardé comme une proposition sérieuse de reclassement et si, de même, le poste de responsable de clientèle à Grenoble, qui demandait une qualification très inférieure à son précédent poste et comportait une baisse importante de sa rémunération antérieure, ne constituait pas ainsi une proposition sérieuse de reclassement, en revanche, le poste de « responsable de ventes télévente prospects » à Lyon, bien qu'il ait comporté une diminution sensible de sa rémunération, pouvait être pris en considération au titre des offres de reclassement interne, tandis que le poste de conseiller commercial média dans la direction commerciale de la société Kompass dans la région de Valence constituait une proposition de reclassement externe qui pouvait être regardée comme sérieuse ; que la circonstance que ce premier emploi a été proposé presque simultanément à dix autres salariés et que le second a été proposé le même jour à un autre salarié qui se trouvait dans la même situation que M. X ne saurait faire considérer comme insuffisante la procédure de recherche de reclassement, alors, au contraire, qu'il était de l'intérêt même des nombreux salariés à reclasser de se voir proposer simultanément les mêmes postes, dès lors que lesdits étaient de nature à leur convenir ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce et eu égard notamment à l'absence de postes équivalents à celui précédemment détenu par le salarié, la société PAGES JAUNES doit être regardée comme s'étant acquittée de l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail, applicable à la date de la décision attaquée : « Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre compétent, saisi d'un recours hiérarchique sur une décision prise par l'inspecteur du travail ou l'autorité qui en tient lieu dans le cadre de l'article L. 627-5 du code de commerce ou de l'article 29 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, vaut décision de rejet. » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une décision d'autorisation de licenciement prise par le ministre compétent sur recours hiérarchique n'est légale que si ledit recours hiérarchique a été présenté par l'employeur lui-même ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom ;

Considérant que le recours hiérarchique dirigé contre la décision en date du 12 décembre 2002 de l'inspecteur du travail a été adressé par M. André Y, directeur des ressources humaines de la société PAGES JAUNES, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité reçu par lui le 1er février 2003 ; qu'il ressort clairement des pièces du dossier que, de par ses fonctions, M. Y était le représentant du chef d'entreprise et avait ainsi qualité pour saisir le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité dudit recours hiérarchique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision en date du 4 juin 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 20 juin 2001 applicable à la date de la décision attaquée : « Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que le salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet (...) » ;

Considérant, d'une part, que, sous réserve de dispositions législatives et réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit, si elle est entachée d'illégalité, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que sont au nombre des dispositions réglementaires contraires celles prévues par l'article R. 436-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 20 juin 2001, applicable en l'espèce, en vertu desquelles le ministre, saisi d'un recours hiérarchique dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de l'inspecteur du travail, dispose d'un délai de quatre mois pour statuer, son silence à l'expiration de ce délai valant rejet du recours ; qu'il suit de là que le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a pu légalement, par la décision litigieuse explicite en date du 4 juin 2003, retirer la décision implicite de rejet née le 1er juin 2003, annuler la décision de l'inspecteur du travail et accorder l'autorisation de licenciement sollicitée en se fondant sur des motifs de légalité ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision en date du 4 juin 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité serait intervenue tardivement ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que la décision implicite de rejet ainsi retirée doit être réputée avoir été prise par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité alors que la décision litigieuse explicite en date du 4 juin 2003 est signée du directeur des relations du travail, M. Jean-Denis Z, est sans incidence sur sa régularité dès lors que, par un arrêté en date du 21 mai 2002, publié au Journal officiel le 30 du même mois, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a donné délégation audit directeur « à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets » ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 4 juin 2003 qu'elle visait des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail et qu'elle comportait l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement, notamment en explicitant de façon suffisamment précise et circonstanciée les motifs pour lesquels le ministre avait estimé, contrairement à l'inspecteur du travail, que la société requérante établissait tant la réalité du motif économique du licenciement que l'accomplissement de son obligation de reclassement ; que, par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de la décision attaquée manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 321-5 du code du travail, applicable à la date de la décision attaquée : « Quels que soient l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement et le nombre de salariés sur lequel porte le projet de licenciement pour motif économique, l'employeur qui envisage de prononcer un tel licenciement doit dégager, dans les limites des dispositions de l'article L. 321-5-1, les moyens permettant la mise en oeuvre des conventions mentionnées à l'article L. 322-3. / Dans le cas visé à l'article L. 321-4-1, l'employeur est tenu d'informer les salariés de leur possibilité de bénéficier de ces conventions et de les proposer aux salariés en faisant la demande. Dans tous les autres cas, l'employeur doit les proposer à chaque salarié concerné. » ; que ces dispositions, qui ont pour objet de faciliter le reclassement externe du salarié, postérieurement à la mesure de licenciement dont il fait l'objet, ne font pas partie des éléments de la procédure sur lesquels l'inspecteur du travail doit faire porter son contrôle ; que, dès lors, l'absence de proposition d'une convention de conversion est sans influence sur la légalité de la décision par laquelle l'inspecteur du travail et, le cas échéant, le ministre compétent sur recours hiérarchique, se prononcent sur la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ; qu'ainsi, le moyen tiré du caractère illégal du plan de sauvegarde de l'emploi du fait du défaut de proposition d'une convention de conversion doit être écarté comme inopérant ;

Considérant, en cinquième lieu, que s'il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que les salariés protégés ont accès aux mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi dans des conditions non discriminatoires, la régularité et la validité dudit plan ne peuvent être contestées que devant la juridiction judiciaire ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par la société PAGES JAUNES, d'une part, imposait aux salariés qui étaient mis en position de recherche d'un emploi de reclassement une modification unilatérale de leur contrat de travail en prévoyant une dispense partielle ou totale d'activité professionnelle pendant cette période et, d'autre part, comportait des dispositions incomplètes et insuffisantes tant en ce qui concerne le reclassement interne que le reclassement externe des salariés doivent être écartés comme inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société PAGES JAUNES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 4 juin 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision du 12 décembre 2002 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Hauts-de-Seine lui refusant l'autorisation de licencier M. X, et lui a accordé ladite autorisation ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de le condamner à verser à la société PAGES JAUNES la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 18 mai 2005 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société PAGES JAUNES et les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 08PA02174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02174
Date de la décision : 16/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : SAID ; SCP FROMONT, BRIENS et ASSOCIES ; SAID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-02-16;08pa02174 ?
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