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09/06/2011 | FRANCE | N°09MA04660

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 juin 2011, 09MA04660


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 09MA04660, présentée pour M. Georges A, demeurant ..., par Me Christol, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803224 du 6 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mai 2008 par laquelle le préfet de l'Hérault a fixé les indemnités de renouvellement de cheptel à un montant de 93 360 euros, et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de l

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Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 09MA04660, présentée pour M. Georges A, demeurant ..., par Me Christol, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803224 du 6 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mai 2008 par laquelle le préfet de l'Hérault a fixé les indemnités de renouvellement de cheptel à un montant de 93 360 euros, et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser la somme de 599 832 euros, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au titre de l'indemnité due suite à l'abattage de son cheptel ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision en date du 30 mai 2008 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser la somme de 599 832 euros dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêté en date du 6 juillet 1990 fixant les mesures financières relatives à la lutte contre la brucellose bovine et la lutte contre la tuberculose bovine et caprine ;

Vu l'arrêté en date du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ;

Vu l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 :

- le rapport de M. Pocheron, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public,

- et les observations de Me Germe, substituant la SCP d'avocats Gerard Christol et Iris Christol, avocat de M. A ;

Considérant qu'à l'occasion d'enquêtes réalisées sur quatre manades infectées par la tuberculose, la direction départementale des services vétérinaires (DDSV) de l'Hérault a constaté des liens épidémiologiques entre le cheptel de M. A et ces manades ; que la DDSV a, en conséquence, le 17 février 2006, demandé à l'intéressé de faire réaliser un dépistage sur les bovins de son troupeau et mis celui-ci le 6 avril suivant, par arrêté préfectoral, sous surveillance ; que, douze bovins ayant présenté un résultat positif suite aux prélèvements effectués du 30 juin au 9 novembre 2006, la DDSV a demandé l'abattage à des fins diagnostiques de ces bovins afin de rechercher des lésions évocatrices de tuberculose et de faire réaliser sur ces lésions une recherche d'agents infectieux de la tuberculose chez l'homme et chez les bovins ; que sept animaux ont présenté des lésions évocatrices de la tuberculose et deux se sont avérés porteurs de mycobactérium bovis ; que, le 13 février 2007, l'exploitation a été placée sous arrêté préfectoral portant déclaration d'infection ; que M. A a alors demandé, et obtenu à titre dérogatoire, la mise en oeuvre de l'abattage sélectif des seuls bovins positifs ; que les dépistages opérés du 8 au 17 janvier et du 5 au 19 mars 2007 ont révélé un résultat positif sur sept nouveaux bovins, confirmé par la mise en évidence de lésions tuberculeuses sur ces animaux à la suite de leur abattage diagnostic ; que M. A a finalement demandé l'abattage total de son cheptel, dont la valeur a été évaluée le 10 juillet 2007 à 599 832 euros ; que, cependant, l'intéressé a, lors de l'été 2006, alors que sa manade était mise sous surveillance, fait sortir la vache n° 3449594240, sans le notifier à la DDSV, pour la confier à un tiers afin qu'elle soit abattue clandestinement ; que, de surcroît, il a substitué du sang de cheval au sang de ses bovins dans vingt-deux prélèvements réalisés les 3 et 4 avril 2007 ;

que la DDSV a en conséquence informé M. A par courrier du 26 octobre 2007 de son intention de proposer au préfet une décision de non- attribution de l'ensemble des indemnités consécutives à l'abattage total de son troupeau ; qu'après avis du 23 janvier 2008 de la commission instituée par l'article R.224-7 du code rural, le préfet de l'Hérault a, le 30 mai 2008, refusé de lui attribuer les indemnités concernant la valeur marchande objective de ses animaux suite à l'abattage total du troupeau, et lui a accordé la somme de 93 360 euros au titre des indemnités de renouvellement du cheptel ; que M. A relève appel du jugement en date 6 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre cette décision et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 599 832 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le moyen, soulevé par M. A dans son mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Montpellier le 8 avril 2009, avant la date fixée pour la clôture d'instruction, et tiré de ce que la décision litigieuse était illégale en ce qu'elle était fondée sur l'article 14-6° de l'arrêté susvisé du 6 juillet 1990 alors que le comportement qui lui était reproché ne pouvait être sanctionné que sur le fondement des articles R.224-49 et 57 du code rural, n'était pas inopérant dans le cadre d'un recours de plein contentieux tendant à la condamnation de l'Etat à verser les indemnités refusées par l'acte en cause ; que, par suite, M. A est fondée à soutenir qu'en omettant de statuer sur ce moyen, le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'ainsi le jugement en date du 6 novembre 2009 du Tribunal administratif de Montpellier doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montpellier :

Considérant que dans les termes dans lesquels elle a été présentée, la demande de M. A doit être analysée comme un recours de plein contentieux tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 599 832 euros du chef de l'illégalité de la décision en date du 30 mai 2008 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui attribuer ladite indemnité suite à l'abattage total de son troupeau de bovins sur ordre de l'administration ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.221-2 du titre II : La lutte contre les maladies des animaux, du code rural dans ses dispositions en vigueur à la date de la décision litigieuse : Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux. Toute infraction aux dispositions du présent titre et aux règlements pris pour leur application peut entraîner la perte de l'indemnité ... ;

Considérant en premier lieu que dans la mesure où il appartient au juge de plein contentieux, non d'apprécier la légalité d'une décision liant le contentieux, mais de se prononcer sur le droit des requérants à obtenir l'indemnité qu'ils demandent, les moyens relatifs à l'insuffisance de motivation de la décision du 30 mai 2008 et à l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission prévue par l'article R.224-57 du code rural réunie le 23 janvier 2008 sont inopérants ;

Considérant en deuxième lieu que la décision en date du 30 mai 2008, qui se borne à refuser d'attribuer à M. A l'indemnité prévue en cas d'abattage total d'un troupeau de bovins sur ordre de l'administration, n'a pas le caractère d'une sanction administrative ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'article 14 de l'arrêté susvisé du 6 juillet 1990 sur le fondement duquel a été pris l'arrêté en cause et aux termes duquel : Les indemnités prévues aux articles 12 à 13 du même arrêté ne sont pas attribuées dans les cas suivants : ... 6° Toutes circonstances faisant apparaître une intention abusive de l'éleveur afin de détourner la réglementation de son objet. serait formulé de manière insuffisamment précise et complète, ainsi que de la violation des principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique, à les supposer même établis, doivent être rejetés comme inopérants ;

Considérant en troisième lieu que la décision du 30 mai 2008 du préfet de l'Hérault n'est pas fondée sur l'inobservation par M. A de mesures de prophylaxie dans le cadre de l'exploitation habituelle de son élevage, et sanctionnée par les dispositions des articles R.224-49 et 57 du code rural, mais sur la violation par l'intéressé de règles de prophylaxie prises pour l'application de l'article précité L.221-2 du même code, qui fait obstacle à son indemnisation suite à l'abattage total de son troupeau sur ordre de l'administration en application de l'article 14 de l'arrêté du 6 juillet 1990 ; que le requérant n'est en conséquence pas fondé à soutenir que lui étaient applicables dans le cas de l'espèce les seules dispositions des articles R.224-49 et 57 du code rural ;

Considérant en quatrième lieu qu'en soustrayant une vache de son cheptel pour la confier à un tiers en vue de son abattage clandestin, et en falsifiant vingt-deux prélèvements de sang opérés dans sa manade alors sous arrêté préfectoral d'infection, M. A a tenté de manière manifestement abusive de contourner la réglementation en matière de lutte contre la tuberculose bovine pour, selon ses propres déclarations, éviter l'abattage total de son troupeau ; qu'ainsi, eu égard au fait qu'il a délibérément méconnu les mesures de prophylaxie prescrites par l'arrêté susvisé du 15 septembre 2003 alors que sa manade faisait l'objet d'une surveillance particulière en raison d'une suspicion avérée de contamination de certains de ses animaux par la tuberculose bovine, il lui a été à bon droit fait application des dispositions sus- rappelées de l'article 14-6° du 6 juillet 1990 relativement à son indemnisation suite à l'abattage total de son troupeau ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur sur la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés ;

Considérant en cinquième lieu qu'en raison des irrégularités substantielles affectant le respect des mesures de prophylaxie prescrites par l'arrêté du 15 septembre 2003, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur d'appréciation en privant M. A du bénéfice de l'indemnisation prévue par l'article 12 de l'arrêté du 6 juillet 1990 ;

Considérant en sixième lieu que la circonstance que M. A a été condamné par arrêt devenu définitif de la Cour d'appel de Montpellier du 6 mai 2010 à une amende de 7 000 euros pour avoir fourni des échantillons de sang ne provenant pas des animaux contrôlés et tenté ainsi d'obtenir des certificats sanitaires auxquels il n'avait pas droit, en violation des articles 441-6 alinéa 1 du code pénal, 121-5 du nouveau code pénal, ces faits étant réprimés par les articles 441-6 alinéa 1, 441-10, 441-11 du code pénal, et 212-5 du nouveau code pénal, n'est pas de nature à démontrer que le préfet des Alpes Maritimes aurait, en prenant la décision litigieuse, qui, ainsi qu'il a été dit, se borne à refuser au requérant le versement d'une indemnité suite à l'abattage total de son troupeau, méconnu le principe de non-cumul des peines, l'article 14-7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou l'article 4 du protocole additionnel n°7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. A devant le Tribunal Administratif de Montpellier doit être rejetée ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en appel ne peuvent par voie de conséquence, et en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Georges A et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.

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N° 09MA04660 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA04660
Date de la décision : 09/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture - chasse et pêche - Produits agricoles - Élevage et produits de l'élevage - Élevage.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Lutte contre les épidémies.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: Mme CHENAL-PETER
Avocat(s) : SCP GERARD CHRISTOL et IRIS CHRISTOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-06-09;09ma04660 ?
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