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26/09/2013 | FRANCE | N°10PA03928

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 septembre 2013, 10PA03928


Vu le recours, enregistré le 2 août 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0718202/2-3 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Axa, venant aux droits des sociétés Axa Investment Management (Axa IM), Axa Konzern AG et Axa UK PLC, la décharge de la retenue à la source prélevée au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes distribués par la société Axa IM aux sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC;
>2°) de remettre intégralement à la charge de la société Axa le reversement de la r...

Vu le recours, enregistré le 2 août 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0718202/2-3 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Axa, venant aux droits des sociétés Axa Investment Management (Axa IM), Axa Konzern AG et Axa UK PLC, la décharge de la retenue à la source prélevée au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes distribués par la société Axa IM aux sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC;

2°) de remettre intégralement à la charge de la société Axa le reversement de la retenue à la source prélevée au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes distribués par la société Axa IM aux sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne (TCE), notamment ses articles 43 et 48 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2013:

- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de CMS bureau Francis Lefebvre, avocat de la société Axa ;

1. Considérant que, par réclamation du 6 août 2007, la société Axa, agissant au nom de la société de droit français Axa IM et des sociétés, respectivement de droit allemand et anglais, Axa Konzern AG et Axa UK PLC, a demandé à l'administration la restitution de la retenue à... ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 juin 2010, en tant que celui-ci a accordé à la société Axa la décharge de la retenue à la source prélevée au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes distribués par la société Axa IM aux sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLCretenue à... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux (...) les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que seules les décisions de Cour de justice des Communautés européennes, devenue la Cour de justice de l'Union européenne, retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ;

4. Considérant, d'autre part, que seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai prévu par les dispositions précitées du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales les événements qui sont de nature à exercer une influence sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul ;

5. Considérant que, statuant sur les questions préjudicielles qui lui avaient été soumises par la décision n° 235069 du 15 décembre 2004 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, la Cour de justice des Communautés européennes a, par l'arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal BV, dit pour droit que les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne, relatifs à la liberté d'établissement, s'opposaient à une législation nationale prévoyant, pour les seules sociétés mères non résidentes, une imposition par voie de retenue à la source prélevée au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes distribués par la société Axa IM aux sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLCretenue à... ; que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable, qui font supporter le poids d'une imposition de dividendes aux sociétés mères non résidentes en en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes, constituent des mesures discriminatoires, à raison du lieu du siège des sociétés mères, en France ou dans un autre Etat membre, contraires aux articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne ;

6. Considérant qu'au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, exerce la liberté d'établissement garantie par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne le ressortissant d'un Etat membre qui détient dans le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités ; qu'il est constant que les sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC détenaient 16 % et 6,5 % du capital de la société Axa IM, distributrice de dividendes ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces participations leur ont permis d'exercer une influence certaine sur les décisions de la société Axa IM et de déterminer son activité au point de leur assurer un contrôle sur celle-ci, alors même qu'il n'est pas contesté que la société Axa détenait concomitamment 78 % du capital social de cette même société ; que si la société Axa fait valoir que les participations des sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC dans le capital de la société Axa IM résultent de l'apport de leur activité de gestion à cette société et que ces sociétés ont continué à veiller aux activités apportées et à exercer leur influence, elle n'en justifie par aucune des pièces produites ; qu'au regard des critères de la jurisprudence communautaire rappelés ci-dessus, la société Axa ne peut utilement se prévaloir de ce que l'exercice d'une influence certaine ne constitue pas une condition requise pour l'application aux sociétés mère et filiales du régime fiscal prévu à l'article 145 du code général des impôts, concernant les sociétés détenant au moins 5 % du capital de la société distributrice ; que, dans ces conditions, l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal BV, ne constitue pas, pour les sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC, un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la société Axa ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'instruction du 10 mai 2007, 4 C-7-07, qui a modifié le traitement fiscal des distributions de source française à compter du 1er janvier 2007, se réfère à l'arrêt Denkavit Internationaal BV précité ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, pour ce motif, regardé comme recevable la réclamation présentée par la société requérante sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

7. Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Axa devant le Tribunal administratif et devant elle ;

8. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, en ce qu'elles garantissent au contribuable la possibilité d'obtenir dans un délai raisonnable la restitution d'impositions indûment acquittées et n'ont pas pour effet de rendre excessivement difficile l'exercice des droits ouverts à ce titre aux redevables, doivent être regardées comme conformes au droit communautaire ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions méconnaissent le principe d'effectivité du droit communautaire au motif que le point de départ du délai dépend d'une décision juridictionnelle de non-conformité alors que l'impôt en cause a été payé antérieurement à la période de répétition ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions et des amendes" ;

10. Considérant qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations précitées du premier alinéa de cet article ; que, toutefois, la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application des alinéas 4 et 5 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, qui remonte jusqu'au 1er janvier de la troisième année qui précède celle au cours de laquelle la décision juridictionnelle constitutive d'un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales a été rendue, ne méconnaît pas les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations précitées du premier protocole additionnel ; que le moyen tiré d'une telle méconnaissance doit par suite être écarté ;

11. Considérant que l'intimée soutient entrer dans les prévisions du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, à raison de l'arrêt rendu le 8 novembre 2007 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-379/05 Amurta SGPS ; que, toutefois, ne sont pas de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre, les arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre État membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

12. Considérant qu'en l'espèce, ni l'arrêt rendu le 8 novembre 2007 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-379/05, ni aucune autre décision de la Cour de justice de l'Union européenne n'ont, à ce jour, révélé, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et pour l'application de l'article R. 196-1 du même livre, la non-conformité des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ; qu'ainsi, l'arrêt du 8 novembre 2007 de la Cour de justice des Communautés européennes ne peut pas être regardé comme ayant révélé la non-conformité à une règle de droit supérieure des dispositions nationales dont il a été fait application, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ni, par conséquent, comme un événement ayant motivé sa réclamation, au sens du c de l'article R. 196-1 du même livre ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a ordonné la restitution à la société Axa de la retenue à... ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0718202/2-3 du 3 juin 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La retenue à.la source prélevée au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes distribués par la société Axa IM aux sociétés Axa Konzern AG et Axa UK PLC

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N° 10PA03928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03928
Date de la décision : 26/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Délais.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-09-26;10pa03928 ?
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