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17/04/2018 | FRANCE | N°17NC02888

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 avril 2018, 17NC02888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 235 314 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la transposition tardive et incomplète en droit interne de l'article 8 de la directive européenne 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en

cas d'insolvabilité de l'employeur.

Par un jugement n° 1600995 du 29 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 235 314 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la transposition tardive et incomplète en droit interne de l'article 8 de la directive européenne 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Par un jugement n° 1600995 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 septembre 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 235 314 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la transposition tardive et incomplète en droit interne de l'article 8 de la directive européenne 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le non respect du délai de transposition de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980, qui vise à protéger les intérêts des salariés retraités percevant une pension complémentaire contre le risque d'insolvabilité de leur ancien employeur, constitue une faute entrainant l'engagement de la responsabilité de l'Etat ;

- les lois n° 94-678 du 8 août 1994, n° 2003-775 du 21 août 2003 et n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 n'ont pas eu pour objet de procéder à cette transposition ;

- l'article L. 913-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006, procède à une transposition incomplète de la directive ;

- cette transposition n'a été effectuée qu'en 2015, par l'ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 ;

- un tel retard révèle une méconnaissance manifeste et grave, par l'Etat, de sa marge d'appréciation dans la transposition de la directive ;

- ce retard dans la transposition de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 est à l'origine du préjudice résultant pour lui de l'interruption du versement de sa pension de retraite supplémentaire, consécutive au placement de la société Ascometal en redressement judiciaire le 7 mars 2014.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2018, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

La ministre soutient que :

- la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée dès lors que la directive du 20 octobre 1980 a été transposée ;

- la créance du requérant est atteinte pas la prescription quadriennale ;

- la demande du requérant est irrecevable dès lors qu'elle vise à obtenir le paiement de ses pensions et que le tribunal de commerce a été saisi en ce sens ;

- le dépassement du délai de transposition ne présente pas de lien avec le dommage allégué ;

- le requérant ne justifie pas du montant de son préjudice ;

- la société Ascometal et le requérant ont participé à la réalisation du dommage, limitant la responsabilité éventuelle de l'Etat à 10 % du préjudice ;

- l'indemnisation du préjudice allégué ne saurait être intégrale dès lors que la directive précitée permet aux Etats de limiter la responsabilité des institutions de garantie.

L'instruction a été close à la date du 15 mars 2018 par une ordonnance du 26 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 ;

- la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 94-678 du 8 août 1994 ;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

- la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 ;

- la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, notamment son article 50 ;

- l'ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 ;

- le décret n° 2007-1903 du 26 décembre 2007 ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 janvier 2007 Carol Marilyn Robins c. Secretary of State for Work and Pensions (affaire C-278/05) et du 25 avril 2013 Hogan et autres c. Minister for Social and Family Affairs (affaire C-398/11) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour M.A....

1. Considérant que M.A..., salarié de la société Ascometal, filiale du groupe Usinor Sacilor, est parti à la retraite le 1er juillet 2002, date à laquelle il a commencé à percevoir, outre les éléments de pension prévus par le régime de base et le régime complémentaire obligatoire, une pension de retraite supplémentaire versée par l'institution de gestion de retraite supplémentaire du groupe social, dénommée IRUS, financée par des appels de fonds auprès de l'ancien employeur de l'intéressé ; que l'IRUS a interrompu le versement de cette pension à la suite du placement en redressement judiciaire de la société Ascometal par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 mars 2014, ladite société n'étant plus en mesure de financer le régime de retraite supplémentaire ; que M.A..., qui a déclaré une créance détenue sur la société Ascometal pour un montant de 235 314 euros, a été informé par le mandataire judiciaire de ladite société, le 23 septembre 2016, que l'actif disponible ne permettrait pas de le désintéresser de cette créance ; que, faisant valoir que l'interruption du versement de sa pension de retraite supplémentaire est imputable à l'absence de transposition, dans le délai prescrit, de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 visant à l'adoption par les Etats des mesures nécessaires à la protection des droits acquis des anciens salariés à des prestations de vieillesse en cas d'insolvabilité de l'employeur, le requérant a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 235 314 euros en réparation de son préjudice ; que M. A...fait appel du jugement du 29 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. A...devant les premiers juges :

2. Considérant que la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy visait à obtenir la réparation de son préjudice, évalué à 235 314 euros, résultant de la perte de ses droits à pension de retraite supplémentaire à la suite du placement en redressement judiciaire de la société Ascometal ; que si M. A...a déclaré une créance de même montant auprès du mandataire judiciaire de la société en vue d'en obtenir le règlement devant le tribunal de commerce de Nanterre, cette circonstance est seulement susceptible d'influer sur le montant du préjudice dont l'intéressé demande réparation devant le juge administratif, dans l'hypothèse où le tribunal de commerce lui donnerait satisfaction ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'actif disponible dans le cadre de la procédure de redressement ne permettra pas de désintéresser le requérant ; que, dans ces conditions, l'action engagée par M. A...devant le tribunal de commerce de Nanterre n'est pas de nature à priver d'objet le recours indemnitaire présenté devant le tribunal administratif ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la ministre des solidarités et de la santé ne peut qu'être écartée ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, dont les dispositions ont été reprises à l'article 8 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur : " Les États membres s'assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l'entreprise ou l'établissement de l'employeur à la date de la survenance de l'insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d'acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale " ; que les Etats membres devaient transposer ces dispositions dans leur droit interne dans un délai de trente-six mois à compter de la notification de la directive du 20 octobre 1980, soit avant le 23 octobre 1983 ;

4. Considérant qu'il résulte de l'interprétation qu'a donnée la Cour de justice de l'Union européenne des dispositions précitées de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 dans son arrêt du 25 janvier 2007 Carol Marilyn Robins c. Secretary of State for Work and Pensions (affaire C-278/05) que, si les Etats membres ne sont pas tenus de financer eux-mêmes les droits acquis par les salariés à des prestations de vieillesse supplémentaires en cas d'insolvabilité de l'employeur et, compte tenu de la large marge d'appréciation dont ils bénéficient dans l'application de cette directive, peuvent atteindre l'objectif de protection des droits acquis précités en mettant une obligation d'assurance à la charge des employeurs ou en créant une institution de garantie, la transposition correcte des dispositions de l'article 8 nécessite qu'un travailleur perçoive, en cas d'insolvabilité de son employeur, au moins la moitié de la totalité des prestations de vieillesse auxquelles il peut prétendre dans le cadre d'un régime complémentaire de prévoyance professionnel ; que, dans son arrêt du 25 avril 2013 Thomas Hogan et autres c. Minister for Social and Family Affairs (affaire C-398/11), la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que les Etats membres avaient été avisés au plus tard le 25 janvier 2007 des conditions dans lesquelles pouvait être effectuée la transposition correcte de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980, devenu l'article 8 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 ;

5. Considérant que, pour justifier de la transposition de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980, la ministre des solidarités et de la santé fait état de l'adoption de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives 92/49 et 92/96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes ; que, toutefois, si cette loi prévoit l'interdiction, dans les conventions, accords ou décisions unilatérales régissant les garanties collectives dont bénéficient les salariés, de toute disposition entraînant la perte des droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de retraite des salariés ou anciens salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, cette interdiction ne saurait garantir que les salariés bénéficieront de leurs droits dans les conditions rappelées au point 4, en cas d'insolvabilité de leur employeur ; que si la loi du 8 août 1994 a également créé les institutions de retraite supplémentaire (IRS) chargées de gérer les prestations de vieillesse versées dans le cadre des régimes supplémentaires de prévoyance professionnelle, les décrets d'application nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions leur imposant d'assurer un provisionnement intégral des engagements de retraite n'ont jamais été publiés ;

6. Considérant que l'article 116 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a organisé la disparition des IRS en prévoyant leur transformation avant le 31 décembre 2008, au choix, en institution de prévoyance ou en institution de gestion de retraite supplémentaire (IGRS) ; que le législateur a prévu que les IGRS, dont les compétences sont limitées à la gestion administrative des prestations de retraite, modifient, par voie d'accord collectif, leurs règlements afin de transférer leurs provisions ou réserves à un organisme assureur ; que l'article 11 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 a prévu la mise en place d'un régime d'exonérations portant sur les cotisations sociales auxquelles sont soumises les contributions versées par les entreprises adhérentes des IRS, afin d'inciter celles-ci à constituer un provisionnement suffisant en vue de leur transformation en institution de prévoyance ou en IGRS ; que l'article 115 de la loi précitée du 21 août 2003 a institué, à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, un dispositif de taxation devant conduire les entreprises à externaliser leurs régimes professionnels de retraite supplémentaire ; que si l'ensemble de ces mesures visait à préserver les droits des bénéficiaires des régimes professionnels de retraite supplémentaire, le législateur a laissé aux partenaires sociaux la possibilité de transformer l'IRS en institution de prévoyance ou en IGRS sans que, dans ce dernier cas, ni les lois précitées, ni le décret n° 2007-1903 du 26 décembre 2007 relatif au transfert par les IGRS de leurs provisions ou réserves, n'aient mis d'obligation d'assurance à la charge des employeurs et, notamment, n'aient imposé un transfert des provisions ou réserves des IGRS vers une entreprise d'assurance ou un organisme mutualiste ;

7. Considérant que c'est par une ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 relative à la sécurisation des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite mentionnés à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale que les droits à retraite liquidés au titre des régimes professionnels de retraite supplémentaire ont été sécurisés à hauteur d'au moins 50 % par l'obligation faite aux entreprises de souscrire à l'un des dispositifs assurantiels prévus à l'article 2 de cette ordonnance ; qu'ainsi, la transposition correcte des dispositions de l'article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980, qui supposent que l'ancien salarié perçoive, en cas d'insolvabilité de l'employeur, au moins la moitié des prestations auxquelles il peut prétendre dans le cadre de son régime supplémentaire de prévoyance professionnel, n'a été assurée qu'en 2015, plus de trente ans après le terme fixé pour cette transposition et plus de sept ans après que la France a été avisée, de façon claire et précise, de la nature et de l'étendue de l'obligation lui incombant ; que ces carences fautives imputables à l'Etat dans la transposition de la directive précitée sont de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la prescription :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...ne peut être regardé comme ayant pris connaissance de la réalité et de l'étendue de son préjudice que le 14 avril 2014 au plus tôt, date à laquelle le mandataire judiciaire de la société Ascometal l'a informé de l'arrêt du versement des prestations de vieillesse dont il bénéficiait jusqu'alors au titre de son régime de retraite supplémentaire ; qu'ainsi, le droit de créance qu'il invoque n'était pas prescrit le 7 décembre 2015, date à laquelle il a présenté une demande d'indemnisation à la ministre des solidarités et de la santé, ni même le 7 avril 2016, date à laquelle il a saisi le tribunal administratif ;

Sur le lien de causalité :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ascometal a été placée en redressement judiciaire pour cessation de paiement par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 mars 2014 ; qu'en l'absence d'obligation pour la société Ascometal de souscrire une assurance permettant de sécuriser les droits liquidés au titre du régime professionnel de retraite supplémentaire, son placement en redressement judiciaire a entrainé l'arrêt du versement à M. A...des prestations de vieillesse qui lui étaient jusqu'alors allouées dans le cadre de ce régime uniquement financé par des appels de fonds auprès de la société ; que si les activités de la société ont été cédées à un tiers repreneur par un jugement du 22 mai 2014, cette cession n'incluait ni le régime professionnel de retraite supplémentaire, ni les engagements comptables correspondants ; que, par un courrier du 23 septembre 2016, le mandataire judiciaire de la société Ascometal a confirmé à M. A... que la créance qu'il a déclarée au titre des droits acquis dans le cadre de ce régime de retraite ne pourra pas être honorée ; que les dispositions applicables à la date du placement en redressement judiciaire de la société n'avaient pas pour effet d'imposer à celle-ci d'externaliser le régime de retraite supplémentaire en souscrivant à un dispositif assurantiel ; qu'il n'appartenait pas à M. A... de se préoccuper du transfert des provisions constituées dans le cadre de ce régime auprès d'un organisme assureur ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la ministre des solidarités et de la santé, aucune faute n'est imputable à la société sur ce point, ni même à M.A... ; que, dès lors, le préjudice dont le requérant demande réparation est imputable aux seules carences fautives de l'Etat dans la transposition de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 ;

Sur l'évaluation du préjudice :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'eu égard au montant des actifs de la société Ascometal disponibles dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, la créance déclarée par M. A...ne donnera lieu à aucun règlement en sa faveur ; que, par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice du requérant conduirait à une double indemnisation en raison de cette déclaration de créance devant le tribunal de commerce ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...a déclaré sa créance, le 13 mai 2014, pour un montant de 235 314 euros, au moyen d'un document pré-rempli transmis par le mandataire judiciaire de la société Ascometal, sur lequel figure une estimation de la créance correspondant à ce montant ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ce document qui ne mentionne qu'un montant estimatif de sa créance n'est pas de nature à justifier de l'évaluation du préjudice dont il demande réparation ;

13. Considérant, en troisième lieu, que la faute imputable à l'Etat dans la transposition des dispositions de l'article 8 de la directive du 20 octobre 1980 consiste en l'absence de mise en place d'un dispositif propre à garantir à l'ancien salarié, en cas d'insolvabilité de son employeur, au moins la moitié de la totalité des prestations auxquelles il pouvait prétendre dans le cadre du régime de retraite supplémentaire financé par l'employeur ; que, dans ces conditions, le préjudice dont M. A... demande réparation du fait de l'absence de transposition correcte de la directive précitée ne saurait excéder la moitié des prestations de vieillesse dont il a été privé en raison de l'insolvabilité de la société ;

14. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'IRUS a versé la somme totale de 121 201,70 euros à M. A...pour la période du 1er juillet 2002 au 31 mars 2014 ; que le requérant a perçu au cours des quatre années précédant l'arrêt des versements par l'IRUS le 1er avril 2014, une pension de retraite supplémentaire d'un montant moyen de 2 690 euros par trimestre, soit 10 760 euros par an ; que, dans ces conditions, eu égard à l'espérance de vie du requérant, né le 14 avril 1941, qui peut être estimée à 85 ans, il y a lieu d'évaluer le montant des pensions de retraite supplémentaire dont l'intéressé pouvait encore espérer le versement pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2026 à la somme 129 120 euros ; qu'ainsi, le montant total des prestations au versement desquelles pouvait prétendre M. A...dans le cadre du régime supplémentaire financé par son ancien employeur s'établit à 250 321,70 euros ; que par suite, eu égard à ce qui a été dit au point précédent et à la circonstance que M. A...a déjà perçu 121 201,70 euros au titre de ses prestations de vieillesse, le montant du préjudice dont il est fondé à demander l'indemnisation à raison de la faute imputable à l'Etat s'établit à 3 959,15 euros ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, si M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'indemnisation, il est seulement fondé à demander qu'une somme de 3 959,15 euros soit mise à la charge de l'Etat ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

16. Considérant que M. A...a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 3 959,15 euros à compter du 7 décembre 2015, date de réception de sa demande par l'administration ;

17. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 avril 2016 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 7 décembre 2016, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1600995 du 29 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A...la somme de 3 959,15 euros (trois mille neuf cent cinquante-neuf euros et quinze centimes), avec les intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2015. Les intérêts échus à la date du 7 décembre 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la ministre des solidarités et de la santé.

2

N° 17NC02888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02888
Date de la décision : 17/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : TRONEL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-17;17nc02888 ?
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