Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier 1990 et 29 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE", dont le siège est ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 décembre 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er novembre 1978 au 30 octobre 1981, ainsi que des pénalités ajoutées à cette imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les observations de Me Capron, avocat de la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE",
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 298 undecies du code général des impôts : "Les opérations d'entremise accomplies par des personnes justifiant de la qualité de mandataire régulièrement inscrit au Conseil supérieur des messageries de presse ne donnent pas lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles concernent des périodiques au sens de la loi du 29 juillet 1881. Les éditeurs des périodiques ainsi diffusés acquittent la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total au public" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE" a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er novembre 1978 au 30 octobre 1980 sur une base égale à la différence entre le montant des ventes au public de la revue qu'elle édite sous le titre : "Indicateur Lagrange" et le montant des commissions prélevées par les "Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne" (NMPP) qui en assurent la diffusion ; que l'administration a réintégré ces dernières dans le chiffre d'affaires imposable de la société et réclamé à celle-ci le supplément de taxe correspondant ; que, pour contester le bien-fondé de cette imposition en tant qu'elle se rapporte à la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier 1979 et le 31 octobre 1980, la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE" a soutenu que les dispositions précitées de l'article 298 undecies du code général des impôts étaient devenues inapplicables depuis le 1er janvier 1979 du fait qu'elles seraient incompatibles avec les objectifs de la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes en date du 17 mai 1977, et que, par suite, elle étit en droit, soit de n'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée que sur les sommes qui lui sont effectivement payées par les NMPP, soit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée payée sur le produit total des ventes au public de l'Indicateur Lagrange la taxe qui greverait les commissions des NMPP si, en l'absence de la dispense de paiement prévue par l'article 298 undecies, cette taxe lui étaient facturée par ces dernières ;
Mais considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 1979 : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. La livraison d'un bien meuble s'entend du transfert de propriété d'un bien meuble corporel ..." et qu'aux termes de l'article 266 du même code, dans la même rédaction : "1. La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens ..., par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ... en contrepartie de la livraison" ; qu'en vertu de ces dispositions, le chiffre d'affaires imposable de l'éditeur qui donne mandat à une entreprise de messagerie d'assurer la distribution d'un périodique, mais ne lui en transfère, à aucun moment, la propriété, est constitué par le montant total du produit des ventes au public de ce périodique, sans qu'il y ait lieu d'en retrancher la fraction attribuée à l'entreprise de messagerie, en rémunération des services qu'elle rend à l'éditeur ; que la disposition de l'article 298 undecies du code général des impôts, selon laquelle les éditeurs de périodiques diffusés par des personnes justifiant de la qualité de mandataire régulièrement inscrit au Conseil supérieur des messageries de presse "acquittent la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total au public", se borne à rappeler la règle découlant, en cas particulier, des dispositions de portée générale du 1. a) précité de l'article 266 du même code, indépendamment de l'institution, par le même article 298 undecies, d'un régime de "dispense de paiement" de la taxe sur la valeur ajoutée au profit des entreprises de messagerie de presse ; qu'ainsi, en jugeant inopérant le moyen invoqué par la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE", de l'incompatibilité de ce régime de "dispense de paiement" avec les objectifs de la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977, la cour administrative d'appel de Paris n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ...3. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat ..." ; que la "dispense de paiement" de la taxe sur la valeur ajoutée accordée par l'article 298 undecies du code général des impôts aux entreprises de messagerie de presse a pour conséquence de ne grever le prix des services rendus par ces entreprises aux éditeurs de périodiques d'aucune taxe susceptible d'être déduite de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à leurs propres opérations ; que les dispositions du même article 298 undecies qui, par dérogation à celles de l'article 271, autorisent les entreprises de messagerie de presse, alors même qu'elles sont dispensées du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations d'entremise concernant des écrits périodiques au sens de la loi du 29 juillet 1881, à pratiquer la déduction et, s'il y a lieu, à obtenir le remboursement de la taxe ayant grevé les éléments du prix de ces opérations, ne peuvent aucunement être interprétées comme permettant aux éditeurs qui confient la distribution de tels écrits à ces entreprises de messagerie de presse de déduire une taxe équivalant à celle qui leur serait facturée par ces entreprises si ces dernières n'étaient pas dispensées de l'acquitter ; qu'ainsi et abstraction faite du motif surabondant par lequel elle a cru devoir se prononcer au fond sur le moyen, inopérant, tiré par la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE", à l'appui de sa prétention à des droits à déduction, du défaut de conformité aux objectifs de la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 du régime de "dispense de paiement" de la taxe sur la valeur ajoutée assorti du droit à déduction ou à remboursement des taxes payées au stade antérieur institué au bénéfice des entreprises de messageries de presse par l'article 298 undecies du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Paris a légalement justifié sa décision en relevant qu'en l'absence de toute taxe grevant les services qui lui sont rendus par les NMPP, la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE" ne pouvait se prévaloir d'un droit à déduction ou à remboursement d'une telle taxe ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE" n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée "INDICATEUR LAGRANGE" et au ministre du budget.