Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 27 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 9 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de la société Serater contre le jugement du 29 juin 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a annulé ce jugement et mis à la charge de l'Etat le versement à cette société des intérêts afférents à la restitution d'un précompte mobilier d'un montant de 313 732,60 euros versé au titre de la période du 19 avril 1989 au 30 août 1993 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SNC Serater,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SNC Serater ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Serater s'est acquittée spontanément le 13 août 1993, à la suite d'une transformation de sa forme sociale, de société anonyme en société en nom collectif, intervenue le 27 mai 1993, d'une somme de 2 057 951 F (313 732, 60 euros) au titre du précompte mobilier prévu par l'article 223 sexies du code général des impôts alors en vigueur ; que, par une réclamation en date du 12 novembre 1996, la société a demandé la restitution du précompte mobilier qu'elle soutenait avoir à tort acquitté ; que l'administration fiscale a fait droit à sa demande, le 19 avril 2001, sans, toutefois, assortir la restitution du paiement d'intérêts moratoires ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur la requête de la SNC Serater, annulé le jugement du 29 juin 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et mis à la charge de l'Etat le versement des intérêts afférents à la restitution du précompte mobilier ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux intérêts moratoires en litige : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ; qu'à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsque les dégrèvements sont accordés au cours d'une instance contentieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : /a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; /b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; /c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : /a) De la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ; / b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues ; / c) Au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une réclamation est recevable dès lors qu'elle est formée dans le délai prévu dans l'une des trois hypothèses mentionnées dans la première partie de l'article R. 196-1 ; que la seconde partie de l'article ouvre en outre, dans les hypothèses qu'elle prévoit, un délai spécial pendant lequel une réclamation est également recevable ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant, après avoir relevé que les redressements notifiés à la société Serater en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 1989, 1990 et 1991 avaient eu pour effet de modifier l'assiette du précompte mobilier en cause, formée de sommes mises en réserve au titre des exercices 1989 à 1993 sans avoir supporté l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, que la mise en recouvrement, le 28 février 1994, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces redressements avait constitué un événement au sens du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, dès lors que les délais prévus par la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne sont pas clos, une réclamation n'est, en tout état de cause, pas tardive ;
Considérant, toutefois, qu'en ne recherchant pas si la mise en recouvrement du 28 février 1994 constituait un événement, au sens du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, de nature à rouvrir le délai de réclamation pour la demande de restitution de l'ensemble du précompte mobilier versé en 1993 ou de la seule part du précompte acquittée à tort compte tenu de la modification d'assiette résultant des redressements notifiés à la société, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la société Serater des intérêts moratoires sur l'intégralité de la somme de 313 732, 60 euros qui lui a été restituée au titre du précompte mobilier ainsi que les intérêts dus sur cette somme au taux de l'intérêt légal ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Serater au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 octobre 2007 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Serater des intérêts moratoires pour la période du 12 novembre 1996 au 19 avril 2001 sur la somme de 313 732, 60 euros ainsi que les intérêts dus sur cette somme au taux de l'intérêt légal à compter du 16 mai 2001.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans les limites énoncées à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Serater au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la société Serater.