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22/04/2013 | FRANCE | N°360590

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 22 avril 2013, 360590


Vu l'ordonnance du 26 juin 2012, enregistrée le 29 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la saisine de ce tribunal par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

Vu la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée le 20 juillet 2011 au greffe du tribunal administra

tif de Nantes, et fondée, en application de l'article L. 5...

Vu l'ordonnance du 26 juin 2012, enregistrée le 29 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la saisine de ce tribunal par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

Vu la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée le 20 juillet 2011 au greffe du tribunal administratif de Nantes, et fondée, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur la décision du 6 juillet 2011 par laquelle elle a constaté que M. A...B...n'avait pas déposé son compte de campagne, en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anissia Morel, Auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une décision du 6 juillet 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M.B..., candidat au premier tour de l'élection qui s'est tenue les 20 et 27 mars 2011 en vue de la désignation du conseiller général du canton des Sables d'Olonne (Vendée), n'avait pas déposé son compte de campagne ; qu'en application de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission a, le 20 juillet 2011, saisi le tribunal administratif de Nantes ; que, par une ordonnance du 26 juin 2012, le président du tribunal, constatant qu'il n'avait pas été statué sur cette saisine dans le délai prévu à l'article R. 114 du même code, l'a transmise au Conseil d'Etat ;

Sur la régularité de la saisine du Conseil d'Etat :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne (...) / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne (...) / Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) " ; que l'article L. 118-2 du même code dispose que : " Si le juge administratif est saisi de la contestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné, il sursoit à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission instituée par l'article L. 52-14 qui doit se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai fixé au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 114 du même code : " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...) / En cas de renouvellement d'une série sortante, ce délai est porté à trois mois (...) / Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 118-2, les délais, prévus aux premier et deuxième alinéas, dans lesquels le tribunal administratif doit se prononcer, courent à partir de la date de réception par le tribunal administratif des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou, à défaut de décision explicite, à partir de l'expiration du délai de deux mois prévu audit article " ; qu'en vertu de l'article R. 117 du même code : " Faute d'avoir statué dans les délais fixés par les articles R. 114 (...) le tribunal administratif est dessaisi. Le secrétaire greffier en informe le préfet et les parties intéressées en leur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseil d'Etat (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais impartis au tribunal administratif par l'article R. 114 du code électoral s'appliquent tant au jugement des protestations électorales qu'à celui des saisines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, que le candidat concerné ait été élu ou non ; que, s'agissant d'une saisine de cette Commission, il appartient au tribunal administratif, à l'expiration du délai qui lui est ainsi fixé, de la transmettre au Conseil d'Etat, qui est alors valablement saisi, sans qu'il soit besoin que la Commission ne réitère cette saisine ;

4. Considérant qu'il est constant que, si le tribunal administratif de Nantes a statué par un jugement du 5 octobre 2011 sur la protestation de M. B...dirigée contre les opérations électorales mentionnées ci-dessus, il n'a pas examiné la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relative à ce candidat dans le délai de trois mois qui lui était imparti par les dispositions de l'article R. 114 du code électoral et s'en est dès lors trouvé dessaisi ; qu'après l'expiration de ce délai, le tribunal administratif de Nantes, ainsi qu'il y était tenu, a transmis la saisine au Conseil d'Etat ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., le Conseil d'Etat a été saisi dans des conditions régulières ;

Sur l'inéligibilité :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, en vigueur à la date à laquelle le délai imparti à M. B...pour déposer son compte de campagne a expiré : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 (...) / L'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision (...) " ;

6. Considérant qu'il appartient au juge de l'élection, pour apprécier s'il y a lieu de faire usage de la faculté donnée par ces dispositions de déclarer inéligible un candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et délai prescrits à l'article L. 52-12 du code électoral, de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B...a obtenu 2,82 % des suffrages exprimés lors du scrutin du 20 mars 2011 mentionné ci-dessus et n'a pas déposé son compte de campagne dans le délai imparti par les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ; qu'il a ainsi méconnu une obligation substantielle ; que ni le faible montant de ses revenus mensuels ni le décès de sa mère, intervenu près de deux mois après l'expiration du délai qui lui était imparti par les dispositions de l'article L. 52-12 précité, n'étaient de nature à faire obstacle à ce que M. B...s'acquitte de son obligation de procéder à ce dépôt dans le délai requis ; que M. B...ne saurait se prévaloir, pour contester ce manquement, ni de ce qu'il aurait déposé son compte de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques après l'expiration du délai qui lui était imparti par l'article L. 52-12 du code électoral, ce qu'il n'établit d'ailleurs pas, ni de ce qu'il a produit au cours de l'instruction un relevé bancaire du 4 octobre 2011, présenté comme retraçant les opérations intervenues sur le compte ouvert par son mandataire financier et comme faisant apparaître que ses recettes et dépenses de campagne, s'élevant à 12 000 euros, ont été équilibrées ; qu'en outre, ce document, qui ne comporte aucune précision sur l'origine des recettes ni sur les dépenses de campagne du candidat, n'apporte par lui-même aucun élément d'appréciation utile sur les conditions dans lesquelles sa campagne a été financée ;

8. Considérant, en second lieu, que le retard avec lequel le tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après l'expiration du délai qui était imparti à ce tribunal par les dispositions de l'article R. 114 du code électoral pour statuer sur celle-ci, ne saurait faire obstacle, contrairement à ce que soutient M.B..., à ce que le Conseil d'Etat prononce son inéligibilité ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de déclarer M. B... inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la date de la présente décision ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : M. B...est déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la présente décision.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360590
Date de la décision : 22/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-04 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS. FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES. PORTÉE DE L'INÉLIGIBILITÉ. - ABSENCE DE DÉPÔT DU COMPTE DE CAMPAGNE DANS LES CONDITIONS ET DÉLAI PRESCRITS À L'ARTICLE L. 52-12 DU CODE ÉLECTORAL (ART. L. 118-3 DU MÊME CODE) - FACULTÉ DE PRONONCER L'INÉLIGIBILITÉ - ESPÈCE [RJ1].

28-005-04-04 Candidat n'ayant pas déposé de compte de campagne dans le délai imparti par les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral. Il s'agit d'un manquement à une obligation substantielle, que les circonstances particulières invoquées (faibles revenus mensuels du candidat et décès de sa mère deux mois après l'expiration du délai) ne suffisent pas à expliquer, avec des recettes et dépenses de campagne d'un montant significatif, sans qu'aucun élément d'appréciation utile ne soit apporté sur leur origine. Inéligibilité de dix-huit mois.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 12 avril 2013, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques c/ M.,, n° 364071, à mentionner aux Tables ;

CE, 22 avril 2013, M.,, n° 357562, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2013, n° 360590
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anissia Morel
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360590.20130422
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