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12/04/2013 | FRANCE | N°364071

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 12 avril 2013, 364071


Vu la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée le 23 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et fondée, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur la décision du 21 novembre 2012 par laquelle cette commission a rejeté le compte de campagne de M. A...D..., candidat aux élections organisées les 18 et 25 mars 2012 pour la désignation des conseillers territoriaux de Saint-Martin ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2013, pr

sentée pour M. D... ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi organique n° 200...

Vu la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée le 23 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et fondée, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur la décision du 21 novembre 2012 par laquelle cette commission a rejeté le compte de campagne de M. A...D..., candidat aux élections organisées les 18 et 25 mars 2012 pour la désignation des conseillers territoriaux de Saint-Martin ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2013, présentée pour M. D... ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 ;

Vu la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.D...,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article LO 503 du code électoral, issu de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer : " Pour l'application du présent code à Saint-Martin il y a lieu de lire : " 1° " collectivité " au lieu de : " département " " ; qu'ainsi, les dispositions du titre 1er du livre 1er du code électoral consacrées aux dispositions communes à l'élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux sont applicables de plein droit aux élections des conseillers territoriaux de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin pour tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions spécifiques les concernant ; que sont ainsi applicables les dispositions relatives au financement et plafonnement des dépenses électorales mentionnées aux articles L. 52-4 à L. 52-18 de ce code ; que le deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du même code dispose, notamment, que le mandataire financier désigné par le candidat est tenu d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ; qu'en application du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du même code, le juge de l'élection prononce l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ; que le quatrième alinéa du même article précise que cette inéligibilité est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, issues de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, qu'en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; qu'il lui incombe, à cet effet, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré ;

3. Considérant qu'il est constant que le mandataire financier de M.D..., tête de la liste " Rassemblement Responsabilité Réussite " aux élections organisées les 18 et 25 mars 2012 pour la désignation des conseillers territoriaux de Saint-Martin, n'a pas ouvert un compte bancaire ou postal unique comme l'imposent les dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral mais deux comptes, dans la même banque, l'un pour les opérations réalisées en euros et l'autre pour les opérations réalisées en dollars américains ; qu'il résulte de l'instruction que ces deux comptes ont fonctionné de manière simultanée pour récolter les fonds et payer les dépenses durant la campagne électorale, pour un montant total déclaré de recettes de 25 054 euros et de dépenses de 18 924 euros, le compte en dollars étant utilisé pour environ le tiers des dépenses effectuées ; que, par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D...par une décision du 21 novembre 2012 ;

4. Considérant que M. D...argue de sa bonne foi en soutenant que l'ouverture d'un sous-compte pour traiter des opérations réalisées en dollars américains était justifiée, d'une part, par la circonstance que cette devise a cours sur le territoire français de l'île de Saint-Martin et, d'autre part, que certaines dépenses liées à l'élection ne pouvaient être réalisées qu'à l'étranger et notamment sur le territoire néerlandais de l'île ;

5. Considérant toutefois que, si la création d'une nouvelle collectivité territoriale au sein de la République a rendu nécessaire l'adoption d'un dispositif législatif et réglementaire nouveau et spécifique, les dispositions du code électoral applicables pour les élections des conseillers territoriaux de cette nouvelle collectivité, pour l'essentiel reprises des dispositions applicables aux élections en métropole, ne sont pas ambiguës et ne prêtent pas à difficulté d'interprétation ; que l'ouverture d'un compte postal ou bancaire unique libellé en euros ne faisait nullement obstacle au règlement de dépenses effectuées dans une devise étrangère à l'occasion de la campagne électorale ; qu'ainsi M.D..., expert-comptable de son état, homme politique expérimenté, conseiller territorial de Saint-Martin élu en 2007, doit être regardé comme ayant méconnu, de manière délibérée, une règle substantielle de financement des campagnes électorales ; qu'il a ainsi commis un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il il y a lieu, en application de l'article L. 118-3 du code électoral, de déclarer M. D...inéligible à tout mandat pendant dix-huit mois à compter du jour de la présente décision, de le déclarer démissionnaire d'office de son mandat de conseiller territorial et, par voie de conséquence, démissionnaire d'office de ses fonctions de président du conseil territorial ;

7. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article LO 524 du code électoral : " La constatation par le Conseil d'Etat de l'inéligibilité d'un ou de plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus déclarés inéligibles. Le Conseil d'Etat proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste " ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de proclamer élue conseiller territorial Mme C...B..., inscrite sur la liste où figurait M. D...immédiatement après le dernier élu de cette liste ;

8. Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la somme que M. D...demande soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : M. D...est déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la présente décision, démissionnaire d'office de son mandat de conseiller territorial et des fonctions de président du conseil territorial.

Article 2 : Mme B...est proclamée élue en qualité de conseiller territorial.

Article 3 : Les conclusions de M. D...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, à M. A...D..., à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 364071
Date de la décision : 12/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES - APPLICABILITÉ DES RÈGLES DU CODE ÉLECTORAL À SAINT-MARTIN - EXISTENCE.

28-005-04 Les dispositions du titre 1er du livre 1er du code électoral consacrées aux dispositions communes à l'élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux sont applicables de plein droit aux élections des conseillers territoriaux de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin pour tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions spécifiques les concernant. Sont ainsi applicables les dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales mentionnées aux articles L. 52-4 à L. 52-18 de ce code.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES - PORTÉE DE L'INÉLIGIBILITÉ - MANQUEMENT D'UNE PARTICULIÈRE GRAVITÉ AU SENS DE L'ART - L - 118-3 DU CODE ÉLECTORAL - EXISTENCE EN L'ESPÈCE [RJ1].

28-005-04-04 Candidat pour la désignation des conseillers territoriaux de Saint-Martin ayant méconnu l'exigence d'ouverture d'un compte postal ou bancaire unique libellé en euros posée par l'article L. 52-6 du code électoral (ouverture simultanée de deux comptes, dans la même banque, l'un pour les opérations réalisées en euros et l'autre pour les opérations réalisées en dollars américains). Si la création de la collectivité territoriale de Saint-Martin a rendu nécessaire l'adoption d'un dispositif législatif et réglementaire nouveau et spécifique, les dispositions du code électoral applicables pour les élections des conseillers territoriaux de cette nouvelle collectivité, pour l'essentiel reprises des dispositions applicables aux élections en métropole, ne sont pas ambiguës et ne prêtent pas à difficulté d'interprétation. En outre, l'ouverture d'un compte postal ou bancaire unique libellé en euros ne faisait nullement obstacle au règlement de dépenses effectuées dans une devise étrangère à l'occasion de la campagne électorale. Ainsi, le candidat, expert-comptable de son état, homme politique expérimenté, conseiller territorial de Saint-Martin élu en 2007, doit être regardé comme ayant méconnu, de manière délibérée, une règle substantielle de financement des campagnes électorales et a ainsi commis un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Inéligibilité de dix-huit mois à compter de la décision du Conseil d'Etat.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - LOIS ET RÈGLEMENTS (HORS STATUTS DES COLLECTIVITÉS) - COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE - SAINT-MARTIN - APPLICABILITÉ DES RÈGLES DE FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES DU CODE ÉLECTORAL - EXISTENCE.

46-01-03-02 Les dispositions du titre 1er du livre 1er du code électoral consacrées aux dispositions communes à l'élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux sont applicables de plein droit aux élections des conseillers territoriaux de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin pour tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions spécifiques les concernant. Sont ainsi applicables les dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales mentionnées aux articles L. 52-4 à L. 52-18 de ce code.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cons. const., 15 février 2013, décision n° 2012-4703 AN.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2013, n° 364071
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:364071.20130412
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