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10/03/1967 | FRANCE | N°69378

France | France, Conseil d'État, Section, 10 mars 1967, 69378


REQUETE de la Société "des Ardoisières d'Angers", tendant à l'annulation d'un jugement du 7 février 1966 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'indemnité dirigée contre l'Etat en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le fait de n'avoir pas été exonérée de diverses charges sociales et fiscales pour les primes de productivité accordées à son personnel ;
Vu les décrets du 14 juin 1946 et du 5 juillet 1947 ; la loi du 4 août 1956 ; les décrets des 20 mai et 17 septembre 1955 ; le Code civil ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et

le décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant que, par un jugement avant...

REQUETE de la Société "des Ardoisières d'Angers", tendant à l'annulation d'un jugement du 7 février 1966 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'indemnité dirigée contre l'Etat en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le fait de n'avoir pas été exonérée de diverses charges sociales et fiscales pour les primes de productivité accordées à son personnel ;
Vu les décrets du 14 juin 1946 et du 5 juillet 1947 ; la loi du 4 août 1956 ; les décrets des 20 mai et 17 septembre 1955 ; le Code civil ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant que, par un jugement avant-dire-droit non frappé d'appel, en date du 25 juin 1963, le Tribunal administratif a décidé qu'en s'abstenant de prendre le décret d'application prévu à l'article 120 de la loi du 4 août 1956, lequel avait pour objet de faire bénéficier les exploitations minières et assimilées d'un régime analogue à celui instauré par les décrets du 20 mai et du 17 septembre 1955, qui exonéraient de certaines charges fiscales et sociales les sommes versées par les entreprises à leur personnel au titre de participation collective à l'accroissement de la productivité, le gouvernement avait commis une négligence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, cependant, par jugement définitif du 7 février 1966 frappé d'appel, le Tribunal administratif a rejeté la demande en réparation présentée par la Société anonyme "Les Ardoisières d'Angers" au motif que les primes versées par ladite société à son personnel ne constituaient pas de véritables primes de productivité, ouvrant droit à exonération de certaines charges sociales et fiscales et que la requérante ne justifiait donc pas que le défaut de parution du décret susmentionné lui eût causé un préjudice réel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts commis par les premiers juges, que les primes semestrielles versées par la société requérante à l'ensemble de son personnel à compter du 1er mai 1955, suivant des formules successives préalablement négociées avec les représentants dudit personnel ont été, à l'exception des primes exclues par le jugement avant-dire-droit précité, d'une prime complémentaire de 3.000 F attribuée en 1956 et de la prime particulière à la carrière Bel Air à compter du 2e semestre 1956, directement fonction, non du rendement individuel de chaque salarié, mais de l'accroissement global de productivité mesuré par le volume de la production rapporté à l'un des éléments essentiels constitutifs du coût de production et constaté pendant le semestre, soit au niveau de chaque carrière, soit au niveau général de l'entreprise ; que, dés lors, lesdites primes répondaient pour l'essentiel à l'économie générale du régime instauré par les décrets du 20 mai 1955 et du 17 septembre 1955 ; que, par suite, la Société anonyme "Les Ardoisières d'Angers" est fondée à soutenir que le défaut de publication du décret d'application de l'article 120 de la loi du 4 août 1956 lui a, en la privant de chances sérieuses d'être exonérée de certaines charges fiscales à raison des primes litigieuses, causé un préjudice ouvrant droit à réparation ;

Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions de première instance, la Société requérante évalue ce préjudice au montant du versement forfaitaire sur les salaires qu'elle a acquitté au titre des années 1955, 1956 et l957 et au montant de la taxe d'apprentissage qu'elle a acquitté au titre de l'année 1957 sur les primes dites de productivité versées par elle à son personnel pendant les trois années litigieuses ; que, toutefois, en application de l'article 16 bis du décret du 14 juin 1946 relatif au statut du personnel des exploitations minières et assimilées, complété par le décret du 5 juillet 1947, en vertu duquel les primes de production versées audit personnel doivent être fixées par arrêté interministériel, peuvent seules être regardées comme primes de productivité au sens des dispositions législatives et réglementaires susrappelées, les primes semestrielles versées à compter du 1er septembre 1956 pour un montant de 10.848.416 anciens francs en 1955, de 46.824.094 anciens francs en 1956 et de 48.348.734 anciens francs de 1957 ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre la société requérante doit, dès lors, être fixée à une somme égale au montant du versement forfaitaire supporté par elle au titre des années 1956, 1956 et 1957 et au montant de la taxe d'apprentissage supporté par elle au titre de l'année 1957 sur les bases susindiquées et qu'il y a lieu de la renvoyer devant le Tribunal administratif pour liquidation de ladite indemnité ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que ladite indemnité doit porter intérêt à compter de la demande de la société requérante en date du 8 avril 1960 ; que, d'autre part, la capitalisation des intérêts a été demandée le 25 janvier 1965 et le 11 mars 1966 ; qu'à ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, il y a lieu de faire droit à ladite demande ;
Sur les dépens de première instance et les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les dépens de première instance et les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges ;... Annulation du jugement ; Etat condamné à payer à la société Les Ardoisières d'Angers une indemnité égale au montant du versement forfaitaire sur les salaires au titre des années 1955, 1956 et 1957, et au montant de la taxe d'apprentissage au titre de l'année 1957 supportés par elle sur une base de 10.848.416 anciens francs en 1955, 45.824.094 anciens francs en 1956, 48.348.734 anciens francs en 1957 ; Renvoi pour liquidation de ladite indemnité qui portera intérêts à dater du 8 avril 1960, les intérêts échus les 25 janvier 1965 et 11 mars 1966 étant capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ; Rejet du surplus ; Dépens de première instance et d'appel, ainsi que les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges mis à la charge de l'Etat .


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 69378
Date de la décision : 10/03/1967
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MINES ET CARRIERES - CARRIERES - QUESTIONS GENERALES - Primes d'intéressement du personnel à l'accroissement de productivité.

40-02-01, 60-01-02, 60-04-01-02-02, 63-03 La loi du 4 août 1956 a entendu faire bénéficier les exploitations minières et assimilées d'un régime analogue à celui instauré par les décrets des 20 mai et 17 septembre 1955, exonérant de certaines charges fiscales et sociales les sommes versées par les entreprises à leur personnel au titre de participation collective à l'accroissement de la productivité. Mais le gouvernement n'a pas pris le décret d'application de cette loi. Le tribunal a estimé par un jugement définitif, que la responsabilité de l'Etat se trouvait engagée. Les primes versées par la société requérante à son personnel, répondant pour l'essentiel à l'économie générale du régime instauré par les décrets des 20 mai et 17 septembre 1955, la société est fondée à soutenir que le défaut de publication du décret d'application de la loi du 4 août 1956, en la privant de chances sérieuses d'être exonérée de certaines charges, lui a causé un préjudice ouvrant droit à réparation. Renvoi au tribunal administratif pour liquidation de l'indemnité sur les bases posées par la décision du Conseil d'Etat.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - Administration tenue de prendre un acte réglementaire - Effets de son abstention.

60-04-04 Les primes versées par la société requérante à son personnel répondant pour l'essentiel à l'économie générale du régime instauré par les décrets des 20 mai et 17 septembre 1955, la société est fondée à soutenir que le défaut de publication du décret d'application de la loi du 4 août 1956, en la privant de chances sérieuses d'être exonérée de certaines charges, lui a causé un préjudice ouvrant droit à réparation. Renvoi au tribunal administratif pour liquidation de l'indemnité sur les bases posées par la décision du Conseil d'Etat.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE CERTAIN DU PREJUDICE - EXISTENCE - Préjudice résultant de la non-intervention d'un texte réglementaire qui aurait procuré certains avantages à l'intéressé.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - Renvoi devant le tribunal administratif.

SPECTACLES - SPORTS ET JEUX - CINEMA - Primes d'intéressement à l'accroissement de la productivité.


Références :

Code civil 1154
Décret du 14 juin 1946 art. 16 bis
Décret du 05 juillet 1947
Décret du 20 mai 1955
Décret du 17 septembre 1955
Loi du 04 août 1956 art. 120


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 1967, n° 69378
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Latournerie
Rapporteur public ?: M. Galmot

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1967:69378.19670310
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