Requête de la S.A.R.L. Etablissement médical Bellevue tendant à :
1° l'annulation du jugement du 12 décembre 1979, du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1969 au 31 octobre 1973 par avis de mise en recouvrement en date du 11 juin 1974 ;
2° la décharge de l'imposition contestée ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 ; la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Considérant que la société à responsabilité limitée Etablissement médical Bellevue a été constituée en 1965, pour exploiter, à Dieulefit, un établissement à caractère sanitaire spécialisé dans le traitement, principalement chez l'enfant et l'adolescent, de toutes les affections chroniques non tuberculeuses des voies respiratoires ; que la société a, par acte du 25 octobre 1969, cédé à l'association Centre médical et climatique Bellevue " le fonds de commerce qu'elle exploitait ; qu'elle a gardé la propriété des immeubles dans lesquels elle exerçait précédemment les activités susdécrites, mais a loué ceux-ci à l'association à compter du 1er octobre 1969 ; qu'elle a également consenti à ladite association des prêts moyennant des intérêts calculés sur le taux des avances de la Banque de France, majoré de deux points ; qu'elle demande la décharge de l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie à raison des loyers et des intérêts de prêts perçus de l'association, au titre de la période du 1er janvier 1969 au 31 octobre 1973 ;
Sur les droits en principal : Cons., en premier lieu, que les prix de journée pratiqués par l'association Centre médical et climatique Bellevue ont été, au cours de la période d'imposition litigieuse, très supérieurs à ceux d'établissements comparables installés dans le même département, alors même que les équipements nécessités par le fonctionnement de l'établissement seraient plus importants ; qu'au cours de chacune des années correspondant à la période d'imposition litigieuse, l'association a réalisé des bénéfices ; que ceux-ci n'ont pas été affectés à une réduction correspondante des tarifs pratiqués, mais ont été mis en réserve pour permettre la réalisation de travaux ; qu'il résulte de ces circonstances que la gestion de l'association " Centre médical et climatique Bellevue " n'avait pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, un caractère désintéressé, mais comportait la réalisation d'opérations commerciales ;
Cons., en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " 1. Les affaires faites en France ... sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lors qu'elles relèvent d'une activité de nature industrielle ou commerciale, quels qu'en soient les buts ou les résultats. 2. Cette taxe s'applique quels que soient d'une part le statut juridique des personnes qui interviennent dans la réalisation des opérations imposables ou leur situation au regard de tous autres impôts, d'autre part, la forme ou la nature de leur intervention et le caractère habituel ou occasionnel de celle-ci " ; qu'au cours de la période d'imposition litigieuse, le docteur Y... et M. X..., qui détenaient 80 % du capital de la société à responsabilité limitée Etablissement médical Bellevue et qui, fondateurs de l'association Centre médical et climatique Bellevue et membres de droit de son conseil d'administration pour une durée illimitée, ainsi qu'il ressort des statuts de l'association, ont continué d'exercer au sein de celle-ci les fonctions respectives de médecin chef et de directeur administratif et financier qu'ils exerçaient précédemment au sein de la société et ont d'ailleurs perçu des rémunérations plus élevées que celles que leur versait auparavant la société ; qu'en application du contrat de bail passé entre la société requérante et l'association, toutes les constructions nouvelles ou améliorations réalisées par l'association restent la propriété de la société bailleresse sans indemnité, en cas de cessation de bail et au plus tard à son expiration ; que si, par un avenant de 1975, postérieur à la vérification, les parties ont renoncé à cette clause, cette renonciation ne saurait modifier rétroactivement la situation de fait et de droit qui existait durant la période d'imposition ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, ladite clause du bail n'est pas sans effet pratique en raison de la promesse unilatérale consentie par la société de vendre à l'association les immeubles dont elle est propriétaire, dès lors que cette promesse ne concernait pas les constructions nouvelles réalisées par l'association ; que les clauses susanalysées du bail dont s'agit doivent ainsi être regardées comme autant d'avantages assurés à la société par l'association ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la location consentie associe très étroitement la société à la gestion de l'association Centre médical et climatique Bellevue et à son exploitation qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, revêt un caractère commercial ; que, si la société requérante a consenti à l'association des prêts pour lui permettre d'acquérir le fonds de commerce et lui faciliter le début de son exploitation, les intérêts perçus par une société commerciale non financière sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, quel que soit l'emprunteur ; qu'il s'ensuit que la perception des loyers et des intérêts des emprunts dont s'agit doit être regardée comme procédant d'affaires passible de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des dispositions précitées du 1er de l'article 256 du code ;
Cons., en troisième lieu, que la société requérante soutient, à titre subsidiaire, qu'à supposer que les intérêts des emprunts soient assujettis aux taxes sur le chiffre d'affaires, ils ne seraient passibles que de la taxe sur les activités financières ; qu'aux termes de l'article 299-1 du code général des impôts : " les opérations qui se rattachent aux activités bancaires, financières et, d'une manière générale au commerce des valeurs et de l'argent telles que ces activités sont définies par décrets, sont soumises à une taxe spéciale " ; qu'aux termes de l'article 99 de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application de l'article 299 : " les activités bancaires ou financières s'entendent des activités exercées par les banquiers, les établissements financiers, les agents de change, changeurs, escompteurs et remisiers " ; qu'aux termes de l'article 100 de la même annexe : " les opérations se rattachent aux activités énumérées à l'article 99 et réalisées par des personnes non visées audit article sont également passibles de la taxe spéciale, lorsqu'elles constituent l'activité principale de ces personnes " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les loyers perçus par la société étaient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ; que dès lors, et en tout état de cause, eu égard au montant de ces loyers par rapport aux intérêts des prêts consentis, la société n'est pas fondée à soutenir que les revenus de ces prêts avaient un caractère principal les faisant relever des dispositions propres à la taxe sur les activités financières, et non pas de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Cons., enfin, que, si la société requérante se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, de la doctrine administrative publiée dans la documentation de base 3, p. 1112, n° 10, il résulte des termes mêmes dans lesquels est énoncée cette doctrine que doivent être comprises dans les opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée " non seulement les opérations de nature industrielle ou commerciale, autres que financières, mais encore les profits financiers accessoires qui se rattachent exclusivement à ces opérations, tels que les intérêts provenant de crédits consentis à des clients " ; qu'ainsi, même en application de cette doctrine, les intérêts litigieux sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur les pénalités : Cons. qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans la rédaction antérieure à la loi n° 70-576 du 3 juillet 1970 : " l'indemnité ou l'intérêt prévu ... n'est pas exigé lorsque l'insuffisance, l'inexactitude ou l'omission fait l'objet, dans la déclaration, dans l'acte ou dans une note y annexée, d'une mention expresse permettant de reconstituer la base d'imposition ou d'effectuer la liquidation des droits " ; que, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 3 juillet 1970, l'article 1728 du code général des impôts dispose : " lorsqu'un contribuable fait connaître par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ces titres n'entraînent pas application de l'indemnité ou de l'intérêt de retard prévu ci-dessus " ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a adressé, le 11 février 1970, au service local des taxes sur le chiffre d'affaires une lettre lui demandant de lui confirmer sa situation de non-assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des loyers et des intérêts dont s'agit ; qu'une telle demande, non assortie de précisions pouvant justifier l'exonération, n'est pas de nature à faire échec, sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, à l'application des indemnités de retard encourues ;
Cons. qu'il résulte de tout ce qui précède que la société à responsabilité limitée Etablissement médical Bellevue n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
rejet .