Requête de la société routière Colas tendant :
1° à l'annulation du jugement du 9 février 1980 du tribunal administratif de Fort-de-France rejetant sa demande tendant à ce que le département de la Martinique soit condamné à lui verser une indemnité de 7 574 944,12 F en réparation du préjudice que leur ont causé les charges extra-contractuelles, les sujétions imprévues et les travaux supplémentaires rencontrés dans l'exécution du marché pour la réalisation du chemin départemental n° 15 du Lamentin au Marigot ;
2° la condamnation du département de la Martinique à lui verser la somme de 7 574 944,12 F ainsi que les intérêts des intérêts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par la société routière Colas au tribunal administratif de Fort-de-France : Considérant que la société routière Colas demande, tant en première instance qu'en appel, que le département de la Martinique soit condamné à lui payer la somme de 7 574 944,12 F ; que le total des divers chefs de préjudice qu'elle invoque et qu'elle chiffre séparément s'élève à 6 857 313,09 F ; qu'il en résulte tout d'abord que sa demande n'est assortie d'aucune justification à concurrence de 717 631,03 F ; que la requête doit donc être rejetée dans cette mesure ;
Sur les charges extra-contractuelles supportées par l'entreprise : Cons. en premier lieu que l'entreprise affirme avoir dû supporter des charges extra-contractuelles imprévisibles résultant de l'augmentation de diverses charges sociales spécifique à la Martinique alors que la clause de révision de prix prévue au marché ne prenait en compte que l'augmentation des charges sociales en métropole ; qu'elle demande de ce fait la somme de 492 657,08 F alors que le département évalue de son côté cette charge à la somme de 218 740,31 F ; qu'il en résulte que l'incidence de cette charge supplémentaire aurait été, selon le défendeur, de 1 % et, selon la requérante, de 2 % environ du montant définitif du marché ; qu'elle ne saurait dès lors être regardée comme ayant entraîné un bouleversement de l'équilibre financier du marché qui, seul, aurait pu ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise ;
Cons. en second lieu que l'entreprise soutient qu'elle a dû également supporter des charges extra-contractuelles imprévisibles du fait des conséquences des 48 jours de grève qu'elle a dus supporter pendant la durée du chantier, notamment du fait de l'immobilisation de son matériel pendant cette période, du paiement de son personnel d'encadrement et des frais généraux qui continuaient à courir ; mais que les grèves ainsi invoquées n'ont pas revêtu, en l'espèce, un caractère imprévisible et n'ont pas eu pour effet de bouleverser l'économie du marché ; que la demande d'indemnité présentée à ce titre doit donc être également écartée ;
Sur les sujétions imprévues supportées par l'entreprise : Cons. que l'entreprise soutient qu'elle a dû supporter des sujétions imprévues du fait de l'importance exceptionnelle des intempéries et de la mauvaise qualité des terrains qu'elle a rencontrée ; qu'en effet la durée du chantier a dû, en raison des pluies, être prolongée contractuellement de 157 jours pendant lesquels son personnel et son matériel se sont trouvés immobilisés ; que les terres déblayées, qui devaient, selon le devis technique, être utilisées à la confection des remblais, ont été très difficilement utilisables à cet effet en raison de leur consistance et de leur caractère détrempé ; qu'en réparation de ces divers préjudices, l'entreprise réclame la somme de 4 325 704 F ;
Cons. que les 157 jours de pluie allégués par l'entreprise se sont répartis en 16 jours en 1973, 93 jours en 1974 et 48 jours en 1975 ; qu'ainsi les pluies enregistrées pendant la durée du chantier n'apparaissent nullement comme ayant revêtu pour la Martinique un caractère exceptionnel et imprévisible ; que, selon l'article 1-39-12 du cahier des prescriptions spéciales l'entreprise avait déclaré " avoir entière connaissance de la nature et de l'état des terrains ainsi que des conditions climatiques de la région " ; que d'ailleurs figurait dans le groupement d'entreprises, titulaire du marché, l'entreprise X... installée à la Martinique et chargée des terrassements qui ne pouvait ignorer ces conditions ni les difficultés qu'avait rencontrées le précédent titulaire du marché et qui l'avaient conduit à y renoncer ; que l'article 1-12-3 du cahier des prescriptions spéciales prévoyait d'ailleurs que les intempéries ayant provoqué un arrêt du chantier dans les conditions fixées par l'article 1-12-2 pourraient être prises en compte pour une prolongation du délai d'exécution des travaux ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée non plus à demander une indemnisation pour sujétion imprévue à ce titre ;
Sur les travaux supplémentaires ;
1 En ce qui concerne les emprunts de terres hors emprise : Cons. que l'entreprise soutient que s'il avait été prévu au devis technique que les terres des déblais seraient utilisées pour la réalisation des remblais de la chaussée et suffiraient à cet effet, la mauvaise qualité de ces déblais l'a contrainte à effectuer des emprunts de terres hors l'emprise de la chaussée à concurrence de 12 285 m3 pour un volume de remblais de 207 000 m3 et demande à ce titre la somme de 367 909,85 F ; que toutefois le représentant du maître de l'ouvrage, sur la demande d'autorisation à lui adressée par M. X... le 22 novembre 1974, s'y est expressément opposé par lettre en date du 9 janvier 1975 adressée par le directeur départemental de l'équipement au directeur de la société requérante et a enjoint à celui-ci de se conformer aux prescriptions du marché pour la réalisation des remblais en prélevant les terres nécessaires sur les déblais de la meilleure qualité ; que dans ces conditions, et quel que soit le degré d'utilité de ces emprunts de terres hors emprise, l'entreprise, qui a passé outre aux ordres contraires qu'elle avait reçus, ne saurait prétendre à être indemnisée sur une base contractuelle des dépenses supplémentaires qui lui ont été ainsi occasionnées ;
2 En ce qui concerne les mouvements de terres : Cons. que l'entreprise requérante soutient que, pour les raisons précédemment indiquées, elle a été contrainte d'effectuer des mouvements de terres dans le cadre de l'emprise de la chaussée sur des distances supérieures à celles initialement prévues d'accord avec le maître de l'ouvrage et demande à ce titre la somme de 420 054,60 F ; qu'il n'est pas contesté que ces mouvements de terres supplémentaires n'ont pas été agréés par l'ingénieur contrairement aux dispositions de l'article 3-6 du devis technique et qu'il n'est pas établi qu'ils aient présenté un caractère indispensable ; que l'entreprise requérante n'est, par suite, pas fondée à demander à en être rémunérée ;
3 En ce qui concerne les apports de ponce sur la chaussée : Cons. que l'entreprise requérante allègue que, toujours en raison de la mauvaise qualité des terres provenant des déblais utilisés pour la confection de la chaussée, elle a été contrainte, sur certaines sections de cette chaussée, d'effectuer des apports de ponce non prévus à l'origine ; qu'elle demande à ce titre la somme de 225 545,24 F ;
Cons. toutefois qu'aux termes de l'article 3-11 du devis technique : " les terrassements complémentaires nécessaires à la réalisation parfaite " du profil de la chaussée " dans les conditions requises sont à la charge de l'entreprise, qu'il s'agisse d'amener des matériaux complémentaires ou d'en enlever ... " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à supposer même que ces apports de ponce n'aient pas été envisagés à l'origine par les cocontractants et se soient révélés nécessaires par la suite pour la bonne confection de la chaussée, leur coût doit rester à la charge de l'entreprise qui n'est pas fondée à demander à en être remboursée ;
4 En ce qui concerne les apports de ponce autour des ouvrages : Cons. que l'entreprise soutient qu'elle a été également contrainte d'effectuer des apports de ponce à concurrence de 50 % pour la composition des remblais venant étayer les maçonneries des ouvrages d'art et demande à ce titre la somme de 1 025 442,32 F ; qu'il résulte toutefois du prix n° 62 du bordereau de prix annexé à l'avenant n° 1 au marché accepté par l'entrepreneur le 1er avril 1974 que le prix prévu pour la construction du pont devant franchir la rivière Petit Galion était un prix forfaitaire ; qu'il résulte également, en ce qui concerne les autres ouvrages, des articles 3-13 et 3-14 du devis technique et du prix n° 19 du bordereau de prix annexé au marché que le prix rémunérant le tuf de fondation ou la ponce comprend la mise en oeuvre de cette dernière ; que les dépenses exposées par la société requérante au titre des apports de ponce autour des ouvrages d'art ont donc bien été normalement rémunérées dans les conditions prévues au marché ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à demander une indemnité supplémentaire à ce titre ;
Cons. qu'il résulte de tout ce qui précède que la société routière Colas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 9 février 1980, le tribunal administratif de Fort de France a rejeté sa demande d'indemnité ;
rejet .