Vu le recours enregistré le 24 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 4 novembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme "M. Gérard Joailliers", dont le siège social est ..., décharge des sommes de 64 133 F et 141 278 F représentant le montant des impositions sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1972 et 1976 ;
2° remette intégralement les impositions contestées à la charge de la société anonyme "M. Gérard Joailliers" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Célice, avocat de la société anonyme "M. Gérard Joailliers",
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'application de l'article 1768 du code général des impôts :
Considérant que l'administration a estimé que les intermédiaires étrangers, auxquels la société anonyme "M. Gérard Joailliers" avait recours pour vendre des bijoux à des personnalités étrangères, exerçaient en France leur activité d'entremise dès lors que la remise des bijoux s'effectuait à l'occasion du passage dans ce pays desdites personnalités étrangères, et qu'en conséquence, les commissions versées par la société à ces intermédiaires devaient faire l'objet, au titre des années 1975 et 1976, d'une retenue à la source de l'impôt sur le revenu au taux de 24 % qui devait être reversée au trésor conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article 1671 du code général des impôts ; qu'en l'absence de cette retenue à la source, l'administration a infligé à la société anonyme "M. Gérard Joailliers" l'amende, égale à la retenue non effectuée, prévue à l'article 1768 du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société de cette amende ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les intermédiaires auxquels la société anonyme "M. Gérard Joailliers" a versé les commissions litigieuses demeuraient tous à l'étranger et qu'ils ont été choisis en raison des relations étroites qu'ils entretenaient avec de riches personnalités étrangères leur permettant de promouvoir auprès de ces dernières les ventes de bijoux de grande valeur de la société ; que, dans ces conditions et en l'absence de tout élément contraire, la société doit être regardée comme établissant que l'activité d'entremise des intermédiaires ne s'effectuait pas en France, onobstant la circonstance que certains des bijoux dont s'agit aient été remis à l'acquéreur lors d'un passage en France, ce qui, contrairement à ce que soutient le ministre, n'implique pas nécessairement la présence des intermédiaires à ce moment ; qu'il suit de là que les intermédiaires n'étaient pas passibles à raison de ces actes d'entremise d'une imposition en France sur le revenu et que la société n'avait pas à pratiquer à leur égard la retenue de la source prévue par l'article 1671 du code général des impôts ;
Sur l'application de l'article 1679 bis du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1679 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "Toute personne... qui n'a pas versé dans les délais prescrits... les retenues opérées au titre de l'impôt sur le revenu article 1671 est personnellement imposée par voie de rôle d'une somme égale à celle qu'il aurait dû verser" ; qu'il est constant que la société anonyme "M. Gérard Joailliers" a opéré aucune retenue à la source, au titre de l'impôt sur le revenu sur les sommes qu'elle a versées, à ses intermédiaires étrangers ; que, dès lors, l'article 1679 bis n'est pas applicable en l'espèce, qu'ainsi et en tout état de cause, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ne peut utilement s'en prévaloir pour demander le maintien, par voie de substitution de base légale, de l'imposition contestée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article ler : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "M. Gérard Joailliers" et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET.