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20/07/1990 | FRANCE | N°79369

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 20 juillet 1990, 79369


Vu 1°) sous le n° 79 369 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juin 1986 et 13 octobre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée "ETABLISSEMENTS RONCERAY", dont le siège social est ..., représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 18 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable de 70 % des conséquences dommageables de l'accident subi par M. X... le 10 juillet 1980 et l'a condamnée

à verser à M. X... une indemnité provisionnelle de 70 000 F ;
2- rejett...

Vu 1°) sous le n° 79 369 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juin 1986 et 13 octobre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée "ETABLISSEMENTS RONCERAY", dont le siège social est ..., représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 18 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable de 70 % des conséquences dommageables de l'accident subi par M. X... le 10 juillet 1980 et l'a condamnée à verser à M. X... une indemnité provisionnelle de 70 000 F ;
2- rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu 2°) sous le n° 89 821 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juillet 1987 et 24 novembre 1987, présentés pour la société à responsabilité limitée "ETABLISSEMENTS RONCERAY", dont le siège social est ..., représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 10 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser une somme de 73 500 F à M. X..., une somme de 238 831,78 F au département des Hauts-de-Seine et une somme de 652 082,79 F portant intérêts à la caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'à supporter les frais de l'expertise précédemment ordonnée par le tribunal ;
2- rejette les demandes présentées par M. X..., le département des Hauts-de-Seine et la caisse des dépôts devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schneider, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Célice, Blancpain, avocat de la Société "ETABLISSEMENTS RONCERAY", de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Lucien X..., de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat du département des Hauts-de-Seine, de Me Gauzès, avocat de la caisse des dépôts et consignations et de Me Odent, avocat de l'Union des Assurances de Paris et de l'Entreprise Dodin,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 79 369 et 89 821 présentées pour la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" sont relatives à un même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, le 10 juillet 1980, M. X..., employé par le département des Hauts-de-Seine en qualité d'ouvrier d'assainissement, s'est blessé en tombant d'une échelle métallique fixée dans la maçonnerie d'un puits d'accès à une fosse de la station de relèvement des eaux usées de Colombes, que la société Dodin venait d'aménager pour le compte du département, en exécution d'un marché du 3 août 1978 ; que le tribunal administratif de Versailles a, par le premier jugement attaqué, en date du 18 mars 1986, décidé que la responsabilité de la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY", à qui avaient été sous-traitées la fourniture et la pose des échelles des puits d'accès de la station, était engagée dans la proportion de 70 % à l'égard de la victime, et a ensuite, par le deuxième jugement attaqué, en date du 10 juin 1987, condamné cette société à payer, d'une part, à M. X... une indemnité de 73 500 F, d'autre part, au département des Hauts-de-Seine une somme de 238 831,78 F en remboursement des diverses prestations que ledit département avait servies à la victime et enfin à la caisse des dépôts et consignations une somme de 652 082 F en remboursement de pensions de vieillesse et d'invalidité payées à la victime ;
Sur la recevabilité des recours incidents du département des Hauts-de-Seine :

Considérant qu'à la suite des appels formés par la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" contre les deux jugements susmentionnés et tendant à être déchargée des condamnations prononcées à son encontre par ces jugements, le président du conseil général du département des Hauts-de-Seine a présenté au nom de cette collectivité publique des conclusions incidentes tendant d'une part à ce que la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" soit déclarée entièrement responsable de l'accident, et d'autre part à un rehaussement de l'indemnité qui est due au département en remboursement des charges que lui a occasionnées l'accident ;
Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 10 août 1871, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1982 : "Le président du conseil général intente les actions au nom du département en vertu de la décision du conseil général et il peut, sur l'avis conforme du bureau, défendre à toute action intentée contre le département" ;
Considérant, qu'autorisé par délibération du bureau du conseil général en date du 21 avril 1989 à défendre devant le Conseil d'Etat à l'action engagée par la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" contre le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 juin 1989, le président du conseil général des Hauts-de-Seine avait par là-même qualité pour présenter toute demande et notamment tout recours incident, relatifs à la couverture du préjudice subi par le département ; que, dès lors, la fin de non-recevoir que la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" oppose aux conclusions des recours incidents formés au nom du département des Hauts-de-Seine, ne peut être accueillie ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au moment de son accident, M. X... était présent dans la station de relèvement des eaux usées pour participer, à la demande de son employeur, à un rendez-vous de chantier ayant pour objet de vérifier les installations de la station avant la réception définitive des travaux ; qu'il doit ainsi, comme l'a estimé le tribunal, par le jugement du 18 mars 1986, être regardé comme ayant eu la qualité de participant à un travail public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident s'est produit au moment où M. X... a saisi la partie supérieure rétractable de l'échelle dite "canne crosse", qui servait de point d'appui lors de l'utilisation de l'échelle à l'entrée ou à la sortie du puits dans lequel elle était scellée, et que c'est à la suite d'une rotation de cette "canne crosse" que M. X... a perdu l'équilibre et est tombé de la hauteur de l'échelle ; qu'en mettant en place une "canne crosse" que sa rotation possible rendait dangereuse pour les utilisateurs, la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY", qui n'établit pas qu'il s'agissait d'un modèle imposé par le maître de l'ouvrage, a commis une faute qui engage sa responsabilité dans l'accident ; que, toutefois, le département des Hauts-de-Seine, qui n'ignorait pas que les "cannes crosses" des échelles installées par la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" n'offraient pas toutes les garanties de sécurité voulues, a commis une imprudence fautive en laissant un de ses agents utiliser sans précautions l'échelle qui a causé l'accident ; que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 70 % la part de responsabilité qui incombe à la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" ;
Sur le montant des préjudices indemnisables :

Considérant que par le jugement du 10 juin 1987, qui n'est pas contesté sur ce point, le tribunal administratif a évalué le préjudice global causé par l'accident à la somme de 1 377 735,14 F qui représente en premier lieu à concurrence de 122 000 F les divers préjudices subis par M. X..., en second lieu à concurrence de 336 631 ,04 F les dépenses qui ont été exposées par le département jusqu'au 1er septembre 1984 et qui ont consisté en traitements payés à la victime et en frais médicaux et pharmaceutiques, et enfin à concurrence de 919 104,10 F, le montant d'arrérages de pensions de vieillesse et d'invalidité versés par la caisse des dépôts et consignations du 1er septembre 1984 au 1er mai 1987 ; qu'à cette somme de 1 377 735,14 F il convient d'ajouter une somme de 172 517,67 F qui correspond à des dépenses supplémentaires que le département justifie avoir exposées depuis l'intervention du jugement du 10 juin 1987 ; qu'en revanche les conclusions du département tendant à ce que lui soit reconnu un droit au remboursement de nouvelles prestations qu'il sera appelé à servir ultérieurement, ne peuvent, en raison du caractère éventuel de ces prestations, être accueillies ; qu'ainsi le préjudice résultant de l'accident s'élève à 1 550 252,81 F, dont la réparation incombe à concurrence de 70 %, soit 1 085 176 F, à la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" ;
Sur les droits de la caisse des dépôts et consignations et du département des Hauts-de-Seine :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er, 5 et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 susvisée que le département des Hauts-de-Seine et la caisse des dépôts et consignations sont fondés à demander à la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" le remboursement des dépenses qu'ils ont exposées du fait de l'accident dont s'agit dans la limite des sommes mises à la charge de ladite société, à l'exception des indemnités destinées à réparer la souffrance physique endurée par M. X..., ainsi que les autres troubles de nature non pécuniaire subis par l'intéressé ; que ces indemnités s'élevant, compte tenu du partage de responsabilité, à 73 500 F, la somme sur laquelle peuvent s'imputer les créances du département et de la caisse des dépôts et consignations est de 1 011 676,96 F ; que cette somme est inférieure au total des créances du département (509 186,71 F) et de la caisse (919 104,10 F) ; que, dans ces conditions, il convient de répartir ladite somme au marc le franc entre les deux créanciers, soit 360 765,01 F pour le département des Hauts-de-Seine et 650 911,95 F pour la caisse des dépôts et consignations ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts dus au département des Hauts-de-Seine :

Considérant, d'une part, que le département des Hauts-de-Seine a droit, comme il le demande, à compter de son appel incident du 7 décembre 1989, aux intérêts de la somme correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité que lui a attribuée le tribunal administratif et le montant résultant de la présente décision, soit 121 933,23 F ; que la capitalisation des intérêts sur cette somme a été demandée le 7 décembre 1989 ; qu'à cette date il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Considérant, d'autre part, que le département des Hauts-de-Seine a demandé le 7 décembre 1989 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Paris lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts dus à M. X... :
Considérant, d'une part, que M. X... a droit, à compter du 15 juin 1984, date de sa demande au tribunal administratif, aux intérêts de la somme de 73 500 F que la Société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" a été condamnée à lui verser par le jugement du 10 juin 1987 ;
Considérant, d'autre part, que M. X... a demandé le 27 juin 1990 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder au département des Hauts-de-Seine d'une part, à la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" d'autre part, le bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 ;
Article 1er : L'indemnité de 238 831,78 F que la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" a été condamnée à payer au département des Hauts-de-Seine par le jugement du 10 juin 1987, est portée à 360 765,01 F. Sur cette somme, 121 933,23 F porteront intérêts à compter du 7 décembre 1989. Les intérêts afférents à l'indemnité de 238 831,78 F que la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" a été condamnée à verser au département des Hauts-de-Seine, par le jugement du 10 juin 1987, et échus le 7 décembre 1989 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'indemnité de 652 082 F que la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" a été condamnée à payer à la caisse des dépôts et consignations par le jugement du 10 juin 1987 est ramenée à650 911,95 F.
Article 3 : L'indemnité de 73 500 F que la Société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" a été condamnée à verser à M. X... par le jugement du 10 juin 1987 portera intérêts à compter du 15 juin 1984. Les intérêts échus le 28 juin 1989 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY" et le surplus des conclusions des appels incidents du département des Hauts-de-Seine sont rejetés.
Article 5 : Le jugement du 10 juin 1987 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société "ETABLISSEMENTS RONCERAY", à M. X..., au département des Hauts-de-Seine, à la caisse des dépôts et consignations, à l'Union des Assurances de Paris, à l'Entreprise Dodin et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 79369
Date de la décision : 20/07/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - RECEVABILITE - QUALITE POUR FAIRE APPEL.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS INCIDENTES.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE PARTICIPANT.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE.


Références :

Code civil 1154
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Loi du 10 août 1871 art. 54
Loi 82-623 du 22 juillet 1982
Ordonnance 59-76 du 07 janvier 1959 art. 1, art. 5, art. 7


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 1990, n° 79369
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Schneider
Rapporteur public ?: Pochard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:79369.19900720
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