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16/11/1990 | FRANCE | N°97585

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 16 novembre 1990, 97585


Vu la requête, enregistrée le 3 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour La Cinq, société anonyme dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; La Cinq demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 87-361 du 31 décembre 1987 de la commission nationale de la communication et des libertés intitulée "note de technologie relative à certains termes ou expressions employés en matière de programmes de télévision dans les décisions de ladite autorité", ensemble la décision du 3 mars 1988 rejetant son re

cours gracieux présenté contre ladite décision ;
Vu les autres pièces d...

Vu la requête, enregistrée le 3 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour La Cinq, société anonyme dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; La Cinq demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 87-361 du 31 décembre 1987 de la commission nationale de la communication et des libertés intitulée "note de technologie relative à certains termes ou expressions employés en matière de programmes de télévision dans les décisions de ladite autorité", ensemble la décision du 3 mars 1988 rejetant son recours gracieux présenté contre ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le décret n° 86-175 du 6 février 1986 ;
Vu le décret n° 87-37 du 26 janvier 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de la société anonyme "La Cinq",
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si la société anonyme "La Cinq" demande l'annulation de la décision n° 87-361 du 31 décembre 1987 de la commission nationale de la communication et des libertés, intitulée : "note de terminologie relative à certains termes ou expressions employés en matière de programmes télévisés dans les décisions de cette commission", elle ne soulève, à l'appui de ses conclusions, que des moyens concernant la définition de l'oeuvre audiovisuelle, de l'oeuvre en première diffusion en France, de l'oeuvre télévisuelle d'expression originale française et du deuxième alinéa de la définition de la fiction cinématographique ; que sa requête doit être regardée comme dirigée contre ces seules dispositions de la note susmentionnée, lesquelles sont divisibles des autres dispositions non attaquées ;
Considérant que si, en vertu des dispositions du paragraphe II de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la commission nationale de la communication et des libertés a compétence pour déterminer les règles générales de programmation pour l'exploitation des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, autres que ceux assurés par les sociétés nationales de programme, le paragraphe Ier du même article dispose que, pour les mêmes services, le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles est fixé par des décrets en Conseil d'Etat ;
Considérant que si, pour définir la notion d'oeuvre audiovisuelle pour la mise en oeuvre des décrets pris en application de la loi du 30 septembre 1986, la commission s'est bornée à interpréter la loi en n'incluant pas les oeuvres cinématographiques dans cette définition, elle a, en revanche, restreint, par une disposition de caractère impératif et général, la portée de cette notion en décidant que seuls présentent le caractère d'oeuvres audiovisuelles, les fictions télévisuelles et les documentaires ; qu'en écartant ainsi des programmes qui, tout en n'appartenant pas aux deux genres susmentionnés, contiendraient une part de création qui permette de les regarder comme une oeuvre audiovisuelle, la commission ne s'est pas bornée à interpéter les dispositions de la loi susvisée, mais a fixé des règles nouvelles ;

Considérant qu'en définissant l'oeuvre en première diffusion en France comme "une oeuvre n'ayant jamais été diffusée en clair en France par un service de communication audiovisuelle, ni distribuée en France par une ou des sociétés desservant plus de 100 000 foyers abonnés", la commission a fixé des règles nouvelles ayant pour effet d'étendre au domaine de la diffusion des oeuvres, l'une des dispositions de l'article 6 du décret du 6 février 1986 relatif au soutien financier de l'Etat à l'industrie des programmes audiovisuels dont le champ d'application se limite à l'attribution des subventions prévues à l'article 1er de ce décret ;
Considérant que, s'agissant du deuxième alinéa de la définition de la "fiction cinématographique", la commission, après avoir indiqué que la qualification des oeuvres audiovisuelles étrangères ayant fait l'objet d'une exploitation cinématographique dans leur pays d'origine mais inédites en salle de cinéma en France donne lieu à un examen cas par cas, dispose que cette qualification est effectuée conjointement par la commission nationale de la communication et des libertés et par le centre national de la cinématographie ; que cette disposition, par laquelle la commission décide qu'une compétence qui lui appartient sera exercée conjointement avec une autre autorité, présente un caractère réglementaire ; qu'il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, le deuxième alinéa de la définition de la "fiction cinématographique" ;
Considérant qu'en se bornant à constater qu'est une oeuvre télévisuelle d'expression originale française (fiction et documentaire) une oeuvre intégralement réalisée en version originale en langue française, la commission n'a pas édicté une règle de droit ; qu'en revanche, en décidant que pouvaient être qualifiées d'oeuvre télévisuelle d'expression originale française, des oeuvres qui devraient répondre à une combinaison de critères se rapportant à la localisation en France de l'entreprise de production, à la nationalité de ses dirigeants, à un pourcentage déterminé de participation française dans le financement, à un pourcentage minimal des dépenses de production en France, à la nationalité des artistes et techniciens et à la réalisation en France des prestations techniques, la commission a énoncé une disposition de caractère réglementaire ;

Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que la société requérante est recevable et fondée à demander l'annulation de la décision n° 87-361 du 31 décembre 1987 de la commission nationale de la communication et des libertés en tant 1° qu'elle limite aux fictions télévisuelles et aux documentaires la définition de l'oeuvre audiovisuelle, 2° qu''elle définit l'oeuvre en première diffusion en France, 3° que, dans le 2ème alinéa de la définition de la fiction cinématographique, elle décide que, pour certaines oeuvres étrangères, il sera procédé à la qualification par décision conjointe de la commission nationale de la communication et des libertés et du centre national de la cinématographie, 4° que, réserve faite de l'oeuvre intégralement réalisée en version originale en langue française", elle définit les oeuvres télévisuelles d'expression originale française ;
Article 1er : La décision n° 87-361 du 31 décembre 1987 de la commission nationale de la communication et des libertés est annulée en tant 1° qu'elle limite aux fictions télévisuelles et aux documentaires la définition de l'oeuvre audiovisuelle, 2° qu'elle définit l'oeuvre en première diffusion en France, 3° que, dans le 2ème alinéa de la définition de la fiction cinématographique, elle décide que pour certaines oeuvres étrangères, il sera procédé à la qualification par décision conjointe de la commission nationale de la communication et des libertés et du centre national de la cinématographie, 4° que, réserve faite de "l'oeuvre intégralement réalisée en version originale en langue française", elle définit les oeuvres télévisuelles d'expression originale française.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme La Cinq est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme La Cinq , au conseil supérieur de l'audiovisuel et au ministre de la culture, de la communication, et des grands travaux.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 97585
Date de la décision : 16/11/1990
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTRES AUTORITES - AUTORITES DE L'ETAT - Autorités administratives indépendantes - Commission nationale de la communication et des libertés (C - N - C - L - ) - Incompétence pour déterminer le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.

01-02-02-01-07-01, 56-04-03-02-01-02(1) Si, en vertu des dispositions du paragraphe II de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la Commission nationale de la communication et des libertés a compétence pour déterminer les règles générales de programmation pour l'exploitation des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite autres que ceux assurés par les sociétés nationales de programme, le paragraphe Ier du même article dispose que, pour les mêmes services, le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles est fixé par des décrets en Conseil d'Etat. Par suite, illégalité de la décision N° 87-361 du 31 décembre 1987 de la Commission nationale de la communication et des libertés, intitulée : "Note de terminologie relative à certains termes ou expressions employés en matière de programmes télévisés dans les décisions de cette commission", en tant qu'elle ajoute des règles nouvelles par rapport à la réglementation existante.

RADIODIFFUSION SONORE ET TELEVISION - SERVICES PRIVES DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TELEVISION - SERVICES DE TELEVISION - SERVICES AUTORISES - SERVICES DE TELEVISION PAR VOIE HERTZIENNE - REGLES DE PROGRAMMATION - Diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles (loi du 30 septembre 1986) - (1) Incompétence de la Commission nationale de la communication et des libertés pour fixer - par sa "note de terminologie" - des règles en la matière - (2) Notion d'oeuvre audiovisuelle - Limitation aux fictions télévisuelles et aux documentaires - Absence - (3) Notion d'oeuvre en première diffusion - (4) Notion d'oeuvre d'expression originale française.

56-04-03-02-01-02(2) Si, pour définir la notion d'oeuvre audiovisuelle la Commission nationale de la communication et des libertés s'est bornée à interpréter la loi en n'incluant pas les oeuvres cinématographiques dans cette définition, elle a, en revanche, restreint, par une disposition de caractère impératif et général, la portée de cette notion en décidant que seuls présentent le caractère d'oeuvres audiovisuelles les fictions télévisuelles et les documentaires. En écartant ainsi des programmes qui, tout en n'appartenant pas aux deux genres susmentionnés, contiendraient une part de création qui permette de les regarder comme une oeuvre audiovisuelle, la commission ne s'est pas bornée à interpréter les dispositions de la loi susvisée, mais a fixé des règles nouvelles. Par suite, illégalité de la "note de terminologie" du 31 décembre 1987 en tant qu'elle limite aux fictions télévisuelles et aux documentaires la notion d'oeuvre audiovisuelle.

56-04-03-02-01-02(3) En définissant l'oeuvre en première diffusion en France comme "une oeuvre n'ayant jamais été diffusée en clair en France par un service de communication audiovisuelle, ni distribuée en France par une des sociétés desservant plus de 100 000 foyers abonnés", la commission a fixé des règles nouvelles ayant pour effet d'étendre au domaine de la diffusion des oeuvres, l'une des dispositions de l'article 6 du décret du 6 février 1986 relatif au soutien financier de l'Etat à l'industrie des programmes audiovisuels dont le champ d'application se limite à l'attribution des subventions prévues à l'article 1er de ce décret. Par suite, illégalité de la "note de terminologie" du 31 décembre 1987 en tant qu'elle définit l'oeuvre en première diffusion en France.

56-04-03-02-01-02(4) En se bornant à constater qu'est une oeuvre télévisuelle d'expression originale française (fiction ou documentaire) une oeuvre intégralement réalisée en version originale en langue française, la commission n'a pas édicté une règle de droit. En revanche, en décidant que pouvaient être qualifiées d'oeuvre télévisuelle d'expression originale française, des oeuvres qui devraient répondre à une combinaison de critères se rapportant à la localisation en France de l'entreprise de production, à la nationalité de ses dirigeants, à un pourcentage déterminé de participation française dans le financement, à un pourcentage minimal des dépenses de production en France, à la nationalité des artistes et techniciens et à la réalisation en France des prestations techniques, la commission a énoncé une disposition de caractère réglementaire. Par suite, illégalité de la "note de terminologie" du 31 décembre 1987 en tant que, réserve faite de "l'oeuvre intégralement réalisée en version originale en langue française", elle définit les oeuvres télévisuelles d'expression originale française.


Références :

Décision 87-361 du 31 décembre 1987 CNCL décision attaquée annulation partielle
Décret 86-175 du 06 février 1986 art. 6, art. 1
Loi 86-1067 du 30 septembre 1986 art. 27


Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 1990, n° 97585
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Lasvignes
Rapporteur public ?: M. Stirn
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:97585.19901116
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