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31/01/1992 | FRANCE | N°124496

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 31 janvier 1992, 124496


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mars 1991 et 10 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Y..., demeurant à la Maison d'arrêt de la Santé, à Paris (75013) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le décret du 24 janvier 1991 accordant son extradition aux autorités suisses ;
2°/ d'ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la Convention européenne d'extradition du 13 d

cembre 1957 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la Convention européenne ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mars 1991 et 10 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Y..., demeurant à la Maison d'arrêt de la Santé, à Paris (75013) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le décret du 24 janvier 1991 accordant son extradition aux autorités suisses ;
2°/ d'ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la Convention européenne des droits de l'homme ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret du 24 janvier 1991 accordant l'extradition du requérant aux autorités suisses :
Considérant que la circonstance que la copie du décret attaqué remise à M. X... ne soit pas signée de la main du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la justice, est sans influence sur la régularité de ce décret ; qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que l'exécution d'un décret d'extradition ne requiert l'intervention d'aucune décision d'application relevant de la compétence d'autres ministres que le ministre de la justice, qui a effectivement contresigné le décret attaqué ; que, dès lors, celui-ci n'est pas entaché d'irrégularité faute d'avoir été contresigné par d'autres ministres ;
Considérant que le décret du 24 janvier 1991 accordant l'extradition de M. X... aux autorités suisses énumère les différentes infractions pour lesquelles il est recherché par la justice suisse et précise que ces infractions répondent aux exigences de l'article 2 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qu'elles sont punissables en droit français, ne sont pas prescrites et qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition ait été présentée aux fins de poursuivre ou de punir M. X... pour des considérations de race, d'opinions politiques, de nationalité ou de religion ni que sa situation risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ; qu'il n'incombait pas aux auteurs de ce décret d'y mentionner les poursuites dont le requérant était l'objet en France ; qu'il résulte de ce qui précède que ledit décret satisfait aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'absence de mention, dans ledit décret, des poursuites dirigées en France contre M. X... n'est pas de nature à le priver ultérieurement du droit à un procès équitabe garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Considérant que la circonstance que le mandat d'arrêt ait été émis par un juge suisse le jour où la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris statuait sur une demande de mise en liberté de M. X..., inculpé en France, ne révèle pas, contrairement à ce qu'allègue le requérant, l'existence d'un détournement de procédure ; que le moyen tiré de l'incompétence du juge suisse ayant décerné le mandat d'arrêt précité est inopérant à l'encontre du décret attaqué ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'il résulte des termes de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 qu'elle ne permet pas au gouvernement français de subordonner l'extradition à des conditions autres que celles qui sont prévues par la convention ; que, si l'article 1er de la loi du 10 mars 1927 dispose que cette loi s'applique aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités, cette disposition ne saurait prévaloir sur celles de la convention précitée qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution, ont une autorité supérieure à celle de la loi ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article 5-3° de la loi du 10 mars 1927 selon lesquelles l'extradition n'est pas accordée lorsque les crimes et délits ont été commis en France pour soutenir que le gouvernement français ne pouvait légalement accorder son extradition aux autorités suisses ; qu'aux termes de l'article 7-1 de ladite convention : "La partie requise pourra refuser d'extrader l'individu réclamé à raison d'une infraction qui, selon sa législation, a été commise en tout ou en partie sur son territoire ou en un lieu assimilé à son territoire" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à supposer que l'infraction pour laquelle M. X... était réclamé par les autorités suisses ait été commise en tout ou en partie, selon la législation française, en territoire français, le décret attaqué n'est pas entaché d'illégalité ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la même convention : "Une partie requise pourra refuser d'extrader un individu réclamé si cet individu fait l'objet de sa part de poursuites pour le ou les faits à raison desquels l'extradition est demandée" ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le décret attaqué n'a pas méconnu ces dispositions ; qu'il n'a pas davantage méconnu celles de l'article 9 de la même convention relatif à la règle "non bis in idem" en l'absence de poursuites dirigées contre M. X... à raison des faits pour lesquels l'extradition a été accordée aux autorités suisses ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 24 janvier 1991 accordant son extradition aux autorités suisses ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 124496
Date de la décision : 31/01/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION SUFFISANTE - EXISTENCE.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - CONTRESEING.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ETRANGERS - REFUGIES - APATRIDES - ETRANGERS - QUESTIONS COMMUNES - EXTRADITION.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ETRANGERS.


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 22, art. 55
Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6
Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 art. 2, art. 7-1, art. 8, art. 9
Décret du 24 janvier 1991 extradition
Loi du 10 mars 1927 art. 1, art. 5
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 3


Publications
Proposition de citation : CE, 31 jan. 1992, n° 124496
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Errera
Rapporteur public ?: Abraham

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:124496.19920131
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