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20/03/1992 | FRANCE | N°67258

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 20 mars 1992, 67258


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, représenté par le Président de son conseil général autorisé par ledit conseil ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement en date du 18 décembre 1984 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a limité à 1 703 020,62 F la somme mise à la charge de la société Sima Z... en réparation des malfa

çons affectant les rayonnages métalliques du dépôt des archives départem...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, représenté par le Président de son conseil général autorisé par ledit conseil ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement en date du 18 décembre 1984 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a limité à 1 703 020,62 F la somme mise à la charge de la société Sima Z... en réparation des malfaçons affectant les rayonnages métalliques du dépôt des archives départementales de Bobigny, rejeté ses conclusions contre les architectes, MM. Y... et B... et le bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne (BERIM) en réparation de ces malfaçons et laissé à sa charge le tiers des frais d'expertise ;
2°) déclare la société Sima Z..., MM. Y... et B... et le bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne conjointement et solidairement responsables des malfaçons et les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 2 227 657,74 F avec les intérêts de droit et la totalité des frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, de Me Jousselin, avocat de la société Sima Z..., de Me Boulloche, avocat de MM. Y... et B... et de la S.C.P. Rouvière, Lepitre, Boutet, avocat du bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions incidentes présentées par la S.A. Sima International :
Considérant que, par son jugement en date du 18 décembre 1984 le tribunal administratif de Paris, statuant sur les conclusions présentées par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS tendant à la condamnation solidaire des sociétés Sitraba et Sima Z..., de MM. Y... et B..., architectes, du bureau d'études Berim et du bureau Veritas à réparer les malfaçons constatées dans les rayonnages métalliques des trois tours magasin du dépôt d'archives départementales, a prononcé la mise hors de cause de la société Sitraba, de MM. Y... et B..., du bureau d'études Berim et du bureau Veritas, condamné la S.A. Sima International à payer au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS une somme de 1 733 020,62 F en réparation desdites malfaçons après déducion des sommes restant dues à cette société en exécution du marché et partagé les frais d'expertise à raison des deux tiers à la charge de la S.A. Sima International et 1/3 à la charge du département ; que les conclusions de l'appel principal présenté par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS tendent à la réformation de ce jugement en tant seulement que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre MM. Y... et B... et le bureau d'études Berim et en tant que le tiers des frais d'expertise a été mis à sa charge ; qu'ainsi, les conclusions incidentes présentées par la S.A. Sima International qui tendent à ce qu'elle soit déchargée des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du tribunal administratif de Paris soulèvent un litige distinct de l'appel principal et sont, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions de l'appel principal présentées par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS :
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier qu'en définissant l'étendue des missions confiées à l'expert, M. A..., par ses ordonnances en date des 6 mai 1983, 21 juin 1983 et 14 septembre 1983, le président du tribunal administratif de Paris n'a confié à l'expert l'examen d'aucune question de droit ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort du jugement attaqué que si, pour prononcer la mise hors de cause des architectes et du bureau d'études, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le rapport de l'expert qui avait estimé qu'ils avaient parfaitement exécuté leur contrat, il ne s'est pas borné à entériner les conclusions de l'expert sur ce point, mais a repris à son compte lesdites conclusions après avoir estimé que les fautes alléguées des maîtres d'oeuvre n'étaient pas établies ;
Considérant qu'il découle de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;
Sur la responsabilité de MM. Y... et B..., architectes, et du bureau d'études Berim :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les éléments de rayonnages métalliques fournis et mis en place par la S.A. Sima International, titulaire du lot 20 du marché de travaux conclu pour la construction du dépôt d'archives départementales, présentaient des malfaçons généralisées consistant en commencement de corrosion, absence de revêtement de peinture à l'intérieur des plis des profilés et dans les découpes et arêtes, ainsi qu'une insuffisance d'épaisseur ou de solidité dudit revêtement ; qu'ainsi, les éléments de rayonnages n'étaient pas conformes aux spécifications du cahier des clauses techniques particulières du marché ; que ces malfaçons qui ont fait obstacle à ce que soit prononcée la réception des travaux du lot 20 confiée à la S.A. Sima International sont de nature à engager la responsabilité de M. Y..., de M. C... et du bureau d'études Berim, tous trois titulaires du marché de maîtrise d'oeuvre passé le 8 juin 1979 avec le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS complété par l'avenant du 29 décembre 1980 leur confiant, outre les études, la maîtrise du chantier, si une faute peut être relevée à leur égard dans l'exécution de leurs obligations contractuelles ; que si l'origine des malfaçons doit être recherchée dans le mode de mise en oeuvre de la peinture des éléments de rayonnages métalliques dans les installations de la S.A. Sima International, il appartenait aux maîtres d'oeuvre de vérifier, conformément aux stipulations de leur contrat, que lesdits éléments fabriqués par cette entreprise et livrés sur le chantier étaient conformes aux spécifications du marché ; qu'ils n'ont procédé qu'à l'examen du prototype ; qu'eu égard à l'importance de ces fournitures compte tenu de la destination de l'ouvrage, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que l'insuffisance de leurs contrôles a constitué une faute ; qu'eu égard au caractère commun de ladite faute, il y a lieu de condamner M. Y..., M. C... et le bureau d'études Berim à supporter le coût des réparations des malfaçons, solidairement avec la S.A. Sima International, à hauteur de la somme de 1 733 020,62 F mise à la charge de cette société par le jugement attaqué après compensation et solidairement entre eux à hauteur de la somme de 2 227 657,74 F, montant non contesté desdites réparations ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a mis à sa charge le tiers des frais d'expertise ; que lesdits frais doivent être mis à la charge de M. Y..., de M. B..., du bureau d'études Berim, à raison de 10 % chacun, et de la S.A. Sima International à raison de 70 % ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant, d'une part, que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS a droit aux intérêts au taux légal des sommes qui lui sont dues en vertu de la présente décision à compter du 30 août 1983, date d'enregistrement de sa demande au tribunal administratif ;
Considérant, d'autre part, que la capitalisation desdits intérêts a été demandée le 7 juin 1989 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
sur les conclusions tendant à l'application de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 81-647 du 10 juillet 1991, les conclusions du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS doivent être regardées comme demandant la condamnation de MM. Y... et B... et du bureau d'études Berim sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 1er du décret susvisé du 2 septembre 1988 et de condamner MM. Y... et B... et le bureau d'études Berim à payer chacun au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS la somme de 2 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprise dans les dépens ;
Article 1er : MM. X... et B... et le bureau d'études Berim sont condamnés à payer au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS le montant de la réparation due à celui-ci, solidairement avec la S.A. Sima International à hauteur de la somme de 1 733 020,62 F fixée par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 décembre 1984, et solidairement entre eux à hauteur de la somme de 2 227 657,74 F.
Article 2 : Les sommes fixées par l'article 1er ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 30 août 1983. Les intérêts échus le 7 juin 1989 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais de l'expertise s'élevant à 20 080,70 F, seront supportés par la S.A. Sima International à raison de 70 % et par M. Y..., M. B... et le bureau d'études Berim à raison de 10 % chacun.
Article 4 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 18 décembre 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : M. Y..., M. B... et le bureau d'études Berimverseront chacun au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS une somme de 2 000 F au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 6 : Les conclusions incidentes de la S.A. Sima International sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DELA SEINE-SAINT-DENIS, à la S.A. Sima International, à MM. Y... et B..., au bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne (BERIM) et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 67258
Date de la décision : 20/03/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - FAITS DE NATURE A ENTRAINER LA RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS INCIDENTES.


Références :

Code civil 1154
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Décret 91-1266 du 19 décembre 1991
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 1992, n° 67258
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Colmou
Rapporteur public ?: de Froment

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:67258.19920320
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