Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 17 janvier et 15 mai 1986, présentés pour la SOCIETE ANONYME INNOTHERA, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE ANONYME INNOTHERA demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 18 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1976 à 1979, dans le rôle de la commune de Cachan ;
2°) prononce la décharge desdites impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Principauté de Monaco, signée le 18 mai 1963, approuvée par la loi n° 63-817 du 6 août 1963, publiée par le décret n° 63-982 du 24 septembre 1963 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mlle Valérie Roux, Auditeur,
- les observations de Me Vuitton, avocat de la SOCIETE ANONYME INNOTHERA,
- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention fiscale entre la France et Monaco en date du 18 mai 1963 : "les versements de la nature de ceux visés à l'article 4 effectués par des personnes physiques ou morales imposables en France à des personnes physiques ou morales résidant ou établies à Monaco ne sont admis en déduction des bénéfices imposables pour l'assiette de l'impôt français que dans les conditions prévues audit article 4" ; qu'aux termes de cet article 4 : "les versements faits à des personnes résidant à Monaco à titre d'honoraires, de redevances, de courtages, de commissions n'ayant pas le caractère de salaires, de droits de propriété littéraire ou artistique, ne sont admis en déduction pour l'assiette de l'impôt qu'à la double condition : 1° qu'il n'existe aucun rapport de dépendance entre le bénéficiaire et l'entreprise versante, 2° que cette dernière apporte des justifications suffisantes pour établir que l'acte ou l'engagement en vertu duquel ces versements sont effectués est sincère et ne peut être considéré comme dissimulant une réalisation ou un transfert de bénéfices" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ANONYME INNOTHERA, qui a pour activité la recherche, la fabrication et la vente de spécialités pharmaceutiques, a versé à M. X..., résidant à Monaco, en rémunération de l'autorisation d'exploiter les marquesPolygynax et Solubacter, déposées par ce dernier, des redevances d'un montant de 1 083 778 F en 1976, 1 193 945 F en 1977, 1 314 136 F en 1978 et 1 606 431 F en 1979 ; que l'administration, considérant, d'une part, que ces redevances ne correspondaient pas à la rémunération d'une activité de M. X... au profit de la société requérante et dissimulaient la réalisation et un transfert de bénéfices au sens de l'article 4 précité de la convention franco-monégasque et d'autre part, qu'il existait des liens de dépendance entre le bénéficiaire et la société versante, a réintégré dans les bénéfices imposables des exercices clos les 31 décembre des années 1976, 1977, 1978 et 1979, les sommes en cause que la société avait comptabilisées en charges ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X... était résident à Monaco depuis 1939, que dès lors les sommes en litige entrent bien dans le champ d'application des articles 4 et 8 de la convention franco-monégasque, alors même que M. X... les aurait déclarées en France ;
Considérant, en deuxième lieu, que, pour justifier le versement à M. X... des redevances en cause, la société requérante produit, pour chacune des deux marques Polygynax et Solubacter, un échange de lettres entre M. X... et elle ; que ces correspondances, si elles contiennent le montant de la redevance due et la date de son versement, ne précisent ni la durée de l'autorisation en cause, ni la zone géographique à laquelle elle s'applique ; qu'elles ne contiennent aucune disposition relative aux obligations réciproques des parties, au contrôle de l'exécution du contrat et à sa résiliation ; que ces échanges de lettres diffèrent substantiellement des contrats que la société, dans des circonstances analogues, passe par ailleurs avec des tiers ; que, dans ces conditions, la société ne peut être regardée comme justifiant de la sincérité des engagements et de l'absence de dissimulation d'une réalisation ou d'un transfert de bénéfices ;
Considérant, en dernier lieu, que si la société invoque une lettre en date du 14 octobre 1965 par laquelle l'administration aurait accepté que les redevances versées par la SOCIETE ANONYME INNOTHERA à M. X... soient admises en déduction dans le calcul de l'impôt sur les sociétés, cette lettre est antérieure aux engagements en cause ; que la lettre du 4 mars 1977 concernait exclusivement l'imposition personnelle de M. X... et non celle de la société requérante ; que la société n'est donc pas fondée à se prévaloir de ces documents sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'éventuel rapport de dépendance existant entre la société requérante et M. X..., que la SOCIETE ANONYME INNOTHERA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE ANONYME INNOTHERA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME INNOTHERA et au ministre du budget.