La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/1993 | FRANCE | N°129052

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 22 mars 1993, 129052


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 août 1991 et 14 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier régional de Brest, dont le siège est ..., représenté par son directeur en exercice ; le centre hospitalier régional de Brest demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt du 20 juin 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a condamné le centre hospitalier régional de Brest à verser à Mme veuve X... la somme de 775 200,26 F en réparation du décès de M. Yves X... à

la suite d'une opération chirurgicale pratiquée dans le service de ne...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 août 1991 et 14 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier régional de Brest, dont le siège est ..., représenté par son directeur en exercice ; le centre hospitalier régional de Brest demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt du 20 juin 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a condamné le centre hospitalier régional de Brest à verser à Mme veuve X... la somme de 775 200,26 F en réparation du décès de M. Yves X... à la suite d'une opération chirurgicale pratiquée dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier régional de Brest ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Le Prado, avocat du centre hospitalier régional de Brest et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mme Yvette X...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour annuler le jugement avant-dire-droit du tribunal administratif de Rennes du 6 février 1988 ordonnant une expertise médicale aux fins d'apprécier l'existence et les conséquences du retard dans l'intervention de l'interne et de l'anesthésiste sur les chances de survie de M. X... au motif que cette expertise avait un caractère frustratoire, la cour administrative d'appel de Nantes, pour établir sa conviction, s'est référée aux pièces du dossier et notamment au rapport de l'expert commis par le juge pénal ; qu'en se fondant ainsi sur les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui ne saurait être remise en cause par le juge de cassation ;
Considérant que, dès lors qu'elle annulait le jugement du tribunal administratif pour le motif susindiqué, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en statuant sur le litige par la voie de l'évocation ; qu'en décidant qu'il y avait lieu d'évoquer, elle s'est livrée à une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes, en relevant qu'il ressortait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'intervention tardive de l'interne et de l'anesthésiste, imputable au fonctionnement défectueux du standard téléphonique de l'hôpital, avait empêché de conduire une action thérapeutique efficace et avait ainsi compromis les chances de survie de M. X..., a suffisamment motivé son arrêt ;

Considérant que le requérant soutient que la cour aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, pour l'évaluation du préjudice subi par Mme X... du chef du décès de son mari du fait que celle-ci avait une activité rémunérée ; qu'en ne prenant pas en compte le fait que Mme X... avait une activité rémunérée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant que, s'agissant d'un ménage sans enfant, Mme X... disposait de 50 % des revenus apportés au ménage par son mari, elle a souverainement évalué le préjudice subi par l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier régional de Brest n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 20 juin 1991 ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner le centre hospitalier régional de Brest à payer à Mme X... la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du centre hospitalier régional de Brest est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier régional de Brest est condamné à verser à Mme X... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier régional de Brest, à Mme X... et au ministre des affaires sociales et de l'intégration.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 129052
Date de la décision : 22/03/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS A L'EXPERTISE - CARACTERE FRUSTRATOIRE - Contrôle du juge de cassation - Appréciation souveraine des juges du fond.

54-04-02-02-01-01, 54-08-02-02-01-03-04(1) Pour annuler le jugement avant-dire-droit du tribunal administratif ordonnant une expertise médicale au motif que cette expertise avait un caractère frustratoire, la cour administrative d'appel s'est référée aux pièces du dossier et notamment au rapport de l'expert commis par le juge pénal. Cette appréciation par la cour des éléments de fait qui lui étaient soumis ne saurait être remise en cause par le juge de cassation.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DEVOLUTIF ET EVOCATION - EVOCATION - Décision d'une cour administrative d'appel de statuer sur un litige par voie d'évocation - Appréciation échappant au contrôle du juge de cassation dès lors qu'elle n'est pas entachée d'erreur de droit.

54-08-01-04-02, 54-08-02-02-01-03-04(2) Annulation d'un jugement de tribunal administratif par une cour administrative d'appel. En décidant qu'il y a lieu d'évoquer le litige, la cour se livre à une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation dès lors qu'elle n'est pas entachée d'erreur de droit.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - ERREUR DE DROIT - ABSENCE - Responsabilité de la puissance publique - Préjudice subi lors du décès du conjoint - Absence de prise en compte de l'activité rémunérée de l'intéressée.

54-08-02-02-01-01-02, 60-04-03-02-01-02 Pour évaluer le préjudice subi par la requérante du chef du décès de son mari, la cour administrative d'appel, en ne prenant pas en compte le fait qu'elle avait une activité rémunérée, n'a pas commis d'erreur de droit.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - PROCEDURE (1) Caractère frustratoire d'une expertise - (2) Décision d'une cour administrative d'appel de statuer sur un litige - après annulation du tribunal administratif - par voie d'évocation.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - PERTE DE REVENUS SUBIE DU FAIT DU DECES D'UNE PERSONNE - Absence de prise en compte de l'activité rémunérée du conjoint survivant - Absence d'erreur de droit.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 1993, n° 129052
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Salat-Baroux
Rapporteur public ?: M. Daël
Avocat(s) : SCP Le Prado, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:129052.19930322
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award