Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 1992 et 19 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hugues Y..., demeurant ... Saint-Philippe ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé, à la demande de M. X..., l'élection de M. Y... comme conseiller général lors des élections cantonales qui se sont déroulées le 22 mars 1992 dans le canton de Saint-Philippe à la Réunion ;
2°) de rejeter la protestation présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. Hugues Y... et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Wilfrid X...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il est constant que chaque soir de la campagne électorale qui s'est déroulée à la Réunion en vue de l'élection du conseiller général du canton de Saint-Philippe, ont été organisées, à la suite des réunions publiques tenues par M. Y..., candidat à ces élections, par une association dénommée "Comité des jeunes pour le développement de Saint-Philippe", des loteries gratuites en vue de la distribution de lots importants, composés notamment de biens d'équipements électro-ménager ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bureau de cette association créée le 4 mars 1992 et déclarée à la préfecture le 13 mars 1992 est composé essentiellement d'employés de la commune de Saint-Philippe et de titulaires d'un contrat emploi-solidarité recrutés par elle ; que cette association doit être regardée comme créée à l'initiative du maire dans le but notamment d'organiser des loteries au soutien de sa campagne électorale, ce qui était la principale activité de l'association ; que ces agissements ont constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, compte tenu de l'écart de voix séparant M. Y..., qui a été déclaré élu à la suite du premier tour de ces élections, de la majorité absolue des suffrages exprimés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 juin 1992, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé son élection comme conseiller général du canton de Saint-Philippe ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de cet article : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner M. Y... à verser à M. X... la somme de 12 000 F qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : M. Y... est condamné à verser à M. X... 12 000 F au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à M. X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.