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18/02/1994 | FRANCE | N°107015

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 18 février 1994, 107015


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai 1989 et 1er septembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le Comité de défense du Verdelet et du Val-de-Loire, ayant son siège à Avaray (41500) ; le comité demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 14 mars 1989 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'industrie du 12 octobre 1987 autorisant le stockage et l'utilisation du combustible dit MOX pour le réacteur B1 de la cent

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Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai 1989 et 1er septembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le Comité de défense du Verdelet et du Val-de-Loire, ayant son siège à Avaray (41500) ; le comité demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 14 mars 1989 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'industrie du 12 octobre 1987 autorisant le stockage et l'utilisation du combustible dit MOX pour le réacteur B1 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent les eaux et de la décision du même ministre du 17 juin 1988 autorisant la même opération pour le réacteur B2 ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 10 000 F au titre de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 63-1128 du 11 décembre 1963 modifié ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-2 du décret du 8 mars 1978 autorisant la création des tranches B1 et B2 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent des Eaux : "Le coeur du réacteur sera formé d'éléments combustibles où la matière fissile sera constituée par de l'oxyde d'uranium légèrement enrichi en uranium 235. Le stockage sur le site et l'introduction dans un réacteur de combustible initialement enrichi en oxyde de plutonium ne pourront intervenir qu'après autorisation particulière du ministre de l'industrie, du commerce et de l'artisanat délivrée après avis du ministre de la santé et de la sécurité sociale" ;
Considérant que l'article 9 du même décret prévoit que : "A partir de leur mise en service, les installations devront rester conformes à la description donnée dans le rapport définitif de sûreté approuvé et être exploitées suivant les règles générales d'exploitation elles-mêmes approuvées. Si néanmoins Electricité de France souhaite apporter des modifications aux installations ou à leurs règles générales d'exploitation, il adressera des propositions au ministre de l'industrie, du commerce et de l'artisanat. Les installations concernées ne pourront être exploitées dans ces nouvelles conditions qu'après l'accord du ministre ou, s'il s'agit de modifications de nature à entraîner l'inobservation des prescriptions du présent décret, publication d'un nouveau décret en application de l'article 6 du décret susvisé du 11 décembre 1963" ; que l'article 6 du décret du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires de base dispose que "Une nouvelle autorisation délivrée dans les formes prévues à l'article 3 doit être obtenue. (...) lorsqu'une installation nucléaire de base doit faire l'objet de modifications de nature à entraîner l'inobservation des prescriptions précédemment imposées (...)" ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article 3-2 du décret d'autorisation du 8 mars 1978 qui donnent compétence au ministre de l'industrie pour autoriser, après avis du ministre de la santé, le stockage sur le site et l'introduction dans un réacteur de combustible initialement enrichi en oxyde de plutonium présentent un caractère réglementaire et peuvent donc être contestées par la voie de l'exception d'illégalité ; que cette subdélégation dont les modalités sont suffisamment précises ne porte pas atteinte aux pouvoirs que le Gouvernement tient des dispositions précitées de l'article 6 du décret susvisé du 11 décembre 1963 ;
Considérant, d'autre part, que parmi les prescriptions imposées par l'article 3-2 du décret d'autorisation précité du 8 mars 1978 figurait expressément la possibilité d'introduire, après autorisation délivrée par le ministre, un nouveau combustible initialement enrichi en oxyde de plutonium dénommé également MOX dans chacun des réacteurs de la centrale et non dans un seul d'entre eux, comme le soutient à tort le comité requérant ; qu'ainsi celui-ci n'est pas fondé à soutenir que les autorisations délivrées le 12 octobre 1987 et le 17 juin 1988 d'introduire le combustible MOX dans les réacteurs B1 et B2 de la centrale de Saint-Laurent des eaux violeraient les prescriptions du décret d'autorisation et auraient dû de ce fait faire l'objet d'un nouveau décret ;
Sur le moyen relatif à l'avis du ministre de la santé :
Considérant que le moyen tiré de ce que les autorisations attaquées n'auraient pas fait l'objet d'un avis favorable du ministre de la santé, manque en fait ;

Sur le moyen tiré du défaut d'enquête publique :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 11 décembre 1963 modifié par le décret du 23 avril 1985 pris pour l'application aux installations nucléaires de base de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Les installations nucléaires de base ne peuvent être créées qu'après autorisation (...) II/ Lorsque la demande porte sur une installation mentionnée au tableau annexé au décret n° 85-449 du 23 avril 1985, elle est soumise à enquête publique. Cette enquête n'est toutefois pas obligatoire (...) a) pour une installation nucléaire de base ayant fait l'objet d'une enquête préalable à une déclaration d'utilité publique si l'installation est conforme au projet soumis à enquête ou si les modifications apportées n'affectent pas de façon substantielle l'importance ou la destination et n'augmentent pas le risque de l'installation" ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article 3 sont applicables aux autorisations de création de centrale nucléaire et aux modifications apportées aux centrales existantes qui entraînent l'inobservation des prescriptions initiales et imposent en vertu de l'article 6 du même décret l'intervention d'une nouvelle autorisation ; que les décisions attaquées ne sont pas intervenues sur une demande d'autorisation au sens de l'article 3 susvisé et qu'au surplus il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération contestée ait apporté à l'installation ayant fait l'objet d'une enquête publique en octobre et novembre 1972 des modifications qui affecteraient de façon substantielle l'importance ou la destination, ou augmenteraient le risque de l'installation ;

Sur le moyen tiré du défaut d'étude d'impact :
Considérant qu'aux termes de l'article 2, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : "Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences" ; qu'en vertu des dispositions du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de la loi précitée, sont obligatoirement soumis à cette procédure les travaux nécessitant une autorisation en vertu de la réglementation concernant les installations nucléaires de base ;
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les autorisations attaquées ne figurent pas au nombre des autorisations prescrites par la réglementation des installations nucléaires de base ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les aménagements réalisés pour l'introduction du combustible MOX affectent le mode de fonctionnement de la centrale dans des conditions telles que les incidences de l'installation sur le milieu naturel, au sens des dispositions de la loi du 10 juillet 1976 et de ses décrets d'application, s'en trouveraient modifiées ; qu'il suit de là que le comité requérant n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées auraient dû être précédées d'une étude d'impact ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le comité requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'Electricité de France qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamnée à verser au Comité de défense du Verdelet la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du Comité de défense du Verdelet et du Val-de-Loire est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Comité de défense du Verdelet et du Val-de-Loire, à Electricité de France et au ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 107015
Date de la décision : 18/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - MINISTRES - MINISTRE DE L'INDUSTRIE - Compétence - Autorisation de stockage et d'introduction de combustible enrichi dans un réacteur nucléaire (1).

01-02-02-01-03-10, 01-02-05-01-01, 44-03-02(1) Ses modalités étant suffisamment précises, légalité du décret de création d'une centrale nucléaire subdéléguant au ministre de l'industrie la compétence pour autoriser le stockage sur le site et l'introduction dans un réacteur de combustible initialement enrichi en oxyde de plutonium.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE POUVOIRS - SUBDELEGATION LEGALE - Décret autorisant la création d'une centrale nucléaire - Délégation de compétence au ministre de l'industrie pour autoriser le stockage et l'introduction dans un réacteur de combustible enrichi.

44-03-02(2) Les dispositions de l'article 3 du décret du 11 décembre 1963 modifié par le décret du 23 avril 1985 pris pour l'application aux installations nucléaires de base de la loi du 12 juillet 1983 sont applicables aux autorisations de création de centrale nucléaire et aux modifications apportées aux centrales existantes qui entraînent l'inobservation des prescriptions initiales et imposent, en vertu de l'article 6 du même décret, l'intervention d'une nouvelle autorisation. Les décisions autorisant le stockage et l'utilisation dans un réacteur de combustible enrichi ne rentrent ni dans l'un ni dans l'autre cas.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS NUCLEAIRES (VOIR AUSSI "ELECTRICITE") - AUTORISATION DE CREATION D'UNE CENTRALE NUCLEAIRE - Autorisation de stockage et d'introduction dans un réacteur de combustible enrichi - (1) Compétence du ministre de l'industrie - (2) Nécessité d'une enquête publique - Absence - (3) Nécessité d'une étude d'impact - Absence.

44-03-02(3) Les autorisations de stockage et d'introduction dans un réacteur de combustible enrichi, d'une part ne sont pas au nombre des autorisations prescrites par la réglementation des installations nucléaires de base, d'autre part ne nécessitent pas d'aménagement modifiant les incidences du fonctionnement de la centrale sur le milieu naturel. Elles n'ont donc pas à être précédées d'une étude d'impact.


Références :

Décret du 08 mars 1978 art. 3-2, art. 9
Décret 63-1128 du 11 décembre 1963 art. 6, art. 3
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977
Décret 85-453 du 23 avril 1985 art. 6
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 2
Loi 83-630 du 12 juillet 1983
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. en sens inverse, 1991-05-27, Ville de Genève et autres, p. 205


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 1994, n° 107015
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mlle Laigneau
Rapporteur public ?: M. Daël
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:107015.19940218
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