Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin 1993 et 15 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA FIDECO REUNION, dont le siège est ... Ile de la Réunion ; la SA FIDECO REUNION demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 mars 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 3 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant, d'une part à la condamnation de la commune de Saint-Pierre et de l'Etat à lui verser la somme de 6 880 069 F avec intérêts capitalisés, d'autre part à la condamnation des mêmes à lui verser la somme de 50 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Saint-Pierre à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la SA FIDECO REUNION et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la commune de Saint-Pierre,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans son pourvoi en cassation dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 11 mars 1993, la requérante ne se borne pas, comme le soutient le ministre, à contester les faits retenus par le juge d'appel mais soulève des moyens de cassation à l'appui de son pourvoi ; que ce dernier est dès lors recevable ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que pour rejeter par l'arrêt attaqué la demande d'indemnisation présentée par la SA FIDECO REUNION du fait des dommages qu'elle a subis à l'occasion du passage du cyclone Firinga, la cour administrative d'appel de Paris a indiqué que "le cyclone Firinga qui s'est abattu sur le sud de l'Ile de la Réunion le 29 janvier 1989 a été à l'origine de chutes de pluie qui ont présenté, sur la région de la commune de Saint-Pierre, en raison de leur violence et de leur intensité exceptionnelles et imprévisibles par rapport à tous les précédents connus, le caractère d'un événement de force majeure" ; qu'en s'abstenant ainsi de préciser les faits sur lesquels a porté son appréciation, la Cour ne met pas le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification juridique qu'elle a donnée à ces faits en jugeant qu'ils étaient constitutifs d'un cas de force majeure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 mars 1993 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 3 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion avait rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de Saint-Pierre et de l'Etat à lui verser la somme de 6 880 069 F avec intérêts capitalisés et, d'autre part, à la condamnation des mêmes à lui verser la somme de 50 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la SA FIDECO REUNION, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune de Saint-Pierre la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que sur le fondement des mêmes dispositions, il y a lieu de condamner solidairement la commune de Saint-Pierre et l'Etat à verser conjointement à la SA FIDECO REUNION la somme de 10 000 F ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 mars 1993 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Pierre tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La commune de Saint-Pierre et l'Etat sont condamnés à verser conjointement à la SA FIDECO REUNION la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SA FIDECO REUNION, à la commune de Saint-Pierre, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et au ministre délégué à l'outre-mer.