Vu la requête présentée pour l'association France terre d'asile, dont le siège est ... et le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés, dont le siège est ..., représentés par leur président et présidente en exercice, domiciliés aux dits sièges, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 avril 1994 ; l'association France terre d'asile et le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 27 janvier 1994 relatif au visa de sortie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2568 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
Vu la convention de New-York du 28 juillet 1954 relative au statut des apatrides ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de France terre d'asile et du Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés - GISTI,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 36 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Tout étranger résidant en France, quelle que soit la nature de son titre de séjour, peut quitter librement le territoire national.Toutefois, lorsque ces mesures sont nécessaires à la sécurité nationale, les ressortissants d'Etats n'appartenant pas à la Communauté économique européenne et qui résident en France peuvent, quelle que soit la nature de leur titre de séjour, être tenus, par arrêté du ministre de l'intérieur, de déclarer à l'autorité administrative leur intention de quitter le territoire français et de justifier le respect de cette obligation par la production d'un visa de sortie" ;
Considérant qu'en application de cette disposition, l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 27 janvier 1994 énumère au premier alinéa de son article 1er, les Etats dont les ressortissants sont tenus de déclarer leur intention de quitter le territoire national ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article : "De même, les réfugiés et les apatrides, dès lors qu'ils sont originaires de l'un des Etats mentionnés ci-dessus, ainsi que les Palestiniens sont tenus de déclarer leur intention de quitter le territoire" ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention de Genève du 23 juillet 1951 sur le statut des réfugiés :
Considérant qu'aux termes de cet article : "En ce qui concerne les mesures exceptionnelles qui peuvent être prises contre la personne, les biens ou les intérêts des ressortissants d'un Etat déterminé, les Etats contractants n'appliqueront pas ces mesures à un réfugié ressortissant formellement dudit Etat uniquement en raison de sa nationalité. Les Etats contractants qui, de par leur législation, ne peuvent appliquer le principe général consacré dans cet article accorderont, dans des cas appropriés, des dispenses en faveur de tels réfugiés" ; que l'obligation, pour les ressortissants de certains Etats, de déclarer à l'administration leur intention de quitter le territoire national constitue, eu égard à la restriction qu'elle apporte à la liberté d'aller et de venir, qui inclut celle de quitter le territoire national, rappelée par le premier alinéa de l'article 36, précité, de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une mesure exceptionnelle au sens des dispositions susrappelées de l'article 8 de la convention de Genève du 23 juillet 1951 ; qu'en soumettant à cette obligation les réfugiés, l'arrêté attaqué a méconnu les dispositions précitées de la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la mention des apatrides dans l'arrêté attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er-1 de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " ... le terme apatride désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation" ; que l'article 36 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ne permet d'imposer l'obligation de déclarer à l'administration leur intention de quitter le territoire français qu'aux ressortissants des Etats ; qu'il résulte de la définition de l'apatride contenue dans la convention susvisée que les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il mentionne les apatrides ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la mention des Palestiniens dans l'arrêté attaqué :
Considérant que l'article 36 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ne permet d'imposer l'obligation de déclarer à l'administration leur intention de quitter le territoire français qu'aux ressortissants d'Etats ; qu'il résulte de l'instruction que les Palestiniens mentionnés au deuxième alinéa de l'arrêté attaqué ne sont pas des ressortissants d'un Etat ; que les associations requérantes sont dès lors fondées à demander l'annulation dudit arrêté en ce qu'il mentionne les Palestiniens ;
Article 1er : Le deuxième alinéa de l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 27 janvier 1994 relatif au visa de sortie est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à France terre d'asile, au Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés - GISTI et au ministre de l'intérieur.