Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 décembre 1993 et 11 avril 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Michel X..., demeurant Domaine de la Bretèche à Missillac (44780) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 12 mai 1993 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant quinze jours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 48-671 du 26 octobre 1948 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mion, Auditeur,
- les observations de la SCP le Prado, avocat de M. Jean-Michel X... et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 6.1. de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale que la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins peut prononcer, outre les sanctions de l'avertissement et du blâme, les sanctions de l'interdiction temporaire ou permanente du droit de donner des soins aux assurés sociaux ; qu'ainsi les décisions prises par ladite section des assurances sociales sont susceptibles de porter atteinte à l'exercice du droit de pratiquer la profession de médecin, lequel revêt le caractère d'un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 6.1. précitées s'appliquent à la procédure suivie devant la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins et sont ainsi méconnues par la combinaison de l'article R. 145-21 du code de la sécurité sociale et de l'article 26 du décret du 26 octobre 1948 susvisé aux termes desquels les audiences de la section des assurances sociales ne sont pas publiques ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci a été prise après une audience non publique en application des dispositions susmentionnées ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette procédure est irrégulière ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 12 mai 1993 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de 15 jours et a mis à sa charge les frais de l'instance s'élevant à 894,70 F ;
Article 1er : La décision en date du 12 mai 1993 de la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Michel X..., au conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.