Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février 1995 et 15 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DE FAIT GAILLARD, dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 décembre 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, refusant de faire droit aux conclusions de l'appel qu'elle avait formé contre un jugement du tribunal administratif de Nice du 6 novembre 1992, a rejeté sa demande en décharge des cotisations de participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre des années 1984 et 1985 et au titre de l'année 1985 pour l'établissement d'enseignement privé qu'elle exploite à Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Balat, avocat de la SOCIETE DE FAIT GAILLARD,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que les employeurs qui occupent au moins dix salariés sont tenus, chaque année, de participer à l'effort de construction et de contribuer au financement de la formation professionnelle continue, à concurrence de sommes fixées en pourcentage des rémunérations qu'ils versent à leur personnel, dans les conditions, suivant les modalités et sous les sanctions que déterminent, d'une part, l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation et l'article 235 bis du code général des impôts, et d'autre part, les articles 235 ter C et suivants de ce dernier code ; que, dans leurs rédactions issues du décret du 12 mai 1981, pris pour l'application de la loi du 28 janvier 1981, relative au travail à temps partiel, l'article R. 313-1 du code de la construction et de l'habitation et l'article 163 noniès de l'annexe II au code général des impôts disposent, semblablement, que la condition d'emploi d'au moins dix salariés énoncée, respectivement, par l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation et par les dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 235 C du code général des impôts, se trouve remplie par les employeurs dont le nombre mensuel moyen de salariés a été au moins égal à dix, et que "chaque salarié à temps partiel, au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail, entre en compte dans l'effectif du personnel au prorata du rapport entre la durée hebdomadaire de travail mentionnée dans son contrat et la durée légale de travail ou, si elle est inférieure à la durée légale, la durée normale de travail accomplie dans l'établissement ..." ; qu'enfin, les mêmes textes réglementaires précisent que les employeurs qui ont occupé des salariés "d'une manière intermittente" ne sont tenus à l'obligation de participation qu'à la condition que le montant total des salaires qu'ils ont versés au cours de l'année soit au moins égal à 120 ou 180 fois le salaire mensuel minimum interprofessionnel de croissance ;
Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de regarder comme "salarié à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail" tout salarié dont l'emploi dans un établissement est continu, et non pas intermittent, mais dont le nombre d'heures de travail hebdomadaire ou mensuel est, ainsi que prévu à l'article L. 212-4-2 du code du travail, issu de la loi du 28 janvier 1981, inférieur d'au moins un cinquième à la durée légale ou conventionnelle de travail à temps complet en vigueur dans l'établissement ; que la cour administrative d'appel de Lyon a, par suite, entaché son arrêt d'une erreur de droit, en déduisant du fait qu'aucun contrat de travail ou document comportant les précisions exigées par l'article L. 212-4-3 du code du travail n'avait été produit devant elle, que les enseignants employés à temps non complet dans l'établissement scolaire exploité, à Nice, par la SOCIETE DE FAIT GAILLARD ne pouvaient, au regard des textes précités, qu'être regardés comme des salariés occupés "d'une manière intermittente" ; que la SOCIETE DE FAIT GAILLARD est, dès lors, fondée à demander que cet arrêt soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par applicationde l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler immédiatement l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour déterminer le nombre des salariés employés à temps partiel dans l'établissement d'enseignement privé exploité à Nice par la SOCIETE DE FAIT GAILLARD, durant les années 1984 et 1985, ainsi que le prorata selon lequel il convenait de les prendre en compte, la durée de travail à temps complet à laquelle il y avait lieu de se référer, comme étant la durée de travail normale accomplie dans ces établissements, était de dix-huit heures hebdomadaires pendant trente-sept semaines, ou de 666 heures dans l'année ;
Considérant que le nombre d'heures de travail accomplies normalement dans les locaux mêmes d'un établissement scolaire par un enseignant à "plein temps", qui doit, en outre, préparer ses cours et effectuer des tâches complémentaires, ne peut, contrairement à ce que soutient la SOCIETE DE FAIT GAILLARD, être réputé égal au nombre légal des heures de travail applicable à la généralité des salariés ; que l'administration justifie de la pertinence du nombre d'heures qu'elle a retenu en faisant état des usages, tels que les a, d'ailleurs, consacrés la convention collective nationale du travail du personnel enseignant des établissements privés hors contrat du 18 décembre 1986 ; que ce nombre d'heures étant pris comme référence, il est constant que l'effectif des salariés employés par la SOCIETE DE FAIT GAILLARD dans l'établissement exploité par elle au cours des années ci-dessus mentionnées, tel qu'il doit être déterminé en application des textes précités, s'est élevé à plus de dix unités ; que, dès lors, la SOCIETE DE FAIT GAILLARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 6 novembre 1992, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes en décharge des cotisations de participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre des années 1984 et 1985 et au titre de l'année 1985, pour l'établissement d'enseignement privé qu'elle exploite à Nice ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE DE FAIT GAILLARD, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, une somme de 3 000 F ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 20 décembre 1994 est annulé.
Article 2 : L'Etat paiera à la SOCIETE DE FAIT GAILLARD, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 3 000 F.
Article 3 : La requête présentée par la SOCIETE DE FAIT GAILLARD devant la cour administrative d'appel de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DE FAIT GAILLARD et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.