La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/1997 | FRANCE | N°136114

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 17 novembre 1997, 136114


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril 1992 et 6 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 février 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du 25 mai 1989 du tribunal administratif de Marseille, n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1980 à

1983, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxqu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril 1992 et 6 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 février 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du 25 mai 1989 du tribunal administratif de Marseille, n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1980 à 1983, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983 ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X..., ancien avocat au barreau de Marseille, demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt rendu le 4 février 1992 par la cour administrative d'appel de Lyon sur l'appel qu'il avait formé contre un jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 1989, en tant que, par cet arrêt, la Cour a, d'une part, rejeté ses conclusions aux fins de décharge des majorations de 150 %, prévues dans le cas d'opposition à contrôle fiscal par les dispositions alors en vigueur du 2 de l'article 1733 du code général des impôts, qui ont été appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu afférents aux années 1981 et 1982 et à l'impôt sur le revenu afférent à l'année 1983, auxquels il est resté assujetti après les décisions de dégrèvement partiel prononcées en sa faveur les 3 avril et 10 mai 1989 par le directeur régional des impôts de Marseille, d'autre part, fait droit en partie seulement à ses conclusions aux fins de décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis, auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983 ;
En ce qui concerne la régularité du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 1989 :
Considérant que ce jugement a été notifié le 23 mai 1989, soit deux jours avant la date de sa lecture en audience publique ; que cette notification prématurée ne met pas en cause la régularité du jugement lui-même ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Lyon a à tort écarté le moyen tiré par lui devant elle de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 1989 ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'établissement des droits en principal assignés à M. X..., en matière d'impôt sur le revenu, au titre des années 1981, 1982 et 1983, qui ont été assortis, en application des dispositions, alors en vigueur, du 2 de l'article 1733 du code général des impôts, des majorations contestées de 150 % :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... a reçu, le 20 janvier 1984, alors que, faisant l'objet de poursuites pénales, il était incarcéré depuis le 21 octobre 1983 et suspendu, depuis le 29 décembre 1983, de ses fonctions d'avocat au barreau de Marseille, un avis l'informant que la comptabilité de son cabinet ferait l'objet d'une vérification à partir du 31 janvier 1984 ; que son avocat ayant demandé, par lettre du 30 janvier 1984, un report de quinze jours de la première intervention sur place du vérificateur, ce dernier a accepté, dès le lendemain, que le contrôle prévu ne débute que le 23 février 1984 ; que l'avocat qui avait été désigné pour remplacer M. X... et gérer provisoirement son cabinet, a sollicité un nouveau report, d'un mois, de la vérification de lacomptabilité de son confrère ; que, par lettre directement adressée le 16 mars 1984 à M. X..., à la maison d'arrêt, le chef de la 14ème brigade de contrôle de la direction régionale des impôts de Marseille a accepté que cette vérification ne commence que le 10 avril 1984, mais a informé M. X... qu'un éventuel défaut de présentation de sa comptabilité à cette date pourrait être interprété comme une opposition à contrôle fiscal ; que, par un avis du 10 avril 1984, l'administration a fait connaître à M. X... que la vérification déjà annoncée serait étendue à l'année 1983 ; que, par lettre du 25 avril 1984, l'avocat désigné pour remplacer M. X..., arguant de la "grande confusion dans le classement des dossiers" de son confrère, qui avaient été transportés dans son propre cabinet, a demandé un troisième report, au 1er juillet 1984, du début des opérations de vérification ; que, par lettre du 24 mai 1984, le chef de la brigade de contrôle a fait savoir à cet avocat que le vérificateur se présenterait à son cabinet le 7 juin 1984 et l'a averti qu'un défaut de présentation de la comptabilité entraînerait l'application de la procédure prévue par l'article L. 74 précité du livre des procédures fiscales ; que le vérificateur s'est effectivement présenté le 7 juin 1984 au cabinet de l'avocat remplaçant M. X..., mais n'a pu y obtenir communication des livres comptables de ce dernier ; qu'il a, en conséquence établi, le 28 août 1984, un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal qui a été notifié à M. X..., toujours incarcéré, et à son avocat remplaçant ; qu'il a ensuite porté à la connaissance de M. X..., le 30 du même mois, les bases évaluées d'office selon la procédure prévue par l'article L. 74 précité, des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui seraient assignés au titre des années 1981 et 1982 et de l'impôt sur le revenu qui serait mis à sa charge au titre de l'année 1983, pour laquelle il n'avait souscrit aucune déclaration ; qu'il ressort des circonstances ci-dessus relatées que M. X..., auquel l'administration a permis de disposer d'un temps suffisant pour faire rassembler et mettre en ordre, par son remplaçant ou son conseil, les documents comptables qui devaient être présentés au vérificateur, ne justifie pas leur avoir demandé de prendre les mesures nécessaires à cet effet ; que la cour administrative d'appel, en jugeant qu'en dépit de son incarcération, il s'était placé en situation d'opposition à contrôle fiscal et que se trouvaient, dès lors, réunies en l'espèce les conditions d'application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, n'a pas méconnu la portée de ces dernières ;

Considérant, en second lieu, que M. X... a soutenu devant la cour administrative d'appel que ses revenus de l'année 1983 avaient été imposés d'office selon une procédure irrégulière, faute, par l'administration, de l'avoir préalablement mis en demeure de souscrire, en ce qui les concerne, la déclaration que, ainsi qu'il a été dit, il s'était abstenu de déposer ; mais considérant que la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue, en cas d'opposition à contrôle fiscal, par l'article L. 74 précité du livre des procédures fiscales, qui a été, à bon droit, appliquée pour l'imposition des revenus de M. X... au titre, notamment de l'année 1983, n'est assortie d'aucune mise en demeure ou autre formalité préalable ; que, bien que l'application des dispositions du 2° de l'article L. 73 du même livre des procédures fiscales, selon lesquelles le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux, mais ne les ont pas déclarés dans le délai légal, peut être évalué d'office, ne fut pas davantage subordonnée, avant l'entrée en vigueur de l'article 81-II de la loi de finances pour 1987, n° 86-1317 du 30 décembre 1986, à l'envoi préalable aux intéressés d'une mise en demeure de régulariser leur situation, la cour administrative d'appel, en écartant le moyen ci-dessus analysé, que M. X... avait soulevé devant elle, par le motif qu'aucune disposition légale applicable à la date des redressements établis le 30 août 1984 ne faisait obligation à l'administration, préalablement à une évaluation d'office de bénéfices non commerciaux, d'adresser une mise en demeure au contribuable concerné, a commis une erreur de droit, dès lors que le revenu imposable de M. X... au titre de l'année 1983, quoiqu'entièrement composé de bénéfices non commerciaux, a été évalué d'office, non sur le fondement du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, dont la Cour doit être regardée comme ayant entendu faire application, mais sur celui de l'article L. 74 du même livre ; que le motif, susénoncé tiré de ceque la mise en oeuvre des dispositions de ce dernier article n'est, lorsque ses conditions d'application se trouvent réunies, subordonnée à aucune mise en demeure ou autre formalité préalable, avait été invoqué devant les juges du fond et n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait ; qu'il doit, dès lors, être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt de la Cour, dont il justifie le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... ne peut se prévaloir de ce que les bases du principal des impositions auxquelles il reste assujetti, en matière d'impôt sur le revenu, au titre des années 1981, 1982 et 1983, auraient été irrégulièrement arrêtées selon la procédure prévue en cas d'opposition à contrôle fiscal par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, pour contester le bien-fondé de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de décharge des majorations de 150 % appliquées à ces droits en vertu des dispositions, alors en vigueur, déjà mentionnées, du 2 de l'article 1733 du code général des impôts ;
En ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. X... au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983 :

Considérant qu'aux termes des dispositions, alors applicables en l'espèce, du 4-7° de l'article 261 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée "les prestations effectuées par les avocats ... lorsqu'elles relèvent de leur activité spécifique, telle qu'elle est définie par la réglementation applicable à leur profession" ; que la cour administrative d'appel a jugé, sans erreur de droit, que l'aide apportée par un avocat à une société pour établir un "brouillard de comptabilité" n'était pas au nombre des activités qui ouvrent droit à exonération de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions précitées ;
Sur les conclusions de M. X... qui tendent à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 136114
Date de la décision : 17/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE - POUVOIRS DE L'ADMINISTRATION - Evaluation d'office - Opposition à contrôle - Existence - Contribuable incarcéré auquel l'administration a laissé un temps suffisant pour faire rassembler et mettre en ordre ses documents comptables.

19-01-03-01-02-05, 19-04-02-01-06-01-02 Le contribuable, avocat au barreau de Marseille, était incarcéré à la date à laquelle il a reçu l'avis de vérification de comptabilité notifié le 20 janvier 1984 par l'administration. Celle-ci, sur demande du conseil du contribuable, puis de l'avocat désigné par ce dernier pour gérer provisoirement son cabinet, a accepté à deux reprises de reporter la date de début des opérations de vérification, au 23 février 1984, puis au 10 avril 1984, mais fait connaître au contribuable, le 16 mars 1984, qu'un éventuel refus de présentation de comptabilité à compter du 10 avril serait regardé comme une opposition à contrôle. En réponse à une nouvelle demande de l'avocat remplaçant le contribuable, l'administration a fait savoir à cet avocat que le vérificateur se présenterait à son cabinet le 7 juin 1984 et l'a averti qu'un défaut de présentation de la comptabilité du contribuable entraînerait application de la procédure prévue à l'article L.74 du L.P.F.. Il ressort de ces circonstances que le contribuable, auquel l'administration a permis de disposer d'un temps suffisant pour faire rassembler et mettre en ordre, par son remplaçant ou son conseil, les documents comptables qui devaient être présentés au vérificateur, ne justifie pas leur avoir demandé de prendre les mesures nécessaires à cet effet. Par suite, absence d'erreur de droit de la cour administrative qui juge qu'en dépit de son incarcération, le contribuable s'est placé en situation d'opposition à contrôle fiscal.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - RECTIFICATION ET TAXATION D'OFFICE - Evaluation d'office - Opposition à contrôle - Existence - Contribuable incarcéré auquel l'administration a laissé un temps suffisant pour faire rassembler et mettre en ordre ses documents comptables.


Références :

CGI 1733, 261
CGI Livre des procédures fiscales L74, L73
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 art. 81 Finances pour 1987
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 1997, n° 136114
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Salat-Baroux
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:136114.19971117
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award