La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/1998 | FRANCE | N°165227

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 08 juillet 1998, 165227


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 février 1995, présentée pour M. Robert Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 24 novembre 1994 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant que celle-ci, ne faisant que partiellement droit aux conclusions de l'appel qu'il avait formé contre l'article 4 du jugement du 30 mars 1993 du tribunal administratif d'Orléans, rejetant en partie sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1986, et faisant droit aux c

onclusions du recours incident formé par le ministre du budge...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 février 1995, présentée pour M. Robert Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 24 novembre 1994 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant que celle-ci, ne faisant que partiellement droit aux conclusions de l'appel qu'il avait formé contre l'article 4 du jugement du 30 mars 1993 du tribunal administratif d'Orléans, rejetant en partie sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1986, et faisant droit aux conclusions du recours incident formé par le ministre du budget contre les articles 1er et 3 du même jugement, l'a rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1986, à raison des sommes dont le tribunal avait prononcé la décharge diminué des droits résultant de l'imposition de la plus-value immobilière qu'il a réalisée en 1986, réduite de 124.900 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-111-7 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique ;
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de Me Capron, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts : "... les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : ... 2° de l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, lorsque les plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans... après l'acquisition" que l'article 150 H du même code précise que la plus-value imposable en application de l'article 150 A est constituée par la différence entre le prix de cession, réduit, notamment, du montant ces frais supportés par le vendeur à l'occasion de la cession, et le prix d'acquisition par le cédant, majoré, notamment, des frais afférents à cette acquisition, lorsqu'elle a été effectuée à titre onéreux ; que, selon l'article 150 D : "Les dispositions de l'article 150 A ne sont pas applicables ... 6° aux plus-values réalisées par les titulaires de pension de vieillesse non assujettis à l'impôt sur le revenu" ; qu'aux termes de l'article 150 C : "I. Toute plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale est exonérée. Sont considérés comme résidence principale : a) les immeubles ou parties d'immeubles constituant la résidence habituelle du propriétaire depuis l'acquisition ou l'achèvement ou pendant cinq ans au moins ... II. Il en est de même pour la première cession d'un logement lorsque le cédant ou son conjoint n'est pas propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée ..." ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) "Saint-Christophe", constituée entre M. Y..., son fils Claude et sa fille Jacqueline, qui détenaient, respectivement, 80 %, 10 %, et 10 % des parts de la société, a, par acte du 26 mars 1986, vendu pour un prix de 9.202.806 F un ensemble d'immeubles sis à Tours (Indre-et-Loire) dont les différents éléments avaient été acquis par la société aux termes d'actes passés les 16 juin 1972, 29 novembre 1974, 3 décembre 1974 et 30 juin 1978 ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SCI "Saint-Christophe", l'administration, estimant que le montant déclaré de la plus-value réalisée lors de la cession du 26 mars 1986 avait été sous-évalué, l'a porté de 2.353.512 F à 3.762.134 F et a mis à la charge des associés et, notamment de M. Y..., les suppléments d'impôt sur le revenu correspondants, calculés au prorata des droits détenus par chacun d'eux dans la société, conformément à la règle fixée, pour l'imposition des bénéfices des sociétés de personnes et, en particulier, des sociétés civiles, par l'article 8 du code général des impôts ; que M. Y... a alors formé une réclamation dans laquelle il s'est prévalu, à titre principal, des dispositions du 6, précité, de l'article 150 D du code général des impôts pour demander que la totalité de la part lui revenant de la plus-value réalisée par la SCI "Saint-Christophe" soit exonérée, et, à titre subsidiaire, des dispositions précitées des articles 150 D et 150 H, afin d'obtenir que sa part de plus-value soit, en premier lieu, exonérée dans la mesure où elle était imputable à la cession des locaux, compris dans l'ensemble immobilier vendu, dans lesquels il avait sa résidence principale, en second lieu, réduite d'une somme égale à 80 % du montant des deux "indemnités d'éviction", de 124.900 F à 314.085 F, que la SCI "Saint-Christophe" avait respectivement versées, en 1978, à M. X..., et, en 1981, à la société Guinon, en contrepartie de la résiliation des baux commerciaux dont ceux-ci étaient titulaires sur une partie des locaux acquis par la société en 1972 et 1974 ; que M. Y... se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 24 novembre 1994, en tant que celle-ci, après lui avoir accordé la réduction d'imposition sollicitée au titre de l'indemnité d'éviction versée à M. X..., a rejeté le surplus des conclusions de l'appel, fondées sur les dispositions précitées des articles 150 D, 6 et 150 H du code général des impôts, qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mars 1993, et, faisant droit, aux conclusions de l'appel incident formé contre le même jugement par le ministre du budget, a rétabli l'imposition ayant pour assiette la part revenant à M. Y... de la fraction de plus-value réalisée par la SCI "Saint-Christophe" se rapportant à la cession des locaux dans lesquels il avait sa résidence principale, dont les premiers juges, estimant qu'il était en droit de prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par I. de l'article 150 C du code, l'avait déchargé ;

En ce qui concerne l'application du I de l'article 150 C du code général des impôts :
Considérant que l'exonération prévue par ces dispositions ne s'applique qu'aux plus-values personnellement réalisées par les titulaires d'une pension de vieillesse non assujettis à l'impôt sur le revenu ; que, par suite, en jugeant, que, bien que titulaire d'une pension de vieillesse et non assujetti à l'impôt sur le revenu, M. Y... ne pouvait prétendre au bénéfice de cette exonération, dès lors que la plus-value partiellement imposée à son nom, en tant qu'associé de la SCI "Saint-Christophe", avait été réalisée, non par lui-même personnellement, mais par cette société, propriétaire des immeubles cédés, la cour administrative d'appel a fait une exacte application du 6° de l'article 150 D du code général des impôts ;
En ce qui concerne l'application du 1 de l'article 150 C du code général des impôts :
Considérant qu'il résulte des dispositions de cet article que l'associé d'une société de personnes, telle qu'une société civile visée au 1° du second alinéa de l'article 8 du code général des impôts, qui occupait, à titre de résidence principale, un immeuble ou une partie d'immeuble appartenant à cette société et que celle-ci mettait, en droit ou en fait, gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession à titre onéreux de cet immeuble ou de cette partie d'inuneuble, de la même manière que s'il en avait été lui-même propriétaire, de l'exonération prévue par le I de l'article 150 C du code général des impôts, dans les conditions prévues par ce texte ; qu'ainsi, en jugeant que cette exonération ne peut être accordée qu'aux associés des seules sociétés de personnes dont les parts donnent statutairement droit à l'attribution gratuite en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble appartenant à la société, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que M. Y... est dès lors fondé à demander que l'arrêt de la cour soit annulé sur ce point ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce même point, l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de la cession, par acte du 26 mars 1986, des immeubles qui appartenaient à la SCI "Saint-Christophe", M. Y... occupait, dans ces lieux, depuis cinq ans au moins, à titre de résidence principale, un appartement mis gratuitement à sa disposition par cette société, dont, ainsi qu'il a été dit, il possédait 80 % des parts ; que, par suite, il avait droit au bénéfice de l'exonération prévue par le I de l'article 150 C à raison de 80 % du montant de la fraction de la plus-value, imputable à la cession de cet appartement, réalisée en 1986 par la SCI "Saint-Christophe" ; que le ministre du budget n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 30 mars 1993, le tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. Y... la réduction d'imposition correspondante ;

En ce qui concerne l'application de l'article 150 H du code général des impôts :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que c'est en vue de la réalisation, alors projetée par elle, d'une opération consistant à démolir les immeubles qu'elle avait acquis par acte du 16 juin 1972 et à édifier sur le terrain qui serait ainsi libéré un nouvel ensemble immobilier que la SCI "Saint-Christophe" a versé en 1981, à titre d'indemnité d'éviction, la somme de 314.085,69 F, prévue par un protocole d'accord du 22 juillet 1977, réitéré en 1979, à la société Guinon, qui occupait, en vertu d'un bail commercial, une partie des constructions visées par cette opération ; qu'en déduisant de ces faits que le versement ainsi effectué avait été sans lien, tant avec l'acquisition de ces constructions qu'avec leur revente en 1986 et qu'ainsi, la somme de 314.085,69 F n'était pas au nombre de celles dont, en vertu des dispositions précitées de l'article 150 H du code général des impôts, relatif au calcul de la plus-value imposable, par différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition, le premier de prix peut être diminué ou le second augmenté, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt, contrairement à ce que soutient M. Y..., ni de contradiction de motifs, ni d'erreur de droit ;
Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 24 novembre 1994 et l'article 3 du même arrêt, en tant qu'il rétablit M. Y... au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1986 à raison des sommes dont, par les articles 1er à 3 de son jugement du 30 mars 1993, le tribunal administratif d'Orléans avait prononcé la décharge, soiit annulés.
Article 2 : Le recours incident formé par le ministre du budget devant la cour administrative d'appel de Nantes contre les articles ler à 3 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mars 1993 est rejeté.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Robert Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 165227
Date de la décision : 08/07/1998
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-04-02-08-02,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - PLUS-VALUES DES PARTICULIERS - PLUS-VALUES IMMOBILIERES -Exonérations - a) Plus-values réalisées par les titulaires d'une pension de vieillesse non assujettis à l'impôt sur le revenu (article 150-D-6° du CGI) - Applicabilité aux associés d'une société civile immobilière pour les plus-values réalisées par celle-ci - Absence - b) Plus-values réalisées lors de la cession d'une résidence principale (article 150-C du CGI) - Applicabilité en cas de dissolution d'une société civile immobilière et transfert de l'immeuble constituant son actif à l'associé qui en avait la jouissance - Existence (1).

19-04-02-08-02 a) Un contribuable associé d'une société civile immobilière ne peut prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par l'article 150 D 6°du Code général des impôts, alors même qu'il serait titulaire d'une pension de vieillesse et non assujetti à l'impôt sur le revenu, dès lors que la plus-value partiellement imposée à son nom, en cette qualité d'associé, a été réalisée, non par lui-même personnellement, mais par la société, propriétaire des immeubles cédés. b) Il résulte des dispositions du I de l'article 150-C du code général des impôts que l'associé d'une société de personnes, telle qu'une société civile visée au 1° du second alinéa de l'article 8 du code général des impôts, qui occupait, à titre de résidence principale, un immeuble ou une partie d'immeuble appartenant à cette société et que celle-ci mettait, en droit ou en fait, gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession à titre onéreux de cet immeuble ou de cette partie d'immeuble, de la même manière que s'il en avait été lui-même propriétaire, de l'exonération prévue par ces dispositions, dans les conditions qu'elles prévoient (1).


Références :

CGI 150 A, 8, 150 D, 150 C, 150 H
Instruction du 26 mars 1986
Loi du 31 décembre 1987 art. 11

1.

Cf. 1989-05-17, Rousset, n° 62678 ;

1993-06-23, Mme Miller Le Gré, T. p. 747


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 1998, n° 165227
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:165227.19980708
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award