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08/07/1998 | FRANCE | N°172057

France | France, Conseil d'État, 10 /7 ssr, 08 juillet 1998, 172057


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 août 1995 et 18 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour ELECTRICITE DE FRANCE, établissement public, service national dont le siège est ..., représenté par son directeur général ; ELECTRICITE DE FRANCE demande que le Conseil d'Etat :
1 ) annule le jugement du 16 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, sur la requête de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, annulé l'arrêté interministériel en date du 30 mai 1994 déclarant d'uti

lité publique en vue de l'établissement des servitudes les travaux d'établ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 août 1995 et 18 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour ELECTRICITE DE FRANCE, établissement public, service national dont le siège est ..., représenté par son directeur général ; ELECTRICITE DE FRANCE demande que le Conseil d'Etat :
1 ) annule le jugement du 16 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, sur la requête de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, annulé l'arrêté interministériel en date du 30 mai 1994 déclarant d'utilité publique en vue de l'établissement des servitudes les travaux d'établissement de la ligne électrique à deux circuits de 225 kv La Boisse-Cusset jusqu'au pont de la Sucrerie ;
2 ) rejette la demande présentée par Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme notamment ses articles L. 122-1 et R. 123-27 ;
Vu le décret n 70-492 du 11 juin 1970 modifié ;
Vu le décret n 77-1041 modifié du 12 octobre 1977 pris pour l'application de la loi n 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'E.D.F.,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort ... 4 Des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les actes réglementaires des ministres" ; que lorsque, par application de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme, un acte déclaratif d'utilité publique emporte approbation de nouvelles dispositions d'un plan d'occupation des sols, il revêt dans cette mesure un caractère réglementaire ;
Considérant que l'arrêté interministériel du 30 mai 1994 dont la fédération requérante demande l'annulation déclare d'utilité publique en vue de l'application des servitudes, les travaux d'établissement de la ligne électrique à deux circuits La Boisse-Cusset entre le pont de la Sucrerie et le poste de La Boisse et approuve les nouvelles dispositions des plans d'occupation des sols des communes de Beynost et de Saint-Maurice de Beynost ; que, par suite, le Conseil d'Etat était compétent en premier et dernier ressort pour connaître de la demande de la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature et que le tribunal administratif de Lyon n'était pas compétent pour statuer par le jugement attaqué sur une telle demande ; que ledit jugement doit être, dès lors, annulé ;
Considérant qu'il y a lieu de statuer sur la demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977, pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976, dans sa rédaction applicable, antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 23 février 1993, l'étude d'impact, requise par l'article 6 du décret du 11 juin 1970, doit "être en relation avec l'importance des travaux ou aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement". Elle "présente successivement 1 une analyse de l'état initial du site et de son environnement portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes, de loisirs affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2 une analyse des effets sur l'environnement et en particulier sur les sites et paysages, la faune, la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques ... ; 3 les raisons pour lesquelles notamment du point de vue des préoccupations d'environnement parmi les partis envisagés le projet présenté a été retenu ; 4 les mesures envisagés par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ..." ;

Considérant que l'étude d'impact produite par ELECTRICITE DE FRANCE fait suffisamment apparaître les justifications du projet de reconstruction de la ligne Nord La Boisse-Cusset avec doublement des circuits à 225 kv ; qu'une nouvelle étude d'impact n'était pas nécessaire à la suite de la réduction du tracé de la ligne et que l'étude était suffisante pour éclairer les autorités administratives et le public en ce qui concerne notamment les incidences du projet sur l'environnement, la faune et la flore, les mesures prises pour atténuer ces incidences et leur coût ; que la circonstance que, en signalant le caractère sensible de la traversée du site par la ligne, les auteurs de l'étude n'en tirent pas la conséquence que le projet doit être remis en cause, ne constitue pas davantage une violation des dispositions précitées du décret du 12 octobre 1977 ;
Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de l'établissement de la ligne électrique à deux circuits 225 kv La Boisse-Cusset avec les dispositions du schéma directeur de l'agglomération lyonnaise :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme : Les schémas directeurs fixent les orientations fondamentales de l'aménagement des territoires intéressés compte tenu de l'équilibre qu'il convient de préserver entre l'extension urbaine, l'exercice des activités agricoles, les autres activités économiques et la préservation des sites naturels ... Les programmes et les décisions administratives qui les concernent doivent être compatibles avec leurs dispositions" et qu'à ceux de l'article R. 123-27 : "en application ... de l'article L. 122-1 doivent être compatibles avec les dispositions des schémas directeurs ... d) les grands travaux d'équipements" ;
Considérant que la ligne électrique dont l'arrêté interministériel du 30 mai 1994 déclare d'utilité publique les travaux d'établissement traverse le site des îles du Rhône délimité par le canal de Jonage et le canal de Miribel ;
Considérant, d'une part, que le schéma directeur de l'agglomération lyonnaise comporte au nombre de ses orientations prioritaires la distribution d'électricité en fonction tant des besoins globaux de consommation d'électricité de l'agglomération que des besoins spécifiques des sites en développement, le développement des "potentialités de l'agglomération en matière de loisirs" notamment "aquatiques" et la gestion de l'environnement, qui doit permettre de promouvoir une meilleure qualité de l'environnement des zones urbaines et de créer des espaces naturels de grande dimension en frange de l'urbanisation, notamment par la mise à disposition de ses habitants d'espaces de loisirs ; que le schéma s'attache à la mise en valeur de ces espaces naturels par la "prise en compte des données écologiques des territoires et en particulier des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique", et par l'institution de "sites naturels inaltérables", qui en constituent des "protections essentielles" ; qu'il ne résulte pas des dispositions du schéma relatives à ces orientations et aux instruments de leur mise en oeuvre que ses auteurs aient entendu de manière générale conférer aux orientations en matière de loisirs et d'environnement qu'ils retiennent le caractère d'orientation fondamentale l'emportant sur celles qu'ils retiennent par ailleurs, notamment en matière de distribution d'électricité ;

Considérant, d'autre part, en premier lieu que les sites naturels inaltérables doivent être "protégés du processus d'urbanisation et mis en valeur" ; que leur protection doit s'accompagner "d'une politique ... favorisant les activités de plein air et permettant le maintien et la valorisation dans les hameaux existants du bâti et des équipements nécessaires à leur vie" ; en second lieu, que le schéma, après avoir relevé la vulnérabilité de l'agglomération lyonnaise en matière de distribution d'eau du fait de la concentration progressive sur un seul champ captant de la ressource d'eau, prévoit des mesures de protection contre cette dépendance excessive, au nombre desquelles le classement en "site naturel inaltérable" du site de Miribel-Jonage ; qu'il résulte de ces dispositions que le but du classement du secteur de Miribel-Jonage en site naturel inaltérable était de remédier à l'insuffisance de la desserte de l'agglomération en matière de distribution d'eau potable ;
Considérant que si la reconstruction de la ligne La Boisse-Cusset jusqu'au pont de la Sucrerie sur son tracé d'origine figurant dans les documents cartographiques du schéma directeur, moyennant le remplacement d'une ligne 125 kv à un seul circuit par une ligne 225 kv à deux circuits n'était pas prévue par le schéma directeur, il résulte de ce qui précède d'une part qu'elle ne remet pas en cause les options fondamentales du schéma et la destination générale des sols qu'il prévoit, d'autre part que les atteintes qu'elle porte au site naturel inaltérable de Miribel-Jonage ne sont pas de nature, eu égard au but susrappelé du classement du site, à mettre en cause la protection de ce site, envisagée par les auteurs du schéma ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'opération déclarée d'utilité publique ne remettait en cause ni les options fondamentales du schéma directeur de l'agglomération lyonnaise, ni la destination générale des sols et ne compromettait pas la protection du site naturel inaltérable localisé par le schéma au regard du but qui lui avait été assigné par ses auteurs ; que la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les travaux autorisés sont incompatibles avec les dispositions dudit schéma ;
Sur le moyen tiré de la violation de la charte d'objectifs de l'île de Miribel-Jonage :
Considérant que les prescriptions de cette charte sont dépourvues de caractère réglementaire ; que la requérante n'est, par suite, pas fondée à s'en prévaloir ;
Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de la ligne avec les dispositions du plan d'occupation des sols du secteur Est de la communauté urbaine de Lyon (COURLY) :
Considérant qu'aux termes des articles L. 123-8, R. 123-1 et R. 123-6 du code de l'urbanisme, la déclaration d'utilité publique requise préalablement à l'établissement des servitudes pour l'implantation des lignes électriques ne peut intervenir, si l'opération n'est pas compatible avec les dispositions du plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé que si la procédure d'enquête et de déclaration porte en même temps sur l'utilité publique et sur la compatibilité du plan d'occupation des sols ;

Considérant que l'article ND1 du plan d'occupation des sols du secteur Est de la COURLY autorise "l'extension ou la reconstruction des équipements publics ... si elle n'est pas de nature à porter atteinte au site, les installations techniques nécessaires au fonctionnement des services liés aux infrastructures de voirie et de réseaux divers ... à la condition qu'elles s'intègrent dans le site" ; que toutefois l'article ND10 dispose expressément que "ne sont pas limités en hauteur les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics" ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que la circonstance que la hauteur des pylônes du type de ceux prévus par le projet déclaré d'utilité publique serait susceptible de compromettre son intégration dans le site de Miribel-Jonage n'est pas de nature à rendre l'opération projetée incompatible avec les dispositions du plan d'occupation des sols du secteur Est de la COURLY ;
Sur le moyen tiré de ce qu'un pylône serait implanté sur un terrain classé comme espace boisé par le plan d'occupation des sols de Vaulx-en-Velin :
Considérant que la déclaration d'utilité publique ne confère par elle-même au pétitionnaire, antérieurement à l'établissement de servitudes aucun droit d'arracher des arbres ; que, dès lors, le moyen est inopérant ;
Sur le moyen tiré du refus du permis de construire l'ouvrage par le préfet du Rhône :
Considérant que la déclaration d'utilité publique en vue de l'établissement des servitudes d'établissement de lignes électriques et le permis de construire les ouvrages qui les comportent interviennent en vertu de législations indépendantes ; que le refus de permis de construire opposé par le préfet du Rhône le 26 juillet 1994 est, par suite, sans incidence sur la légalité de l'arrêté interministériel déclaratif d'utilité publique du 30 mai 1994, d'ailleurs antérieur audit refus ;
Sur le moyen tiré de l'absence d'utilité publique :
Considérant que le doublement de la ligne à 225 kv La Boisse-Cusset pour répondre au développement de la consommation d'électricité de l'agglomération lyonnaise et notamment de la zone Nord Est et aux insuffisances techniques du réseau en place présente un caractère d'utilité publique ; que les inconvénients du projet pour le milieu naturel, le paysage et la protection de la flore et de la faune, notamment des oiseaux, alors d'ailleurs qu'il a reçu l'accord du directeur régional de l'environnement Rhône-Alpes, ne sont pas excessifs au regard des avantages que ce projet comporte pour la satisfaction des besoins en électricité des habitants de l'agglomération lyonnaise et en particulier de son secteur Nord Est ; qu'ils ne sont pas, ainsi, de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ; que si la requérante expose que "l'enfouissement ... est la solution" qu'elle demande, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité de la solution technique retenue par le pétitionnaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature doit être rejetée ;
Article 1er : Le jugement en date du 16 mai 1995 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à ELECTRICITE DE FRANCE, à la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, au secrétaire d'Etat à l'industrie et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 10 /7 ssr
Numéro d'arrêt : 172057
Date de la décision : 08/07/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

29-04-02 ELECTRICITE - LIGNES ELECTRIQUES - DECLARATION D'UTILITE PUBLIQUE


Références :

Code de l'urbanisme L123-8, L122-1, R123-1, R123-6
Décret 53-934 du 30 septembre 1953 art. 2
Décret 70-492 du 11 juin 1970 art. 6
Décret 77-1041 du 12 octobre 1977 art. 2
Décret 93-245 du 23 février 1993
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 2


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 1998, n° 172057
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lévy
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:172057.19980708
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