Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 février 1996 et 5 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule la décision du 23 novembre 1995 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens lui a infligé la sanction de deux mois d'interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rousselle, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X..., et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..." ;
Considérant qu'il résulte des articles R. 145-1 et R. 145-2 du code de la sécurité sociale que la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens peut prononcer, notamment, la sanction de l'interdiction temporaire ou permanente de servir des prestations aux assurés sociaux ; qu'ainsi les décisions de ladite instance sont susceptibles de porter atteinte à l'exercice du droit d'exercer la profession de pharmacien, lequel revêt le caractère d'un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 6-1 précitées s'appliquent à la procédure suivie devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et sont méconnues par l'article R. 5037 du code de la santé publique alors applicable aux audiences de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens en vertu de l'article R. 14521 du code de la sécurité sociale, et aux termes duquel "les audiences ne sont pas publiques" ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci a été prise après une audience non publique ; qu'il résulte de ce qui a été dit que cette procédure est irrégulière ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 23 novembre 1995 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a confirmé la sanction de l'interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux pendant deux mois qui lui a été infligée ;
Article 1er : La décision du 23 novembre 1995 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guy X..., au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, à la caisse primaire d'assurance-maladie de Macon et au ministre de l'emploi et de la solidarité.