Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 19 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles (UNOSTRA), dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er du décret n° 96-1115 du 19 décembre 1996, modifiant le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, modifié, relatif aux modalités d'application du code du travail concernant la durée du travail dans les transports routiers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "La durée légale du travail ... s'entend du travail effectif à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte ainsi des périodes d'inaction dans les industries et commerces définis par décret. Ces temps pourront toutefois être rémunérés conformément aux usages et aux conventions ou accords collectifs de travail" ;
Considérant que le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier, dont l'article 6, paragraphe 1, précise que, dans ces entreprises "l'amplitude de la journée de travail est l'intervalle existant entre deux repos journaliers successifs ou entre un repos hebdomadaire et le repos journalier immédiatement précédent ou suivant", dispose, en son article 5, paragraphe 1, premier alinéa, que "la durée du travail effectif est égale à l'amplitude de la journée de travail, telle que définie à l'article 6, paragraphe 1, diminuée de la durée totale des interruptions dites "coupures" et du temps consacré aux repas, à l'habillage et au casse-croûte" ; que l'article 1er du décret n° 96-1115 du 19 décembre 1996, dont l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles (UNOSTRA) demande au Conseil d'Etat de prononcer l'annulation pour excès de pouvoir, a remplacé les dispositions que le décret n° 96-1082 du 12 décembre 1996 avaient ajoutées au premier alinéa, précité, de l'article 5, paragraphe 1, du décret du 26 janvier 1983, par les trois alinéas suivants : "Pour les personnels de conduite affectés dans les transports routiers de marchandises à des services leur faisant obligation de prendre au moins six repos journaliers par mois hors du domicile, et, pour les personnels roulant affectés, dans les entreprises de déménagement, à des services leur faisant obligation de prendre au moins quarante repos journaliers par an hors de leur domicile, la durée journalière cumulée des temps de repas, de repos et de coupure compris dans l'amplitude de la journée de travail et non rémunérés ne peut excéder un seuil maximal. Ce seuil maximal est déterminé par accord de branche ou, dans l'entreprise, par accord d'entreprise ou d'établissement. Dans les établissements non couverts par une disposition conventionnelle, il est fixé à un quart de l'amplitude de la journée de travail et ne saurait, en tout état de cause, être supérieur à trois heures. Pour les autres personnels roulants effectuant des transports de marchandises, la durée journalière cumulée des temps de repas, de repos et de coupure compris dans l'amplitude de la journée de travail et non rémunérés ne peut excéder un seuil maximal défini par un accord de branche qui devra avoir été conclu avant le 30 juin 1997. A défaut d'accord de branche dans le délai prévu, il y sera suppléé par décret" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 2124 du code du travail que les temps qu'il exclut du temps de travail effectif ne peuvent être rémunérés qu'en vertu d'usages ou de conventions ou accord collectifs de travail, d'où il suit qu'en l'absence de disposition législative l'y habilitant expressément, le pouvoir réglementaire n'est pas compétent pour décider que de tels temps seront rémunérés, même partiellement ; qu'aucune disposition législative ne l'habilite non plus à décider que des périodes de travail effectif ne seront pas rémunérées ou ne le seront que partiellement ; que, dès lors et sans que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, puisse utilement soutenir qu'enraison notamment du caractère "flou" et "éminemment" sujet à interprétations qu'il prête à la notion d'"interruptions dites coupures" retenue par le premier alinéa du paragraphe 1 de l'article 5 du décret du 26 janvier 1983, qui n'en donne aucune définition, il y aurait lieu de regarder comme faisant partie du temps de travail effectif des personnels roulants visés au deuxième alinéa du même paragraphe, certains des éléments inclus dans la "durée journalière cumulée des temps de repas, de repos et de coupure compris dans l'amplitude de (leur) journée de travail", les auteurs du décret du 19 décembre 1996 n'ont pu, sans excéder les limites de leur compétence, décider que cette durée journalière ne donnerait pas lieu à rémunération en-deçà d'un certain seuil, fixé, dans les établissements non couverts par une disposition conventionnelle, à un quart de l'amplitude de la journée de travail, sans pouvoir excéder trois heures, et imposer, ainsi, aux employeurs de la rémunérer au-delà de ce seuil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UNOSTRA est fondée à demander l'annulation des dispositions, indivisibles, de l'article 1er du décret n° 96-115 du 19 décembre 1996 ;
Article 1er : L'article 1er du décret n° 96-1115 du 19 décembre 1996 est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles (UNOSTRA) et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.