Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES enregistré le 26 juillet 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 mai 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 4 mai 1993 du tribunal administratif de Caen, a accordé à M. Claude X... la décharge du supplément d'impôt sur le revenu calculé au taux de droit commun sur une somme de 2 000 000 F, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les observations de la SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. Claude X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., qui, en qualité de travailleur indépendant, était chargé, dans la région de Caen, depuis 1969, des fonctions de correspondant de la Banque La Hénin, a conclu avec celle-ci, le 2 janvier 1981, un contrat fixant, pour une nouvelle période, les conditions de cette collaboration ; que ce contrat précisait, notamment, que la mission de M. X..., consistant à rechercher, instruire et transmettre à la banque, pour acceptation éventuelle, des demandes de crédits immobiliers auprès de particuliers et des demandes de crédits ou de cautions auprès de promoteurs de construction, et à surveiller la bonne exécution des contrats de financement qui seraient souscrits, s'exerçait dans une "circonscription territoriale" s'étendant aux départements du Calvados et de la Manche, à l'exception, pour ce dernier, de l'arrondissement d'Avranches, sans toutefois que cette clause fit obstacle à la présentation par M. X... de dossiers de promoteurs installés à l'extérieur de sons secteur et souhaitant passer par son intermédiaire, sous réserve de l'accord de la banque dans le cas où les intéressés seraient déjà en relation avec elle ; qu'en dehors du cas de faute ou de négligence grave commise par M. X..., le contrat prévoyait que sa résiliation avant la date d'expiration de la période de cinq ans pour laquelle il était conclu, ou son non renouvellement, pourrait être prononcé par la banque, pour quelque cause que ce soit, moyennant le paiement d'une indemnité égale à 1 % de l'encours global des concours à la promotion immobilière gérés par M. X... et au moins égale à une fois et demi le montant annuel moyen des commissions acquises par lui au cours des vingt-quatre mois ayant précédé le préavis de résiliation ; qu'ayant décidé de créer une succursale à Caen, la Banque La Hénin a dénoncé, à compter du 26 juin 1984, le contrat du 2 janvier 1981 et payé à M. X... une indemnité de 4 200 000 F ;
Considérant que, pour juger, par l'arrêt que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler, que la somme ainsi allouée à M. X... avait compensé la perte, par celui-ci, non de recettes d'exploitation, mais d'un élément d'actif incorporel ayant le caractère d'une immobilisation, de sorte qu'elle avait été à tort soumise à l'impôt sur le revenu selon les règles du droit commun, alors qu'elle aurait dû être imposée selon le régime propre aux plus-values professionnelles à long terme, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur ce que la situation de mandataire de la Banque La Hénin était devenue depuis 1969 une source régulière de profits pour M. X... et que celui-ci pouvait légitimement escompter que l'exécution de son contrat se poursuivrait, après reconduction, sur une assez longue période ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES se borne à soutenir qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel aurait entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, faute d'avoir répondu au moyen qu'il avait tiré devant elle de l'absence, dans le contrat conclu le 2 janvier 1981 entre la Banque La Hénin et M. X..., d'une clause expresse d'exclusivité de clientèle, qui, selon lui, pouvait seule garantir à son titulaire une source de profits régulière et exempte de toute précarité sur une assez longue période, de natureà constituer pour l'intéressé un élément incorporel de son actif immobilisé ;
Mais considérant que l'existence d'une source de profits présentant ces caractéristiques n'est pas nécessairement liée à la présence dans le contrat de celui qui en bénéficie d'une clause d'exclusivité de clientèle ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas entaché d'une insuffisance de motivation l'arrêt qu'elle a rendu dans le sens ci-dessus rappelé en ne répondant pas au moyen soulevé par le ministre, qu'elle a pu, en l'espèce, regarder comme inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES n'est pas fondé à demander l'annulation de cet arrêt ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.
Article 2 : L'Etat paiera à M. X... une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Claude X....