Vu le recours enregistré le 4 mai 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les dispositions de l'arrêt du 20 novembre 1997 par lequel la Cour des comptes a décidé qu'il n'y avait pas lieu à déclaration de gestion de fait en ce qui concerne les opérations effectuées par le centre académique de ressources informatiques et télématiques pédagogiques sur les crédits délégués au lycée Jean D... (Nord) au titre des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 du budget du ministère de l'éducation nationale ;
2°) de renvoyer l'affaire devant les chambres réunies de la Cour des comptes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, notamment son article 14-V ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d'une part, que l'article L. 211-1 du code des juridictions financières dispose : "La chambre régionale des comptes juge, dans son ressort, l'ensemble des comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi que les comptes de personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. la Cour des comptes statue en appel" ; qu'aux termes de l'article 14 V de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 susvisée : "Les collèges, les lycées, les établissements d'éducation spéciale sont des établissements publics locaux ..." ; que, d'autre part, l'article L. 131-1 du code des juridictions financières dispose : "Les comptables publics autres que ceux qui relèvent de la juridiction des chambres régionales et territoriales des comptes sont tenus de produire leurs comptes à la Cour des comptes" ; qu'aux termes de l'article L. 131-2 du même code : "La Cour des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait" ; qu'enfin, selon le troisième alinéa du XI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 : "Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions et entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions régulières ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la juridiction compétente pour connaître d'actes constitutifs d'une gestion de fait est celle qui a normalement compétence pour connaître de l'emploi des crédits qui ont fait l'objet de cette gestion de fait ; qu'ainsi, dès lors que des crédits ont été irrégulièrement extraits des caisses de l'Etat, seule la Cour des comptes est compétente pour statuer sur ces irrégularités et en tirer, vis-à-vis des personnes en cause, les conséquences nécessaires, alors même que celles-ci auraient la qualité de comptable patent d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local ;
Considérant, en second lieu, qu'un comptable public peut être déclaré comptable de fait, notamment dans le cas où il aurait manié, dans des conditions irrégulières, les fonds relevant d'un poste comptable autre que le sien ;
Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure suivie devant la Cour des comptes que, par un arrêté du 22 septembre 1986, le recteur de l'académie de Lille a créé un centre académique de ressources informatiques rattaché administrativement et budgétairement au lycée Jean D... ; que le rectorat a délégué audit centre des crédits inscrits à divers chapitres du budget du ministère de l'éducation nationale et destinés à la maintenance des matériels informatiques pédagogiques des établissements publics locaux d'enseignement de l'académie (chapitre 36-70, article 20), à l'acquisition de matériels informatiques pédagogiques utilisés dans ces établissements (chapitre 56-37) et à la formation de personnels enseignants à l'utilisation de matériels informatique, télématique et audiovisuel à usage pédagogique (chapitre 37-70) ; que l'ensemble des opérations du centre ont été reprises dans la comptabilité de l'établissement scolaire, tenue par l'agent comptable du lycée Jean C... ;
Considérant qu'à la suite du contrôle des comptes du lycée, pour les exercices 1991 à 1993, par la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais, des opérations présentées comme constitutives de gestion de fait ont été portées à la connaissance du procureur général près la Cour des comptes, par lettre du commissaire du gouvernement près la chambre régionale des comptes ; que, saisie de ces faits, la Cour des comptes a constaté que le comptable du lycée Jean C... avait pris en charge, notamment sur les crédits de l'Etat des chapitres 36-70 et 37-70, desdépenses étrangères à leur objet et effectuées au profit des services rectoraux ; que, cependant, la Cour des comptes a estimé qu'il appartenait à la chambre régionale des comptes d'enjoindre au comptable de reverser les sommes payées à tort et qu'il n'y avait pas lieu à déclaration de gestion de fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il appartenait uniquement à la Cour des comptes de connaître de l'emploi de crédits de l'Etat constitutif d'une gestion de fait ; que, dès lors, l'arrêt attaqué a fait une fausse application des dispositions combinées des articles L. 131-1, L. 131-2 et L. 211-1 du code des juridictions financières en refusant de se prononcer sur les faits qui lui étaient soumis ; qu'il en résulte que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à en demander, dans cette mesure, l'annulation ;
Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes en date du 20 novembre 1997 est annulé en tant qu'il dit n'y avoir lieu à déclaration de gestion de fait en ce qui concerne les opérations effectuées par le centre académique de ressources informatiques et télématique pédagogiques sur les crédits délégués au Lycée Jean C... au titre des chapitres 36-70, 37-70 et 56-37 du budget du ministère de l'éducation nationale.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour des comptes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à M. Claude A..., M. André E..., M. Jacques Y..., M. Alain Z..., Mme Françoise B..., M. Jean-Pierre X..., au procureur général près la Cour des comptes et au ministre de l'éducation nationale.