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18/10/2000 | FRANCE | N°195062

France | France, Conseil d'État, 18 octobre 2000, 195062


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 1998, la requête présentée pour M. Félix X..., demeurant ..., tendant à ce que le Conseil d'Etat annule l'arrêt n° 95PA03262 du 26 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la réformation du jugement du 7 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande indemnitaire et a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 juin 1992 par laquelle le président de l'union centrale des caisses de

crédit municipal (U.C.C.C.M.) a prononcé son licenciement pour ...

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 1998, la requête présentée pour M. Félix X..., demeurant ..., tendant à ce que le Conseil d'Etat annule l'arrêt n° 95PA03262 du 26 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la réformation du jugement du 7 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande indemnitaire et a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 juin 1992 par laquelle le président de l'union centrale des caisses de crédit municipal (U.C.C.C.M.) a prononcé son licenciement pour motif économique et, d'autre part, à l'annulation de ladite décision et à la condamnation de l'union centrale des caisses de crédit municipal à lui payer l'intégralité des indemnités réclamées en première instance sous astreinte de 1 000 F par jour de retard ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 39 du décret susvisé du 19 décembre 1991 pris pour l' application de la loi du 10 juillet 1991, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle, sollicitée à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat, est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu ; que selon ces mêmes dispositions : " Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ..." ; que si, en application du dernier alinéa de l'article 23 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, l'intéressé qui s'est vu refuser l'aide juridictionnelle peut, selon le motif de la décision, demander une nouvelle délibération du bureau, de la section du bureau ou de leur président lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé en application des articles 4, 5 et 6 de la même loi, il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucune autre de la loi et du décret précités que ce recours ait pour effet d'interrompre à nouveau le délai du recours contentieux ; que, dès lors, l'intéressé doit, à peine de forclusion, introduire son recours contentieux dans les deux mois suivant la notification de la première décision du bureau d'aide juridictionnelle, quel que soit le sort réservé au recours ou à la demande de nouvelle délibération qu'il a présenté à la suite de cette décision ; que, toutefois, le principe à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours juridictionnel interdit, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice de ce droit, que la forclusion résultant de la règle énoncée ci-dessus puisse être opposée à un requérant lorsqu'il n'en a pas été expressément informé au préalable ;

Considérant qu'après avoir relevé que, par une décision du 23 novembre 1994, dont l'intéressé a accusé réception le 27 décembre, le bureau d'aide juridictionnelle avait refusé d'admettre M. X... au bénéfice de l'aide juridictionnelle en vue de faire appel du jugement du 7 novembre 1994 du tribunal administratif de Paris, l'arrêt attaqué a jugé que le délai imparti à l'intéressé pour faire appel avait recommencé à courir à compter du 27 décembre 1994, alors même qu'il avait demandé le 30 décembre 1994 une nouvelle délibération du bureau d'aide juridictionnelle, à laquelle il a été fait droit par une décision d'octroi notifiée le 18 juillet 1995, dès lors que cette demande n'avait pu une nouvelle fois interrompre le délai de recours contentieux ; qu'en en déduisant que l'appel de M. X..., enregistré le 8 septembre 1995, soit moins de deux mois après la notification à l'intéressé de la décision d'admission à l'aide juridictionnelle, était tardif, et par suite entaché d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance, sans rechercher si le requérant avait été informé de son obligation d'introduire, à peine de forclusion, son recours contentieux dans les deux mois suivant la notification de la première décision du bureau d'aide juridictionnelle, quel que soit le sort réservé à la demande présentée à la suite de cette décision, la cour a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que M. X... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 26 juin 1997 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Sur la recevabilité de la requête de M. X... :
Considérant que la notification à M. X... de la première décision du 23 novembre 1994 du bureau d'aide juridictionnelle rejetant sa demande n'indiquait pas l'absence de conséquences des recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 sur le cours du délai du recours contentieux ; que, par suite, contrairement à ce que l'administration soutient en défense, la requête de M. X..., bien qu'enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel plus de deux mois après cette notification, est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a répliqué le 3 février 1994 au mémoire en défense du ministre en date du 31 janvier ; que les nouvelles observations en défense enregistrées le 5 février ne contenaient aucun élément nouveau de droit ou de fait ; que, dès lors, le fait que le requérant n'aurait pas reçu communication de ces observations en temps utile pour pouvoir y répliquer avant l'audience du tribunal du 7 février 1994 n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant les premiers juges ;
Sur la légalité de la décision de licenciement en date du 5 juin 1992 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été réintégré dans ses fonctions d'inspecteur contractuel de l'Union Centrale des Caisses de Crédit Municipal (U.C.C.C.M.), établissement public de l'Etat à caractère administratif, en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 avril 1992 annulant une décision de licenciement pour motif disciplinaire prise par son employeur le 29 octobre 1990, M. X... a été à nouveau licencié, pour suppression de son emploi, par une décision du 5 juin 1992 qu'il a contestée devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ; qu'il ne résulte d'aucune disposition du décret susvisé du 17 janvier 1986, applicable notamment aux agents non titulaires de droit public de l'Etat et de ses établissements publics à caractère administratif, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe général que l'U.C.C.C.M. aurait dû informer préalablement le directeur départemental du travail du licenciement envisagé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard aux attributions du comité technique paritaire définies à l'article 12 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982, ledit comité n'avait pas à être consulté sur le licenciement de M. X... ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. X... soutient que la décision de licenciement du 5 juin 1992 n'aurait pas été motivée par la suppression de son poste et n'aurait eu d'autre but que de l'évincer, il est constant que la dissolution de l' U.C.C.C.M. résulte de la loi n° 92-518 du 15 juin 1992 dont le projet avait été soumis au Parlement dès le 23 décembre 1991 ; qu'il ressort des pièces du dossier que si la prise d'effet de la liquidation de l'U.C.C.C.M. a été fixée au 1er octobre 1992, les postes d'inspecteur, dont celui de M. X... , ont été supprimés dès le deuxième semestre 1991 ; que, par suite, il n'est pas établi que le licenciement de M. X... n'aurait pas été motivé par la suppression de son emploi et qu'il constituerait une sanction déguisée ; qu'il n'est pas non plus établi qu'il serait entaché de détournement de pouvoir ;
Considérant enfin que si le requérant soutient que son employeur n'a pas examiné la possibilité d'assurer son reclassement et n'établit pas qu'il ne pouvait lui proposer un autre poste, ces moyens ne peuvent, en toute hypothèse, qu'être écartés dès lors que l'établissement public qui l'employait était dissous ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement en date du 5 juin 1992 ;
Sur les conclusions à fins d'indemnité :
Sur la demande liée à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 avril 1992 :

Considérant que par une décision du 10 novembre 1993, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 avril 1992 avait été exécuté par l'administration ; que M. X... n'établit pas qu'en calculant sur la base de son salaire net l'indemnité de perte de revenus qu'elle lui a versée en exécution de ce jugement, l'administration a insuffisamment compensé le préjudice qu'il a effectivement subi pendant la période au cours de laquelle il a été irréguliérement évincé de son emploi ;
Sur les conclusions relatives au licenciement du 5 juin 1992 :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l' U.C.C.C.M. à payer à M. X... l'indemnité de licenciement à laquelle il avait droit en application du décret du 17 janvier 1986 ainsi qu'une somme de 9 146,93 F au titre des avantages sociaux non accordés et de retenues effectuées à tort, renvoyé l'intéressé devant l'U.C.C.C.M. pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement de ladite indemnité de licenciement et rejeté le surplus de ses demandes ;
Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ayant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, rejeté à bon droit les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de la décision le licenciant à compter du 5 juin 1992, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que ses salaires lui soient versés jusqu'au 31 décembre 1992, date de la liquidation de l'U.C.C.C.M. ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que, s'agissant du préjudice résultant du précompte de cotisations sociales illégalement opéré sur ses salaires, il aurait subi un préjudice autre que celui que répare l'allocation des intérêts moratoires qui lui ont été accordés par le jugement attaqué ;
Considérant, en troisième lieu, que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision le licenciant à compter du 5 juin 1992 ayant été rejetées, M. X... n'est pas fondé à demander, en sus de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions des articles 51 et 53 du décret du 17 janvier 1986 modifié, une somme de 200 000 F au titre de l'irrégularité du licenciement du 5 juin 1992 et une somme de 300 000 F en réparation des préjudices moraux et financiers qu'il aurait subis du fait de cette décision ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'au soutien de sa demande d'indemnité de 25 000 F en réparation du préjudice qu'il aurait subi en raison de la résistance abusivement opposée à ses droits par l'U.C.C.C.M., M. X... n'apporte pas d'élément de nature à en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, enfin, qu'ainsi que le soutient l'administration, les demandes par lesquelles M. X... sollicite le versement d'une indemnité de 150 870 F au titre du plan social et d'une allocation de 50 000 F prévue par ce plan au titre d'un contrat d'aide au reclassement externe, n'ont pas été précédées d'une demande de nature à lier le contentieux ; que, par suite M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes comme irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 mars 1994 a rejeté les conclusions susanalysées ;
Sur la demande d'astreinte, de versement d'intérêts de retard et de capitalisation de ces intérêts :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant ne peut prétendre au versement des intérêts correspondant aux indemnités qu'il demande en sus de ce qui a été jugé par le tribunal administratif et à leur capitalisation, ni à ce que l'U.C.C.C.M. soit condamnée à une astreinte ;
Sur les conclusions de M. X... tendant au versement de la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 26 juin 1997 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. X... devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Félix X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 195062
Date de la décision : 18/10/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

66-07-02 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE.


Références :

Décret 82-452 du 28 mai 1982 art. 12
Décret 86-83 du 17 janvier 1986 art. 51, art. 53
Décret 91-1266 du 19 décembre 1991 art. 39
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 23, art. 4, art. 5, art. 6, art. 75
Loi 92-518 du 15 juin 1992


Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2000, n° 195062
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olléon
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:195062.20001018
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