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20/10/2000 | FRANCE | N°198307

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 20 octobre 2000, 198307


Vu le recours, enregistré le 28 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris :
1°) a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 9112041, 9301757 et 9302759 du 4 juillet 1994 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires affér

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Vu le recours, enregistré le 28 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris :
1°) a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 9112041, 9301757 et 9302759 du 4 juillet 1994 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires afférents au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 5 937 946,56 F relatif à l'année 1990 à compter de la date de réclamation, les intérêts des intérêts et une somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) a condamné l'Etat à verser à la société Iveco Fiat SPA une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Iveco Fiat SPA,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Iveco Fiat SPA a présenté le 24 mai 1991, en application des dispositions des articles 242-O M à 242-O T de l'annexe II au code général des impôts relatives au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis établis hors de France, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1990, s'élevant à la somme de 5 937 946,56 F ; qu'à défaut de décision prise à l'expiration du délai de six mois imparti à l'administration par l'article R. *198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, la société Iveco Fiat SPA a saisi le tribunal administratif de Paris le 25 novembre 1991 afin d'obtenir la restitution de la somme demandée ainsi que le versement des intérêts moratoires ; que, par une première décision du 13 décembre 1991, la demande de la société Iveco Fiat SPA a été admise par l'administration à concurrence de 2 889 260,52 F et, pour le surplus, rejetée au motif que la preuve du paiement des factures correspondantes n'avait pas été apportée ; que, par une seconde décision du 14 février 1992, après production en janvier 1992 des pièces demandées, le remboursement du surplus a été accordé par l'administration à concurrence de 3 048 686,04 F ; que par réclamations du 25 février 1992 et du 6 juillet 1992, la société Iveco Fiat SPA a demandé le paiement d'intérêts moratoires sur les sommes en cause et, en l'absence de décision prise par l'administration dans le délai de six mois, a saisi le tribunal administratif de Paris du litige relatif à ces intérêts moratoires le 2 mars 1993 ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 juillet 1994 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Iveco Fiat SPA les intérêts moratoires sur la somme de 5 937 946,56 F à compter de la demande de remboursement, ainsi que le paiement des intérêts sur la dette d'intérêts due au jour du paiement du principal et de la somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Iveco Fiat SPA ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : "Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ..." et qu'aux termes de l'article L. 199 du même code : "En matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaire ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif ..." ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. *198-10 du livre des procédures fiscales : "L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leurprésentation ..." et qu'aux termes de l'article R. *199-1 du même code : "L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. *198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai ..." ;
Considérant, en premier lieu, que les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées par des assujettis établis hors de France sur le fondement de l'article 271-IV du code général des impôts aux termes duquel : "La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat" constituent, au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, des réclamations contentieuses qui sont soumises à des conditions et délais particuliers fixés par le décret n° 80-1079 du 24 décembre 1980, dont les dispositions ont été reprises sous les articles 242-O M à 242-O T de l'annexe II au code général des impôts ; que la décision que prend le service sur une réclamation de cette nature, lorsqu'elle ne donne pas entièrement satisfaction au redevable et même si elle est précédée d'opérations de vérification ou de contrôle, n'a pas le caractère d'une procédure de reprise et de redressement ; qu'il résulte de la combinaison des articles R. *198-10 et R. *199-1 du livre des procédures fiscales précités que lorsque le service n'a, dans le délai de six mois qui lui est imparti, ni statué sur ladite réclamation ni avisé le contribuable de la nécessité d'un délai supplémentaire, il est considéré comme ayant rejeté implicitement la réclamation dont il était saisi, ce qui permet au demandeur de saisir le tribunal administratif ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article 242-O Q de l'annexe II au code général des impôts précise le délai dans lequel la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée doit être formulée, et mentionne que cette demande est "accompagnée des originaux des factures, documents d'importation et de toutes pièces justificatives" ; qu'il ressort de ces dispositions que pour obtenir le remboursement de la taxe qu'ils sollicitent, les assujettis établis dans un Etat membre de la Communauté doivent, à peine d'irrecevabilité de leur demande, joindre les originaux des factures, documents d'importation et toutes pièces justificatives ; que ces documents doivent être produits devant l'administration avant que celle-ci ne statue sur la demande ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'administration a statué sur la demande de remboursement qu'avait déposée la société Iveco Fiat SPA, celle-ci contenait, pour un montant de taxe de 2 889 260,52 F toutes les pièces justificatives ; que dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le remboursement accordé à la société Iveco Fiat SPA le 13 décembre 1991 pour ce montant présentait le caractère d'un dégrèvement d'office au motif que le délai de réponse qui lui était imparti ne pouvait courir qu'à partir du moment où la demande contenait tous les documents justificatifs prévus par l'article 242-O Q de l'annexe II au code général des impôts et n'était pas expiré au jour de sa décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement ..." ; que le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée obtenu par la société Iveco Fiat SPA pour un montant de 2 889 260,52 F est intervenu postérieurement au rejet par l'administration d'une réclamation ; qu'il a eu, à la suite de ce rejet, le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la circonstance que le droit à remboursement ne procéderait pas, à l'origine, d'une erreur commise parl'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, est sans incidence ; qu'il doit dès lors donner lieu au paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 2 889 260,52 F ; que ces intérêts moratoires doivent courir, s'agissant de la procédure de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée facturée à des assujettis établis hors de France pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur de la part de l'assujetti, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable ;

Considérant qu'en revanche, le ministre est fondé à soutenir que le remboursement accordé le 14 février 1992, après production en janvier 1992 par la société Iveco Fiat SPA des pièces justificatives pour un montant de taxe de 3 048 686,04 F, soit dans le délai de six mois imparti à l'administration pour statuer sur la réclamation par l'article R* 198-10 du livre des procédures fiscales, doit être regardé comme ayant le caractère d'un dégrèvement d'office et qu'il ne peut donner lieu, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à paiement d'intérêts moratoires ; que, par suite, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, qui a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires calculés sur la somme de 3 048 686,04 F, doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa de la loi du 31 décembre 1987 susvisée, de statuer sur l'appel formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée obtenu par la société Iveco Fiat SPA, d'un montant de 3 048 686,04 F, ne peut donner lieu au paiement d'intérêts moratoires, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 juillet 1994 en tant qu'il a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires calculés sur cette somme ;
Sur les conclusions de la société Iveco Fiat SPA tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 28 mai 1998 est annulé en tant qu'il a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires calculés sur la somme de 3 048 686,04 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 4 juillet 1994 est annulé en tant qu'il a condamné l'Etat à payer à la société Iveco Fiat SPA des intérêts moratoires calculés sur la somme de 3 048 686,04 F.
Article 3 : La demande présentée par la société Iveco Fiat SPA devant le tribunal administratif de Paris tendant à obtenir de l'Etat le paiement d'intérêts moratoires calculés sur la somme de 3 048 686,04 F est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à la société Iveco Fiat SPA une somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Iveco Fiat SPA.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 198307
Date de la décision : 20/10/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES.


Références :

CGI L199, R199-1
CGI Livre des procédures fiscales R198-10, L190, L208, 11
CGIAN2 242 Q
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2000, n° 198307
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:198307.20001020
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