La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2000 | FRANCE | N°214512

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 06 novembre 2000, 214512


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 novembre 1999, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Paris en date du 8 novembre 1999 transmettant au Conseil d'Etat le dossier de la requête présentée par le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES ;
Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES, dont le siège est ..., représenté par son secrétaire général en exercice, domicilié audit sièg

e ; le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLE...

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 novembre 1999, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Paris en date du 8 novembre 1999 transmettant au Conseil d'Etat le dossier de la requête présentée par le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES ;
Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES, dont le siège est ..., représenté par son secrétaire général en exercice, domicilié audit siège ; le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES demande :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 4 novembre 1998 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'habilitation en vue d'être autorisé à accéder aux zones d'attente ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une nouvelle décision en vertu de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi du 16 juillet 1980 ;
Vu le décret n° 95-507 du 2 mai 1995 modifié par le décret n° 98-510 du 17 juin 1998 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 35 quater ajouté par la loi du 6 juillet 1992 à l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "I. L'étranger qui arrive en France par la voie maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer dans le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans la zone d'attente du port ou de l'aéroport pendant le temps nécessaire à son départ, et s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée ... V ... Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'accès ... des associations humanitaires à la zone d'attente" ; que ces conditions d'accès ont été fixées par le chapitre II du décret du 2 mai 1995, modifié par le décret du 17 juin 1998, et dont l'article 7 dispose : "Un arrêté du ministre de l'intérieur, pris après avis du ministre des affaires étrangères, fixe la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue d'accéder à la zone d'attente dans les conditions fixées par le présent chapitre.. Tout refus d'habilitation doit être motivé ..." ;
Considérant que la décision du ministre de l'intérieur en date du 4 novembre 1998, rejetant la demande présentée par l'association requérante en vue d'être habilitée à accéder aux zones d'attente dans les conditions fixées par le décret du 2 mai 1995 est motivée par le fait que le nombre de six associations habilitées le 19 août 1998 permet, compte tenu de l'augmentation du nombre de visites autorisée par le décret du 17 juin 1998, une conciliation satisfaisante des exigences de l'ordre public et de l'exercice de leur mission par ces associations et que les six associations habilitées sont celles qui oeuvrent déjà à la frontière depuis plusieurs années ou qui peuvent apporter un éclairage particulier, intéressant le fonctionnement de la zone d'attente et l'accueil des personnes qui y sont maintenues ;
Considérant que la circonstance que le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES est membre d'une association - l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers - elle-même habilitée au même titre, invoquée par le ministre de l'intérieur devant le Conseil d'Etat, n'était pas au nombre des motifs mentionnés dans la décision attaquée ; qu'elle ne peut, dès lors, en tout état de cause, être utilement invoquée par le ministre à l'appui de ses conclusions tendant au rejet de la requête ;

Considérant que s'il appartient au ministre de l'intérieur de veiller à ce que l'accès des associations humanitaires habilitées n'entrave pas, selon les termes de l'article 1er du décret précité du 2 mai 1995, "le fonctionnement de la zone d'attente et les activités qu'y exercent les services de l'Etat, les entreprises de transport et les exploitants d'infrastructures", il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre total de visites qu'aurait permises l'habilitation d'une septième association humanitaire aurait été de nature à compromettre le respect de cette exigence ; que le ministre n'apporte aucune précision de nature à identifier les motifs propres au MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES justifiant que soit écartée la demande de cette association, dont un premier refus d'habilitation en 1995 avait d'ailleurs été annulé pour erreur de droit ; que, dans ces conditions, la décision attaquée doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'association requérante est, dès lors, fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que la présente décision implique normalement que le ministre de l'intérieur accorde à l'association requérante l'habilitation qu'elle a demandée ; qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que le ministre de l'intérieur refuse l'habilitation ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre d'accorder à l'association requérante l'habilitation demandée ;
Article 1er : La décision du ministre de l'intérieur en date du 4 novembre 1998 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur d'accorder au MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES l'habilitation demandée par lui.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 214512
Date de la décision : 06/11/2000
Sens de l'arrêt : Annulation injonction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ETRANGERS - ENTREE EN FRANCE - CAZone d'attente (article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945) - Rejet d'une demande d'habilitation à accéder aux zones d'attente - Erreur manifeste d'appréciation.

335-005 Décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'habilitation du mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) en vue d'être autorisé à accéder aux zones d'attente. S'il appartient au ministre de l'intérieur de veiller à ce que l'accès des associations humanitaires habilitées n'entrave pas le fonctionnement des zones d'attente, il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre total de visites qu'aurait permises l'habilitation d'une septième association humanitaire aurait été de nature à compromettre le respect de cette exigence. Le ministre n'apporte aucun précision de nature à identifier les motifs propres au MRAP justifiant que soit écartée la demande de cette association. Annulation de la décision de refus qui est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

- RJ1 PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION - CAAnnulation d'un refus d'habilitation à accéder aux zones d'attente - Eléments de droit ou de fait nouveaux justifiant un nouveau refus - Absence - Habilitation ordonnée par le juge (1).

54-06-07-008 Annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'habilitation du mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) en vue d'être autorisé à accéder aux zones d'attente. Cette décision implique normalement que le ministre accorde à l'association requérante l'habilitation qu'elle a demandée. Dès lors qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'à la date de la décision d'annulation, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que le ministre refuse l'habilitation, il y a lieu d'enjoindre au ministre d'accorder à l'association requérante l'habilitation demandée.


Références :

Décret 95-507 du 02 mai 1995 art. 1
Décret 98-510 du 17 juin 1998 art. 7
Loi du 06 juillet 1992
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945

1.

Cf. 1997-04-04 Epoux Bourezak, p. 278


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2000, n° 214512
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Errera
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:214512.20001106
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award