La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2000 | FRANCE | N°199544

France | France, Conseil d'État, 20 novembre 2000, 199544


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 septembre 1998 et 8 janvier 1999, présentés pour la SOCIETE FARANGE, dont le siège est sis ... ; la SOCIETE FARANGE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement du 11 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité territoriale de Corse à lui payer la somme de 2 175 000 F avec intérêts capitalisés aux 14 juin 1994 et 26

octobre 1995, la somme de 44 593 F au titre des dépens et la so...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 septembre 1998 et 8 janvier 1999, présentés pour la SOCIETE FARANGE, dont le siège est sis ... ; la SOCIETE FARANGE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement du 11 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité territoriale de Corse à lui payer la somme de 2 175 000 F avec intérêts capitalisés aux 14 juin 1994 et 26 octobre 1995, la somme de 44 593 F au titre des dépens et la somme de 40 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et, d'autre part, annulé les ordonnances du 20 mai 1996 et du 14 mars 1997 par lesquelles le président du tribunal administratif de Bastia, statuant en référé, a condamné la collectivité territoriale de Corse à lui verser respectivement les sommes de 350 000 F et de 1 000 000 F à titre de provision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE FARANGE et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la collectivité territoriale de Corse,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la collectivité territoriale de Corse a été condamnée à payer à la SOCIETE FARANGE deux provisions s'élevant respectivement à 350 000 F et 1 000 000 F par deux ordonnances du 20 mai 1996 et du 14 mars 1997 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia, statuant en référé puis, par jugement du 11 juillet 1997 de ce tribunal administratif, la somme de 2 175 000 F en raison du préjudice subi par cette société du fait de la procédure d'expropriation engagée par la collectivité territoriale de Corse à propos de terrains sur lesquels la SOCIETE FARANGE souhaitait réaliser une opération immobilière ; que la cour administrative d'appel de Marseille ayant par un arrêt du 30 juin 1998 annulé les ordonnances et le jugement susmentionnés, la SOCIETE FARANGE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; que le ministre de l'intérieur forme un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Considérant qu'en se bornant à énoncer, dans son arrêt, que "la société ne saurait se prévaloir pour justifier sa demande en indemnisation, ( ...) que la collectivité territoriale de Corse ( ...) a mis en oeuvre les procédures résultant de la déclaration d'utilité publique", sans indiquer les motifs pour lesquels elle rejetait ce moyen qui n'était pas inopérant, la cour a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la SOCIETE FARANGE est fondée à demander l'annulation de cet arrêt ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter le pourvoi incident du ministre de l'intérieur ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel par la collectivité territoriale de Corse et tendant à l'annulation du jugement du 11 juillet 1997 du tribunal administratif de Bastia :

Considérant que l'article UB 6 du plan d'occupation des sols de la commune d'Ajaccio disposait, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, que les constructions de plus d'un étage devaient, dans la zone dont il s'agit, être situées à une distance maximale de quinze mètres de la voie publique ; qu'il est constant que le projet de la SOCIETE FARANGE, qui était constitué d'immeubles de plusieurs étages, ne respectait pas cette prescription ; que si la SOCIETE FARANGE avait proposé à la commune d'Ajaccio de classer dans la voie publique une partie des terrains d'assiette du projet, afin de rendre ce dossier conforme aux dispositions de l'article UB 6, ce classement, qui n'a pas été effectué, aurait dû intervenir dans une zone boisée classée en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, lequel interdit dans les zones ainsi classées tout changement d'affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements ; qu'ainsi il n'est pas établi que le projet de la SOCIETE FARANGE eût pu être réalisé en conformité avec les dispositions de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols ;
Considérant, au surplus, qu'il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette desconstructions projetées est situé dans le champ de visibilité de l'ancien Grand Hôtel d'Ajaccio, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que dès lors, en application de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, ces constructions ne pouvaient être édifiées qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France ; qu'il est constant que cet accord a été refusé par une décision du 15 avril 1992 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE FARANGE ne justifie pas qu'elle aurait, selon toute vraisemblance, pu légalement obtenir le permis de construire les bâtiments projetés ; que le préjudice dont elle se prévaut ne peut ainsi être regardé comme certain ; que ce préjudice n'est, par suite, pas indemnisable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse est fondée à demander l'annulation du jugement du 11 juillet 1997 du tribunal administratif de Bastia ; que les conclusions présentées par la SOCIETE FARANGE devant le tribunal administratif de Bastia, ainsi que ses conclusions incidentes en appel, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des ordonnances des 20 mai 1996 et 4 avril 1997 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia :
Considérant que les conclusions de la SOCIETE FARANGE tendant à la condamnation de la collectivité territoriale de Corse au paiement d'une indemnité ayant été ci-dessus rejetées, les ordonnances susvisées, par lesquelles le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a accordé à la SOCIETE FARANGE des provisions à valoir sur cette indemnité, doivent être en conséquence annulées ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE FARANGE à payer la somme de 44 593 F au titre des frais afférents à l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bastia ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la collectivité territoriale de Corse, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à la SOCIETE FARANGE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de condamner la SOCIETE FARANGE à payer à la collectivité territoriale de Corse la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 30 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : Le pourvoi incident du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 3 : Le jugement du 11 juillet 1997 du tribunal administratif de Bastia et les ordonnances des 20 mai 1996 et 14 mars 1997 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif deBastia sont annulés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SOCIETE FARANGE devant le tribunal administratif de Bastia sont rejetées.
Article 5 : Les frais afférents à l'expertise ordonnée par le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia, qui s'élèvent à la somme de 44 593 F, sont mis à la charge de la SOCIETE FARANGE.
Article 6 : La SOCIETE FARANGE est condamnée à payer à la collectivité territoriale de Corse la somme de 30 000 F.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FARANGE, à la collectivité territoriale de Corse et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 199544
Date de la décision : 20/11/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-05 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME.


Références :

Code de l'urbanisme L130-1, R421-38-4
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2000, n° 199544
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:199544.20001120
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award