Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Anne-Marie X..., demeurant ... au Barp (33114) ; Mme LALOUBERE demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt du 29 avril 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 4 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, d'une part, sa demande d'annulation de la décision du 13 janvier 1994 par laquelle le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Gironde a refusé sa demande d'aide à la création d'entreprise ensemble de la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rejeté son recours hiérarchique contre ladite décision et, d'autre part, sa demande d'indemnité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 93-1113 du 20 décembre 1993 ;
Vu le décret n° 94-225 du 21 mars 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme LALOUBERE a présenté le 22 octobre 1993 une demande d'aide à la création d'entreprise qui a été rejetée par une décision du 13 janvier 1994 du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Gironde ; qu'elle a formé à l'encontre de cette décision un recours hiérarchique reçu le 10 février 1994, lequel a donné lieu du fait du silence observé par le ministre plus de quatre mois après sa réception, à une décision implicite de rejet le 10 juin 1994 ;
Considérant que l'intéressée se pourvoit contre un arrêt du 29 avril 1999 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, d'une part, sa demande d'annulation des décisions ayant rejeté sa demande d'aide, d'autre part, ses conclusions indemnitaires ;
Considérant que les mentions d'une décision de justice font foi jusqu'à preuve contraire ; que Mme LALOUBERE n'établit pas que les mentions de l'arrêt attaqué relatives à la présence des parties à l'audience seraient inexactes ;
Considérant que la requérante soutient à titre principal que l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit faute d'avoir fait application à sa demande d'aide des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail dans leur rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ;
Considérant que si une loi une fois promulguée devient exécutoire à partir du moment où sa promulgation est connue, son entrée en vigueur se trouve différée lorsque la loi contient des dispositions subordonnant expressément ou nécessairement son exécution à une condition déterminée ;
Considérant qu'antérieurement à l'intervention de la loi du 20 décembre 1993, les dispositions régissant l'aide à la création d'entreprise en réservaient l'octroi aux bénéficiaires d'un des revenus de remplacement prévus à l'article L. 351-2 du code du travail ou de l'allocation de revenu minimum d'insertion ; que le montant de l'aide, forfaitaire pour cette dernière catégorie d'intéressés, était susceptible dans les autres cas d'être majoré en fonction du temps écoulé depuis l'incription comme demandeur d'emploi, des références de travail antérieures ou de l'embauche ultérieure d'un ou plusieurs salariés ; que l'attribution était subordonnée à une décision expresse de l'autorité administrative ; qu'enfin, en cas de nouvelle inscription du bénéficiaire comme demandeur d'emploi, ses droits étaient affectés, en tout ou partie, au remboursement de l'aide précédemment obtenue ;
Considérant que l'article 6 de la loi du 21 décembre 1993 a procédé à une refonte des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail ; qu'à cette fin, le législateur a étendu le champ des bénéficiaires aux "chômeurs inscrits comme demandeurs d'emploi depuis six mois", conféré dans tous les cas au montant de cette aide un caractère forfaitaire, posé le principe que l'aide est réputée accordée si un refus explicite n'intervient pas dans le mois qui suit la demande, ouvert la possibilité d'une participation financière de l'Etat à des actions de conseil ou de formation à la gestion d'entreprise et prévu que dans le cas où l'intéressé est à nouveau inscrit comme demandeur d'emploi dans le délai d'un an après la création de l'entreprise, il retrouve le bénéfice des droits qu'il avait acquis sans qu'il y ait lieu à imputation du montant de l'aide perçue ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 351-24 du code précité : "un décret en Conseil d'Etat détermine lesmodalités d'application du présent article" ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur a entendu subordonner l'entrée en vigueur de la refonte du régime d'aide qu'il opérait à l'intervention du décret en Conseil d'Etat ainsi prévu ; qu'aux termes de l'article 9 du décret n° 94-225 du 21 mars 1994, "les dispositions du présent décret sont applicables aux dossiers de demande d'aide à la création ou à la reprise d'entreprise déposés à compter du 5 avril 1994" ;
Considérant qu'il suit de là, qu'après avoir relevé que Mme LALOUBERE ne rentrait pas dans le champ des bénéficiaires de l'aide au regard des dispositions du code du travail applicables à la date de sa demande d'aide, c'est, sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel en a déduit que le directeur départemental du travail et de l'emploi était tenu de rejeter cette demande comme il l'a fait par sa décision du 13 janvier 1994 ;
Considérant cependant, que pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif, la requérante avait également soutenu qu'à la date de sa décision le ministre chargé du travail était tenu de faire application des dispositions de l'article L. 351-24 du code dans leur rédaction résultant de l'article 6 de la loi du 20 décembre 1993 dans la mesure où l'introduction d'un recours hiérarchique valait dépôt d'une demande d'aide postérieurement à la promulgation de la loi ; que la cour administrative d'appel a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que l'arrêt attaqué doit par suite être annulé en tant qu'il statue sur celles des conclusions de Mme LALOUBERE dirigées contre le jugement du tribunal administratif relatives à la légalité de la décision implicite du ministre et aux conclusions indemnitaires de l'intéressée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler "l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'en l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les moyens relatifs à la procédure suivie devant le tribunal administratif :
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du mémoire en défense présenté au nom de l'Etat en première instance est inopérant ;
Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de mise en demeure adressée à l'administration par le président du tribunal administratif en application des dispositions de l'article R. 150 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, l'administration ne peut être réputée avoir acquiescé aux faits au seul motif qu'elle aurait produit son mémoire en défense après le délai qui lui était imparti ;
Sur la légalité de la décision implicite du ministre :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus Mme LALOUBERE qui avait déposé son dossier de demande d'aide à la création d'entreprise le 22 octobre 1993, ne pouvait, eu égard aux dispositions édictées par le décret du 21 mars 1994 à l'effet de déterminer les modalités d'application de l'article 6 de la loi du 21 décembre 1993, bénéficier, pour le dossier qu'elle avait déposé, des dispositions de la loi nouvelle ; que la présentation d'un recours hiérarchique, d'ailleurs formé le 10 février 1994 et non postérieurement au 5 avril 1994, ne constituait pas le dépôt d'un nouveau dossier de demande pour l'application des dispositions de l'article 9 du décret du 21 mars 1994 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme LALOUBERE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision implicite de refus du ministre ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de Mme LALOUBERE tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la prétendue illégalité fautive des décisions administratives litigieuses ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 29 avril 1999 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme LALOUBERE dirigées comme le jugement du tribunal administratif de Bordeaux relatives à la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et aux conclusions indemnitaires.
Article 2 : La requête présentée par Mme LALOUBERE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux à l'encontre du jugement du tribunal administratif en ce qu'il statue sur la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et sur ses conclusions indemnitaires, est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme LALOUBERE devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Anne-Marie LALOUBERE et au ministre de l'emploi et de la solidarité.